jeudi 14 octobre 2010

Condamnation de la France par la CEDH


Ça y est, c'est tombé, aujourd'hui.
Tous les jours, nous nous rapprochons un peu plus de ce qui devient inéluctable. C'est évident au travers de ce blog, je suis contre la présence de l'avocat pendant les auditions, mais cela ne saurait tarder.
Cet arrêt devance de peu celui qui est attendu dans les prochains jours de la Cour de Cassation, alors même que Michèle Alliot-Marie présentait son projet de loi de réforme de la garde à vue pas plus tard qu'hier, en Conseil des Ministres.
Nous voilà donc pris dans un étau; le judiciaire et le législatif sont d'accord, même si la CEDH, et très certainement la Cour de Cassation, vont plus loin que le projet de loi. En effet, ce projet de loi institue la présence de l'avocat dans le cadre des crimes et délits dits de droit commun (où la garde à vue n'excède pas 24 ou 48 heures, en cas de prolongation). Dans ce que l'on appelle les régimes dérogatoires, le Garde des Sceaux a prévu de maintenir la présence de l'avocat à partir de la 72è heures de garde à vue. Il devra donc vraisemblablement revoir sa copie.
Quelles sont donc les incidences pour nos affaires?
Avant, il faut également préciser que ce projet de loi, tout comme la condamnation de la France, demandent à ce que soit rétabli ce que l'on nomme "le droit au silence". C'est à dire que toute personne placée en garde à vue peut ne pas vouloir s'expliquer de ce qui lui est reproché, et donc ne pas répondre aux questions des enquêteurs.
Ensuite, je dois de préciser une nouvelle chose; je fais bien la différence entre ceux que je qualifie de délinquants d'habitude (les voleurs multirécidivistes, trafiquants de drogue, etc...) et ceux qui se font attraper parce qu'au mariage du petit dernier, ils ont bu un verre de trop. Le second n'a fait de mal à personne (sauf en cas d'accident, bien-sur). Il n'a ni volé ni frappé personne.
Donc, ce délinquant va donc se retrouver en garde à vue. Et, à la moindre question, il nous dira "je n'ai rien à vous dire". Ce que lui aura soufflé son avocat qui sera là dès le début de la garde à vue. Bien sur, inutile d'insister et de perdre du temps. Les auditions seront donc finies avant même d'avoir commencées.
Je vous passe la confrontation entre une victime de viol et son auteur; ce dernier sera assisté d'un avocat et la victime sera seule. J'ose ésperer qu'aucun de mes collègues, en charge des dossiers de viol,  n'entreprendra une telle confrontation!
Donc, retour à nos auditions, le plus simple est encore de ne plus en faire. Les affaires seront faites au mieux, toujours, mais sans audition. C'est le Procureur qui sera donc chargé des auditions sur le fond. Là encore, j'éspère qu'au Parquet ils sont prêts, parce qu'ils vont avoir une quantité non négligeable de travail en plus!
Bien sur, les avocats ont donc obtenu ce qu'ils demandaient depuis des années. Leurs clients pourront donc être satisfaits. A l'inverse, les victimes, ainsi que la Justice n'a rien gagné. Mais ca, on s'en rendra compte dans quelque années.
Oh, bien sur, les statistiques, elles, vont aller dans le sens de la loi. Michèle Alliot-Marie a déjà quantifié le nombre de futures garde à vue. On devrait donc passer à 300.000 au lieu des 800.000 actuelles (attention à celui qui en fait une de trop!!!). Et je vous parie qu'on arrivera à ces chiffres, ou pas loin.
A coté de cela, les délinquants seront moins souvent en prison, et la délinquance se multipliera.
Pourquoi? C'est simple. En audition, le policier avait toujours la possibilité de mettre un voyou face à ses contradictions. En gros, face aux arguments du policier, il reconnaissait, au moins partiellement, sa participation aux faits reprochés. Maintenant, il ne dira plus rien au policier. S'il est déferré, il faudra attendre une audition auprès du magistrat; combien de temps d'attente? Je ne le sais pas, mais la justice n'ira pas plus vite. Et, entre temps, son avocat l'aura aider à se trouver une bonne excuse. Comme (et je l'ai déjà vu) un passeport qui, bizarrement, voit une de ses pages noircie d'un tampon provenant de je ne sais quel pays sous développé, où la falsification est monnaie courante. Tout ça, on le sait, on l'aura.
Tant pis pour nous. Tant pis pour la justice. Mais, comme le veut la tradition, les statistiques diront de toute façon que la réforme est bonne.

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