jeudi 31 décembre 2009

condoléances...


...
La Police Nationale, une fois de plus, est en deuil. Un des nôtres, Patrice, Brigadier-Major au Commissariat de Chessy a laissé sa vie lors d'une intervention, face à des cambrioleurs.
Une fois de plus, la police paye un lourd tribut sur une intervention. A chaque fois, on se dit que rien ne vaut la vie, qu'il ne sert à rien de la mettre en danger pour faire "une affaire". On se le dit à chaque fois. Mais, à chaque fois, c'est la même chose. A chaque fois, la motivation prend le dessus. Le policier fait son travail, son possible pour arrêter ceux qui violent la loi, ceux qui s'en prennent aux personnes comme aux biens. Mais oui, c'est sur, ca ne vaut pas le coup. Rien ne vaut la peine, en fait. On pense alors à sa famille, ses proches, ses collègues.
Il n'y a rien de plus à dire, face à un tel drame. Si ce n'est le message adressé à la classe politique "donnez-nous les moyens de votre politique". On ne peut pas tout faire avec des bouts de ficelle. Quoi qu'on en dise, le métier de policier et/ou gendarme, sera toujours différent de celui de contrôleur des impots ou secrétaire administratif dans l'éducation nationale (ce sont des exemples). Tout ca pour dire qu'on ne peut pas supprimer des postes dans la police comme on le fait dans d'autres administrations. Il ne s'agit pas seulement de répartition des tâches de travail, mais bel et bien de la sécurité des policiers, mais aussi des citoyens.
Recentrons-nous sur le métier d'origine du policier; supprimons les milliers d'heures de tâches indues accumulées tous les jours.
Messieurs, donnez-nous les moyens pour que de tels drames arrivent moins souvent. 


mercredi 16 décembre 2009

aux armes, etcetera...


Il semblerait que les médias français découvrent que des armes circulent, principalement dans certaines cités. C'est à chaque fois que l'on déplore un mort que l'émoi se fait voir, quelques jours durant. Mais ce n'est pas quelque chose de nouveau. Il n'y a pas une semaine où il n'y a pas un incident qui relate des coups de feu dans tel ou tel endroit, ou une découverte d'arme par la police. Une fois c'est une Kalachnikov, une autre fois un pistolet-mitrailleur ; parfois, ce sont des lance-roquette (cf "Le Parisien")  .
Et, depuis maintenant quelques semaines, on ne les trouve pas, mais ce sont des matières explosives qui arrivent. Ainsi, la semaine passée, c'est un établissement bancaire était la cible d'un vol commis au moyen d'explosifs (google-afp). Et, cet article nous l'apprend, une dizaine de faits sont déjà répertoriés, pour la plupart des tentatives de vol. Et c'est à craindre, comme le soulignent certains commentaires d'articles, un jour, il y aura des blessés, voir pire. Hier encore, nouvelle explosion, et tentative de vol sur une agence bancaire!
Donc, l'armement qui arrive est de plus en plus lourd, et de plus en plus diversifié.
Bien souvent, ces armes proviennent du Caucase, depuis la fin des hostilités sur place, elles sont donc recyclées, via des trafiquants peu scrupuleux qui voient dans nos cités des petites bandes armées. Ces dernières achètent désormais ces nouveaux jouets comme des bonbons, pour des prix largement abordables. Bon nombre de petits trafiquants disposent désormais d'une pétoire, et certains n'hésitent pas à l'utiliser ! Et quelque chose me dit que cela sera plus de plus en plus fréquent !
Elles ont plusieurs but: se proteger dans le cadre d'un trafic de stupéfiants, contre la Police ou les éventuels carotteurs, ou encore dans le cadre de règlements de compte entre cités, voir, tout simplement, pour regler des contentieux privés. Voir, parfois, sans raisons apparentes (la voix du Nord); ainsi, on peut être au mauvais endroit, au mauvais moment! Comme un accident, quoi! Je vous passe la comparaison que je sais être très moyenne. Mais, finalement, c'est une réalité.

Voilà un petit reportage d'envoyé spécial, qui était diffusé en début d'année.
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A entendre certains, ils s'y connaissent plus que moi, qui suis policier, en matière d'armement !
Une fois de plus, l'arsenal juridique est bien présent. Pour autant, les détentions d'arme, si elles sont poursuivies, ne le sont pas forcément à hauteur du risque que font encourir ceux qui les possèdent.

vendredi 11 décembre 2009

une semaine un peu chargée...




Lundi matin, 09h00 : une nouvelle semaine commence. Les dossiers s'accumulent, tout doucement ; j'ai l'habitude de dire que l'on peut considérer tout cela comme la pluie à Gravelotte ; bref, ca tombe ! Je me répète, mais c'est tout bonnement la saison. On a beau le savoir, ce n'est pas évident à gérer. On ajoute à cela de vieux dossiers qui ne sont pas encore « sortis », et d'autres qui sont sortis, mais pour lesquels il y a encore quelques heures de travail en prévision ; des vérifications à faire, au regard de certaines déclarations faites au magistrat instructeur. Bref, le travail ne manque pas. Une surveillance en soirée, rien de bien méchant, mais c'est retour maison à 21h00. Cette semaine, nous sommes « de nuit » ; c'est-à-dire que c'est notre équipe qui est chargée de s'occuper des saisines éventuelles qui pourraient survenir en pleine nuit. A vrai dire, en une année, j'en ai fait quelques unes, et je n'ai pas été appelé une fois. Non pas que je n'ai jamais eu à travailler de nuit (ca, j'ai pu l'expérimenter), mais jamais sur une « saisine » ; c'est-à-dire jamais appelé pour une nouvelle affaire la nuit. Donc, peut d'inquiétude ; nous serons de nuit toute la semaine.
Mardi, 05h30 : mon téléphone sonne ; zut ! C'est la voix du chef ; qu'est-ce qui se passe ! Une affaire ; je prend note ; l'adresse, rapide résumé des faits. Ok ; c'est parti. Le temps de prendre une douche pour réaliser. Je commence à réfléchir à ce qu'il va falloir faire sur place. Déjà, il faut du matos ; on n'a peut-être pas tout. Je repasse donc par le service, et me charge de prendre ce qu'il faut. Coup de fil de mon chef ; nouveau détour ; je passe prendre le patron de permanence. Je jette un œil au plan, je ne connais pas le quartier. Allez, c'est parti. Ensuite, nouveau coup d'œil sur le plan pour aller sur les lieux des faits. Un peu avant sept heures, nous arrivons sur place. Comme par hasard, c'est le jour où il fait le plus froid depuis le début de l'automne. Je répète « comme par hasard ». C'est toujours comme ca. C'est toujours lorsque les conditions climatiques sont mauvaises qu'on a un truc à faire en extérieur. Mais c'est ainsi. Sur place, résumé par l'OPJ local ; je prend des notes. Le service de sécurité, ok. Mon chef arrive juste derrière moi. Il me charge des témoins. Ok, c'est parti. On cherche. On fait le tour. Retour au service, il est 14 heures. Je n'ai même pas encore mangé ; tout juste ai-je avalé un truc, à la « va-vite » ce matin, en partant. Ca commence à creuser. On se décide, avec le groupe, d'aller casser la croûte, avant de poursuivre. Il faut maintenant noircir le papier de tout ce qui a été fait. Ca ne prend pas bien longtemps, mais il faut le faire quand-même. Ce n'est pas là une affaire que l'on va garder ; donc, on commence le job pour qu'un autre groupe, plus spécifique, continue l'enquête. Donc, les actes à faire à partir de cet après-midi sont à leur charge. Pour nous, ca y est, c'est fini. Pour autant, la journée va continuer jusqu'à 19h ; il y a du boulot, pas question de partir avant et de laisser les copains. Allez, il est 19h30, je quitte le bureau. J'arrive à la maison, il est 20h30. Les enfants sont déjà couché.
Mercredi : en général, je n'ai pas trop de difficultés à me lever tôt. Cela ne me pose que peu de problèmes ; par contre, le coup de bambou, c'est souvent le lendemain. Là, au réveil, je suis dans le gaze. Allez, sous la douche, un bisou aux enfants, un rapide petit-déj, et c'est reparti. Journée bien chargée ; on continue les dossiers en cours. Quelques demandes à droite à gauche, qu'il faut exploiter. Des vérifications à faire. 16h00, je pars avec mon chef, on a rendez-vous chez le juge pour « une ouverture d'info ». Comprendre qu'il s'agit donc d'une enquête ouverte au service. A l'issue des délais de flagrance, par le biais d'une synthèse faite au magistrat du parquet, nous lui faisons part de notre volonté, avec son accord, de poursuivre notre enquête sur commission rogatoire d'un juge d'instruction. Il donne donc son accord, en procédant à une ouverture d'information. Cela a pour effet de désigner un juge d'instruction (c'est fait par le doyen, sur un système de permanence) qui sera chargé de l'enquête. Bref, cela, nous l'avons fait la semaine dernière. Le juge est maintenant désigné, j'accompagne mes deux chefs. La discussion se prolonge un peu chez le juge ; on en profite pour aborder l'un ou l'autre dossier déjà en cours. De près ou de loin, c'est selon. Eh oui, il ne faut pas oublier les vieux dossiers.
18h30 ; retour au service ; tout juste le temps de jeter un œil sur mes mails. Une nouvelle surveillance, au final assez courte. Et je rentre chez moi, il est 21h00
Jeudi : cette journée commence un peu comme la veille.  Je peux me mettre sur le dossier toute la journée ; impeccable. Il y a pas mal de choses à faire. On part manger à la cantine à 13h00. Et là, le téléphone de mon chef se met à sonner. Un braquage vient de se produire ; c'est la permance de midi qui nous informe, au cas où. Eh oui, j'avais oublié ; lorsqu'on fait la nuit, on fait aussi la pause de midi. 13h30, retour au service pour un rapide café ; ca sent mauvais. 13h40, le coup de fil fatidique. Le chef de service nous informe que le parquet vient de nous saisir officiellement. Et c'est parti. Me revoilà avec mon sac. Arrivée sur place, prise de contacts, résumé des faits, les témoins... Cette fois, je suis chargé de procéder aux constatations. C'est-à-dire que je me dois de figer la « scène » sur le papier, de sorte à ce que celui qui va lire le procès-verbal puisse s'imaginer au mieux la scène de ce qui s'est passé. Je repars, il est dix huit heures passé. Une fois de plus, il faut tout faire, tout écrire. Sait-on jamais ce que pourrait apporter la nuit. Mieux vaut ne pas être pris par surprise, et voir les tâches s'accumuler. Ce soir-là, je rentrerais à 22h30, à peu près.
Vendredi : 09h00 au bureau ; le sens de l'humour de mon chef dirait « exceptionnellement, ca pourra être 09h05, que cela ne se reproduise pas ». mais ce jour-là est un peu particulier pour nous. Un repas est prévu, ce midi. Finalement, avec le travail de tout le monde, à droite, à gauche, il commencera à 15h. peu importe. C'est un moment de convivialité nécessaire dans ce genre de groupe. Nécessaire, mais également, de mon point de vue, fort agréable. Ce soir-là, nous finirons un peu tard, après avoir bien mangé, et bien discuté.
Heureusement, c'est le week-end. Heureusement, il n'y a rien de prévu, si ce n'est la fête de Noël du boulot à ma femme. Donc, un truc sympa pour les enfants. Super, c'est sur, ils seront contents.

mercredi 2 décembre 2009

La vérité, si je mens...


 typhaine, 5 ans
La France se réveille aujourd'hui, attristée, mais surtout consternée par l'affaire de la jeune Typhaine, 5 ans, qui était recherchée depuis le mois de Juin, dans le Nord de la France.
  
Aujourd'hui, la presse nous annonce qu'il ne s'agit pas d'une disparition, mais bien d'un décès. Accidentel ou pas, la justice sera amenée à trancher. L'instruction amènera certainement beaucoup de la clarté. Selon la mère, il s'agirait d'un accident, et selon le beau-père de la fillette, de « mauvais traitements répétés ».  Les versions semblent, de fait, divergentes, nous dit « l'express ».  Les fait sont abominablement tragiques ; il s'agissait d'une enfant.
Et la pilule est encore beaucoup plus difficile à faire passer lorsque l'on se souvient de la maman, Anne-Sophie Faucheur,  qui avait lancé un appel, auprès des médias. Et notamment dans la voix du nord. (la voix du nord) 
Elle qui nous dit « on se sent mal, toujours sans nouvelles, dans l'attente, on a un manque, on espère toujours la voir, on se sent vraiment mal, on est tenu à l'écart, on ne peut pas aider ». Ou encore « On garde bon espoir, où qu'elle puisse être,  on garde espoir, on l'attend, on espère qu'elle nous reviendra ». A la question de la journaliste, « qu'avez-vous à lu dire, à Typhaine », elle répond «  que t'es ma petite fille, j'ai déjà eu du mal à te récupérer, et que on a pu partager que cinq mois ensemble, malheureusement, mais que je t'aime, et je t'attends de tout cœur, que l'on puisse revivre d'autres moments ensemble, et que tu reste dans mon cœur, que tu es ma petite puce, je t'aime, bisous ».
Ces mots raisonnent encore ; j'ai beau écouter cette voix, et plus je l'écoute, et moins j'y vois un quelconque doute, ou quoi que ce soit qui puis puisse faire penser que cette mère sait que sa fille n'est plus de ce monde, et pour cause... mais non, elle est là, devant les journalistes, sure d'elle, de son récit.
Voilà où en est la nature humaine. Et c'est plus particulièrement de cela, dont je voulais parler. C'est une des choses qui me frappe le plus, depuis que je suis dans la police ; la capacité des gens à mentir, et qui plus est sur des choses immensément graves. A tous, il nous arrive, dans notre quotidien, de mentir, ou peut-être cacher la vérité, ou, au moins, la travestir quelque peu ; les raisons sont nombreuses ; on ne veut pas vexer, fâcher, ou décevoir l'autre. A tort ou à raison ; la morale dirait, bien entendu, toujours « à tort ».
Mais là, nous sommes dans l'extrême ; une femme fait mine de rechercher sa fille qu'elle sait morte, et enterrée ! Les mots sont terribles. Mais, en fait, plus rien ne m'étonne, dans la nature humaine. Chaque affaire me réserve son lot de mensonges. Et parfois même contre vents et marrées. Une démonstration par A+B, mais non, toujours le bon vieux mensonge. La certitude qu'il faut mentir au policier, et que, au pire, il sera toujours temps de dire la vérité au procès. C'est bien là que nous en sommes. Notre justice n'en a que faire, des mensonges proférés devant la police, à longueur d'année. C'est à nous, tout le temps, de contrecarrer ces mensonges, de toujours trouver un argument de plus, une preuve de plus, pour démontrer la mauvaise foi de l'individu. Et, parfois, en l'absence d'élément concret, il faut quand-même se faire une idée ; et là, cela devient très difficile.
Bien évidement, ce sont les mis en cause, que je pointe du doigt ; mais,  il faut le reconnaitre, il arrive que cela soit aussi valable pour les victimes. Cela arrive, il faut le dire, lors d'affaires de viol. J'ai déjà vu des jeunes femmes inventer  un viol pour prétexter un retard à la maison (alors qu'en fait, il s'agissait d'un amant). Ou encore cet homme qui déposait plainte pour viol alors qu'il se révèlera homosexuel.
Mettez-vous donc à la place du policier qui entend des victimes, des mis en cause. Bien évidement, le bon sens vous fait dire qu'il n'y a qu'à vérifier les dires de chacun. Mais parfois, c'est impossible. Parce que les faits remontent loin dans le temps, ou encore que la situation fait qu'il n'y a pas de témoin. Et alors ? que faire ? qui croire ? Ce n'est pas toujours facile. Et, en l'absence de preuve concrète, le doute prévaut toujours à l'accusé ; allez le faire comprendre à la victime ! L'audition est un art très complexe qu'il est, à mon sens, incapable de maitriser totalement.
Et je fais là le parallèle avec un autre sujet judiciaire brûlant. L'arrivée de l'avocat lors de la garde à vue. Que ce soit physiquement, ou au travers de la connaissance qu'il aura du dossier. Quel rapport, me dira-t-on ? Il y en a un , selon moi.
A mon sens, cette présence  ne fera qu'accroitre cette dose de « mauvaise foi » qui subsiste dans les enquêtes; en effet, ce conseil, lui, verra très souvent, une faille pouvant donner lieu à une réponse autre que la vérité ; une brèche dans laquelle il est possible de s'engouffrer.  Et plus ce mis en cause aura de l'argent, plus il aura de chances d'avoir un avocat capable de déceler ces brèches (où est l'équité, là-dedans ?). Voilà une des raisons qui font que je ne souhaite pas d'avocat lors de la garde à vue. C'est ce « conseil » qui n'a rien à voir avec la vérité en relation avec les faits, mais qui a plutôt trait à l'intérêt d'un homme, qu'il soit ou non coupable.
La garde à vue est, pour moi, « entre autre » (et j'insiste sur ces deux mots), un moyen de pression, il faut le reconnaitre . Un moment où, face à des éléments à charge, un mis en cause doit se défendre, se justifier, s'expliquer. Et plus il y aura de monde à accéder à ces éléments, plus il sera facile d'inventer une histoire autour. Alors qu'en situation « isolée », le mis en cause, acculé, se verra alors obligé de reconnaitre les faits, de manière circonstanciée. Et là aussi, j'insiste sur le terme de « circonstancié ». il ne s'agit pas non plus à ce mis en cause de répondre à l'enquêteur « oui, vous avez raison, j'ai fait ce que vous dites ». C'est à cet instant que l'on arriverait à des situation dramatiques telles qu'on a pu en vivre à Outreau, ou encore lors d'autres affaires largement médiatisées.
Dostoïevski disait « le mensonge est le seul privilège qui distingue l'homme de tous les autres organismes ».  Il faut croire qu'il avait raison...