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vendredi 16 mai 2014

De la justice ordinaire... quotidienne

Parfois, bien involontairement, les acteurs de la sécurité ou de la justice que nous sommes, se retrouvent "de l'autre coté". Finalement, comme tout le monde. Et c'est très sain et salutaire, en fait!

Les faits

Il est douze heures et cinquante minutes. C'est la pause déjeuner, et je décide, ce jour-là, d'aller me promener dans le centre-ville, en faisant un petit détour en bord de mer. Je finis par me retrouver dans un fast-food. Je prends ma commande, m'assois pour manger. J'écoute de la musique, sur mon smartphone. Mon cadeau de départ des anciens collègues, en métropole, il y a dix-huit mois. Je parcours la playlist, le téléphone posé à même la table ...

Et là, en moins de deux secondes, je vois ce jeune homme, qui prend mon portable, sur la table, et part en courant. Premier réflexe ... Je cours après ... Je descends l'escalier en colimaçon, je le vois à quelques mètres ... Il sort du centre commercial, prend à gauche ... Les badauds, qui voient ça ... Et bien, ils regardent ... Bref.
Et là, une pensée: ma sacoche, avec tous mes papiers, mon portefeuille ... Elle est au pied de la table ! C'est souvent un stratagème des voleurs ... Obliger la future "victime" à partir pour prendre "plus gros". Zut ... Il faut faire un choix ... Tant pis ! Dans la Police Nationale, le fait de perdre, de quelque manière qu'il soit, sa carte de Police, est synonyme de blâme. Et puis la carte bleue, etc ... Je m'arrête, et retourne rapidement à la table: tout est encore là. Je suis si énervé. Je m'en veux ... J'ai fait preuve de négligence ! Je n'avais jamais eu de sentiment d'insécurité, au centre-ville. Mais là, je prends une claque, en fait !

Je l'avoue ... Je suis, depuis plusieurs années, dans des services de police judiciaire où je traite des affaires d'une certaine importance. Je parle souvent en dizaine de milliers d'euros, voire plus. Que cela soit en terme de préjudices, ou encore de "valeur de marchandise".

Rapidement, j'appelle mon opérateur, et je fais bloquer la puce ... La puce, oui. Mais pas le téléphone. Et comme j'étais si peu méfiant, je n'ai même pas un code Pin sur le téléphone. Oui, j'ai fait preuve de négligence. Encore une fois.

Je me décide à déposer plainte. Je vais au commissariat, suis reçu au service de quart. On prend ma plainte. Je passe même par le fichier Canonge. Une collègue me montre huit cent clichés photographiques susceptibles de correspondre à l'individu recherché. J'ai toujours été sceptique devant ce genre de "présentation". Mais bon. Je me plie à la règle. J'estime que, lorsque l'on est "en demande", on n'a pas à la ramener. Je fais donc ce qu'on me dit. Comme tout le monde.

Je repars avec ma plainte. Et là ... Plus rien ! Bon, en même temps, ça prend du temps, pour effectuer les recherches. Les opérateurs en téléphone peuvent parfois mettre du temps à répondre ... Les caméras à exploiter. Bref. Je laisse faire le service enquêteur. Je ne les sollicite plus, rien. Je les laisse travailler.

Le portable étant pour moi une nécessité tant professionnelle que personnelle, je me rachète un téléphone portable. J'ai prévu de le payer en trois fois. Un smartphone, ce n'est pas donné ! Et encore moins aux Antilles. A ce jour, je n'ai pas fini de le payer, mon téléphone "made in China".



 Et maintenant?

Aujourd'hui, 14h30. Je reçois un appel du commissariat. L'auteur des faits a été interpellé - super - me dis-je !  Et il a reconnu les faits, en disant que ça l'avait pris "comme ça". Il aurait revendu le téléphone pour trente euros, à un de ses copains, lequel, à son tour l'aurait jeté. Soit. Le parquet est avisé. La décision "Rappel à la loi".
Oui ... Ok ... Et ? Et ?

Et ... Ben rien ! C'est tout.
Je raccroche ... Estomaqué. Je n'avais pourtant pas tendu l'autre joue ! Je suis scié.

Qu'on ne se méprenne pas ! La décision de "rappel à la loi" ne me regarde absolument pas ! Le Parquet est seul maître à bord. Gère la criminalité locale. Et puis ... Soyons sérieux. Il s'agit d'un collégien, inconnu à ce jour ... On ne va pas non plus l'envoyer deux ans en prison. Donc soit. J'imagine que le magistrat, suivant le compte-rendu qui lui a été fait, estime que le gamin a compris la leçon. Aucune difficulté.

Mais ... A quel moment pense-t-on à la victime, en fait ? En quoi, par cette décision, on parle de justice ? A quel moment imagine-t-on que le préjudice a été "réparé" ? N'est-ce pas, aussi, un peu le but de la justice, que de réparer, autant que faire se peut, une "injustice" ?
Cette décision me fait penser que notre système actuel s'en fiche un peu, en fait ! Il gère "comme il peut" la criminalité. L'autre coté, en fait ... Ce n'est pas très important !
En tous les cas, c'est ce que j'entends...

J'insiste encore une fois ... Je ne veux pas, par ce billet, "baver", ou "critiquer pour critiquer"... J'essaye d'être constructif, et profite d'être "de l'autre coté"... 

J'entends aussi certains d'entre vous, magistrats, qui me parlent des moyens, des délégués du procureur débordés, qui convoquent, à ce jour, quatre mois plus tard ... Oui. J'entends ... Et donc ?
Je ne peux me satisfaire de cette réponse. Les moyens.

Ça m'arrive à moi. Mais ça arrive à des milliers de personnes, tous les jours ! 

Alors oui, je sais, je dispose de recours ... Mais quelle énergie vais-je perdre, encore, pour quelle certitude ? Quel coût ? Cette lourdeur ne sert qu'à décourager les plaignants ... 

Quand bien même, il s'agit- là d'une décision d'un magistrat, c'est tout un système qui est en faute ! 
C'est bien du législateur, dont il s'agit. Celui-là même qui entend, régulièrement, parler des droits de la défense ...
Ne peut-on pas envisager un seuil minimum de droits, pour les victimes, qui consiste en un principe de  systématisation de l'indemnisation, dans ces cas-là ? Enfin au moins dans une certaine mesure ! C'est, me semble-t-il, le début de tout système qui se veut "juste"! Un auteur est interpellé, avoue son forfait ... La première des choses est, dans le cas d'une infraction matérielle d'indemniser la victime, à hauteur du préjudice subi ! Au moins dans une certaine mesure pour des très gros montants ! 
Je me mets à la place d'un parent dont l'enfant a "volé"... De moi-même, je prends contact avec la victime, s'il le faut par la biais des autorités, pour l'indemniser ... Je m'égare, là ... On parle d'éducation. 

Moi, je parle justice ... Et, en l'espèce, la justice est absente.

dimanche 12 janvier 2014

où l'on doit faire des - bons - choix

Vendredi, 13h - Paris

Je finis, péniblement, fatigué, mon deuxième cycle de stage, à plus de sept mille kilomètres de chez moi.
Je me dois d'avouer que je n'ai pas pour habitude de quitter mon femme et mes enfants.... Cela en rajoute à la difficulté de la formation, en elle-même. Une formation qualifiante, donc importante, qui nécessite du travail personnel en plus des heures de cours quotidiennes. Bref, pour moi, ces semaines ont été intensives. Le premier examen est passé; un soulagement en soit.
Mon téléphone sonne; de l'autre coté de l'Atlantique, le chef de groupe:

Salut; je veux juste t'avertir; c'est super chaud. Possible qu'on serre tout le monde aujourd'hui"
Et moi qui pensais me reposer, en rentrant ...
Même si cela parait étrange au commun des lecteurs, je suis un peu dégoûté. Ce dossier, je l'ai démarré au mois de Janvier de l'année dernière. J'y ai passé quelques centaines d'heures, avec l'aide de mes collègues qui ont repris le flambeau durant mes périodes de stage. Et voilà qu'il va "exploser" alors que je ne suis même pas présent... une espèce de frustration, en fait! C'est ainsi. La priorité, ce n'est pas l'enquêteur, mais l'enquête qu'il conduit.
On essaye de tenir; je crois que ce n'est pas opportun, de serrer. Mais il faut convaincre la hiérarchie". Et ça, c'est pas gagné! 
Bon, j'ai encore une petite chance, alors. On m'explique les détails de ce qu'il se passe... effectivement; le "serrage" est possible, mais pas forcément des plus judicieux à cet instant!  Les cibles principales du dossier ne sont pas "en main"; c'est à dire qu'il n'est pas possible de procéder aux interpellations à un moment "T" dans le mesure où elles ne sont pas toutes localisées. Et ne pas les "faire" toutes au même moment,  provoquerait leur fuite certaine vers des contrées lointaines.

Maintenant, si la décision est finalement prise de serrer, cela signifie que je vais bosser ce week-end. Et là, ça coince. Je dois rentrer le lendemain aux Antilles. Pour une semaine de vacances. Je l'ai promis à ma femme ainsi qu'aux enfants. Je me suis absenté pendant six semaines, les délaissant, je me dois de rétablir l'équilibre. Sauf que...

Mon arrivée sur l'île est prévue samedi en début d'après-midi. J'envisage de faire passer le message à ma femme, par téléphone:
- il est possible que je travaille, ce week-end ...
- Hors de question, samedi; tu restes à la maison; les files ont besoin de te voir.
 Je le comprend. Je suis partagé... finalement résigné. J'ai obtenu le dimanche, au moins. Difficile de laisser les collègues travailler, et rester, soi-même, à la maison!
Vingt quatre heures plus tard, j'arrive à l'aéroport. Rapidement, j'apprends que finalement, rien n'a bougé. Tout est bon, pour le week-end.
- Par contre, lundi matin, je vais faire un tour au service; histoire de débriefer ce qu'il s'est passé en mon absence.
- De toute façon, j'ai bien compris; ta réunion va s’éterniser toute la journée.
 La remarque est cinglante. Mais, depuis toutes ces années, ma femme a bien assimilé le fonctionnement du boulot. Difficile de lui faire "à l'envers".
La journée du lundi se passe comme ma femme l'avait compris; une réunion... et puis le reste de la journée; gestion des mails, et toutes les infos qui sont tombées depuis que je suis parti. Le dossier a pris une telle ampleur, les informations arrivant en si grosse quantité, que c'est une réelle difficulté pour moi. Il s'en est passé, des choses... quand bien même, à distance, je me suis tenu informé des événements majeurs, les détails ont leur importance!
Je décide de rester à la maison, le mardi. Vacances scolaires obligent... mais à partir de mercredi, c'est retour au bureau.

Mercredi, 19h00:
 je vais rentrer plus tard, on a un truc important, là.
 Pas ou peu de réponse, de l'autre coté de la ligne... 
Tout le service est réquisitionné, autour de cette surveillance, qui peut être capitale pour le dossier.

19h00: ça y est, ça bouge. Le rendez-vous est fixé. Et pourtant, impossible de s'approcher. Tout juste voit-on ce qui se joue à distance. Une voiture qui sort de l'enceinte privée; et qui revient moins de dix minutes plus tard. Il fait nuit. On n'aperçoit quasiment que des silhouettes!

Ce soir-là, en guise de congés, je rentre à la maison, il est vingt trois heures passées. Tout le monde dort.
Et jeudi matin, on y retourne. Tout est calé; on y va. C'est l'aboutissement - en tous les cas, le début - de plusieurs mois d'enquête. Comme on dit "on va au résultat.

"TOP SERRAGE"....

C'est parti. Tout s’enchaîne rapidement; l'important, c'est la simultanéité; si l'un des objectifs ou ses proches a le temps de passer ne serait-ce qu'un sms, la machine peut s'enrayer.
Mais finalement, tout est bon. En quelques minutes, les objectifs "principaux" sont atteints. Le reste sera du "plus".

A cet instant, tout le monde s'agite; des interpellations et gardes à vue partout, des mis en cause qui ne se connaissent pas et qui, pourtant, demandent, à 7000km de distance, le même avocat. Soit.
Difficile de faire comprendre au "client local" que l'avocat qu'il a désigné choisira celui qui, dans la pyramide, dans l'organisation, est le plus haut. Et ce n'est pas lui. Il ne veut pas comprendre. Même lorsque l'avocat, au téléphone, lui conseille de prendre un autre avocat. Il faudra vingt quatre heures pour qu'il consente à prendre, au moins un avocat commis d'office. Ici, aujourd'hui, pour trois GAV, il n'y a qu'un seul avocat commis d'office de disponible. Tout va bien. Oui, je sais, maître... article 63-3-1 du CPP, conflit d'intérêt, toussa... oui, mais non! Il n'y en a qu'un. Donc, cela profitera à la défense, dira-t-on. Soit. De toute façon, les choses sont entendues, aucun ne veut parler hors la présence de son avocat "habituel". Ok.

Vendredi matin, je me dois de satisfaire une obligation familiale. J'ai donc prévenu mes collègues que j'arriverai quelque peu en retard.
A la maison, tout est assez tendu; je sens que l’élastique se tend de plus en plus... il ne doit pas casser. Beaucoup de choses se sont accumulées, durant mon absence; des difficultés du quotidien, une gestion de toute la maison, quelques mauvaises nouvelles... finalement, je vais rester à la maison. Il le faut.
Je préviens le service. Comme je m'en doute, personne ne dit rien. Pas le temps de trop cogiter, dans ces moments-là. Il y a du taf par dessus la tête.
Et moi... je reste à la maison. Quelques jeux, une petite baignade, un peu de télé... la journée se passe avec les enfants... tout le monde est content. Pourtant, j'ai la tête ailleurs. Je n'ai de cesse de penser à ce dossier, qui occupe mes journées depuis plusieurs mois. Et cette impression de laisser tomber les collègues. Mais, encore une fois, pas le choix.
Dimanche matin, je suis au bureau de bonne heure. Les collègues et les GAV sont attendus vers 8h; j'ai donc une heure devant moi pour comprendre et assimiler ce qu'il s'est passé hier. Une façon, pour moi, de rattraper un peu le temps perdu. La journée se termine après minuit. En mon absence, l'escarcelle s'est remplie de deux GAV supplémentaires. Dont l'un, ayant pris la fuite l'avant veille en sautant du 4ème étage, a finalement été rattrapé... à l’hôpital, 24 heures plus tard, les deux jambes dans le plâtre. Lui, ne s'enfuira plus.
Pour la petite histoire, il avait envoyé une photo, en guise de message, sur laquelle il avait photographié ses jambes dans le plâtre... dans la mesure où il n'y a qu'un hôpital assurant les urgences, autant vous dire qu'il aura été simple à "cueillir". 

Le deferement est prévu pour le lundi. J'en fait partie. Le dimanche est donc, lui aussi, bien chargé; il faut tout boucler, tout relire. La procédure étant ce qu'elle est, de plus en plus complexe, on n'est jamais à l'abris d'une coquille, d'une erreur sur un PV, une date, une heure qui se chevauche... il faut tout vérifier, photocopier, "marianer", c'est à dire tamponer, signer en double...

J'arrive à la maison, il est une heure du matin, me "faxant" dans le lit tout aussi discrètement que je l'ai quitté au petit matin. Avec cette sensation que tout le monde a dormi, toute la journée!
Comme souvent, le deferement me fera passer 7h au Palais de Justice. Le même juge d'instruction, outre notre dossier, doit recevoir sept personnes avec mandat d'amener. Lesquelles passeront toutes devant le juge pour mise en examen, et devant le JLD qui statuera sur leur éventuelle détention. Et tout ça, avant notre dossier. Bref, l'attente est longue. Le deferement est aussi l'occasion de discuter. Que cela soit avec des magistrats ou des avocats de passage, voir, même, les ex "gardés à vue", à cet instant "sous main de justice".

Le temps de discuter un peu avec les GAV. Discussion forcément plus détendue qu'en garde à vue, dans les locaux de police. Comme je l'avais compris durant l'enquête, pour eux, la "case" prison, est quelque chose qu'ils ont déjà intégré. Ils savaient qu'ils allaient y passer à un moment ou un autre! Manquait plus que de savoir à quel moment cela devait arriver. Et, comme souvent, cet "après GAV" est aussi le moment où les gars disent "mais de toute façon, c'est la dernière fois... en sortant, j'arrête". Ou encore, le "mais je savais que vous étiez là, je vous avais vu..." Oui oui, bien sur...

Il est vingt heures passées. Tout le monde a son mandat de dépôt. Reste à rallier la maison d'arrêt.
Mardi devrait être plus "cool".
Finalement, tout va se bousculer. Deux nouvelles garde à vue. On enchaîne... Il reste un gros travail à fournir, sur ce dossier. Encore beaucoup de papier. Des documents saisis à exploiter, des interceptions à clôturer, d'autres personnes encore à rechercher.
Bref, c'est la rentrée scolaire. Finies, les vacances. Finalement, je n'ai passé que deux jours avec mes enfants...
La semaine s’enchaîne; gardes à vue, perquisitions... le jeudi soir, grosse montée d’adrénaline... puis rien.
La fatigue, quelques phrases mal placées, la pression qui retombe... et c'est en claquant la porte, que je quitte le service, jeudi soir, à vingt trois heures passées. Il est des moment où l'on a du mal à encaisser certaines choses. Ce soir, je n'ai pas envie de faire d'effort.
Après une bonne nuit de sommeil (que n'auront pas eu mes collègues, qui ont fini à 2h du matin), cette journée est placée sous le signe de la détente, avec un repas entre collègues, pour fêter le bon déroulement de cette affaire. J'aurai eu cette chance de participer à une affaire exceptionnelle. C'est beau.
Mais j'aurai toujours ce sentiment d'avoir failli... à deux reprises. Ce qui ne m'était jamais arrivé jusqu'ici...

 A cet instant, l'avantage, lorsque l'on est aux Antilles, c'est qu'un repas, qui se veut festif se passe quasi d'office au bord de la mer et sous le soleil...

Mais aussi, et c'est la deuxième bonne nouvelle du jour, c'est vendredi... et surtout, cela signifie que, cette fois-ci, je vais pouvoir passer trois jours avec ma famille. Au programme, piscine, plage, jeux, lecture, et farniente. Il était temps.


Et, d'avance, je le sais... une affaire en chasse une autre. Toujours.


En écrivant ces quelques lignes, il n'est nullement question de se plaindre. Ce métier, cette vie, je les ai choisis; et j'assume toutes les décisions que j'ai pu prendre à ce jour. Sans aucun regret. C'est une habitude. Ne jamais regretter; se servir du passé pour préparer l'avenir.
Mais assumer ne signifie pas que tout se fait dans le plus pur plaisir, sans douleur. L'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ne se trouve pas sans difficultés. Si tant est qu'il soit possible... 

dimanche 15 septembre 2013

Où l'on s'exaspère...

1.300.000
C'est le nombre de personnes qui, à ce jour, ont "liké" la page Facebook (260.000 personnes ont commenté sur la page... ) de soutien à ce bijoutier de Nice placé en garde à vue alors qu'il a fait feu sur les deux braqueurs qui venaient de le voler, en tuant l'un des deux.

La suite est assez "classique", ou, pour le moins "habituelle"...Le bijoutier est placé en gardé à vue. Bref, l'enquête "suit son cours".
A travers ce chiffre, qui semble massif, on sent bien que la société française est divisée sur le sujet


  •  les uns criant au scandale devant la mesure de garde à vue prise à l'encontre du bijoutier,
  • les autres, souvent juristes, presque écœurés de lire les commentaires de soutien.

J'avoue être assez partagé, sur tout cela:
Nous avons d'un coté un bijoutier qui, de par sa profession, se sent de plus en plus en danger. Les banques étant de plus en plus sécurisées, les braqueurs s'en prennent désormais aux commerces auxquels il semble plus "facile" de s'attaquer. Et cette crainte est non seulement une réalité, mais elle est aussi grandissante proportionnellement aux risques.
Pour autant, peut-on envisager d'autoriser la légitime défense telle qu'elle est indirectement proposée sur cette page ?
Si l'on autorisait les bijoutiers à posséder une arme pour se défendre, qu'en sera-t-il ensuite? Tous les commerçants voudront en faire de même ! A qui l'accorder ? Le refuser ?

Jusqu'à quel moment pourrait-on dire que ce bijoutier était en droit de tirer ? Aurait-il pu, de la même manière, envisager de le poursuivre en voiture, pour tirer une demi-heure plus tard ?
Que se serait-il passé si, au lieu de tuer le braqueur sur la moto, il avait tué un gamin qui passait par là ?
Les réactions auraient-elles été les mêmes? Je ne le pense pas !

Oui, notre société est exaspérée, tellement l'on constate, au quotidien, que nous n'arrivons pas à faire face la criminalité chaque jour plus violente. Et c'est en ce sens qu'il y a, selon moi, une erreur stratégique et/ou politique, dans le projet de loi Taubira, qui laisse penser que l'on s'occupe toujours plus des mis en cause que des victimes. J'ai bien dit "laisse penser". Oui, il faut réinsérer. C'est indéniable... Oui, on doit repenser les "sorties sèches"... Mais ce n'est pas ce message que retiennent les voyous qui ont, d'après moi, une vision assez binaire des choses:
 prison / pas prison. Pas prison = je peux recommencer... 
Mais c'est un autre débat...
Et c'est là que la stratégie n'est pas bonne; aucun message de fermeté n'est envoyé.

Pour autant, pour contrer l'exaspération, on ne peut tout autoriser. Le message de fermeté, ce n'est pas aux commerçants de l'envoyer.
Soyons quelque peu rationnels. Plutôt que hurler au scandale, réfléchissons, et servons-nous de ce qui existe et a déjà été mis en oeuvre. Je vous laisse suivre le raisonnement de @ValtonUSM






Qu'est-ce que cela nous dit?

Jusqu'à présent, de façon assez régulière, à chaque fois qu'un bijoutier s'est défendu d'un braquage en tuant son agresseur, il a été mis en examen, placé sous contrôle judiciaire, et, plus tard, jugé et condamné à du sursis.... Certes, la situation est quelque peu différente, puisque les faits se sont, semble-t-il, déroulé, cette fois-ci, hors de la bijouterie, alors que le danger était écarté...
Quoi qu'il en soit, il est important de laisser les enquêteurs et la justice travailler sereinement.

Il n'est pas, à mon sens, préférable, dans notre société, d'accepter la notion "œil pour œil, dent pour dent", qui consisterait à autoriser la détention d'arme à feu, et, dès lors, d'en faire un usage qui, à coup sur, déborderait dans nombre de situations. Il suffit de voir le nombre de morts par arme à feu aux Etats-Unis pour, rapidement, balayer cette solution.

La justice se doit de garder un œil sur ces actions toujours ambiguës. La garde à vue, même si elle semble injuste, n'est pas illégitime. Au moins le temps que tout soit clair. Il est facile de hurler au scandale une fois que la presse s'est faite l'écho des faits. Mais sont-ils aussi clairs qu'elle ne les présente ? Nous n'en savons rien. Il n'y a que l'enquête qui permettra d'établir ce qu'il s'est réellement passé. Il faut donc laisser le temps au temps.

Maintenant, il est un fait: pourquoi les gens sont-ils si nombreux à "liker" cette page ? Quelle déduction peut-on en faire ? Il est des questions qu'il faut se poser.

dimanche 14 juillet 2013

Doigts de réponse

     Attention, ce billet peut contenir des mots pouvant choquer les enfants. Merci d'émettre un bip en leur lisant les passages les plus marrants.

     On me demande beaucoup de choses, c'est l'objet de mon métier. Celui de répondre à des questions. On m'en demande autant à son sujet.

     Je n'en avais pas conscience avant d'apparaître sur le réseau social de l'oiseau bleu. Où il est si simple et à la fois si difficile de communiquer. Jusque là, ma présence sur le net se limitait à lire de profil (pour ceux qui ne suivent pas, je parle de facebook). Si voyeur et intrusif, le genre ne m'a jamais convenu.

     J'ai donc croisé, sur twitter, des gens que j'étais - et ai été - amené à côtoyer tous les jours, sans les voir ou presque, des professionnels dans leurs domaines respectifs, qui, pour certains, ont besoin d'un exutoire à peu de caractères, une vanne de secours. Une vanne peu lisse. Je n'y ai pas croisé que des professionnels d'ailleurs. J'ai aussi croisé des gens paumés, sans volonté, des gens perdus, des gens volontaires, des forcenés, des gens forcés. Mais également pas mal de gens bien, des petits malins, des gens égaux, des gens normaux. Des gens épris de vie. Certains deviendront des amis. Je me suis également rendu compte que les flicards étaient assez peu représentés sur le réseau, chose normale, et me suis pris au jeu. Ecueils compris.

     Les rôles se sont alors inversés, et on a commencé à me poser des questions. Vous vous doutez que les questions ont commencé bien avant mais ce n'est pas le sujet. Sur ce que j'étais, chose sur laquelle j'ai encore du mal à communiquer, mais surtout sur ce que je suis censé représenter, ce dont il est encore plus délicat de parler.

     Ce billet est destiné à ceux qui n'ont pas obtenu de réponse de ma part. Et à ceux que je n'ai pas envoyé chier. Je vide mon sac dans cette première partie. Un autre billet viendra pour des choses plus fleuries, et certainement plus jolies.

     Parce qu'au final, ce que l'on me demande le plus souvent, c'est pourquoi ? Déclinable à l'infini.
   
     Le pour quoi ?
     Je passe - rapidement - sur les litanies habituelles, et évacue ainsi le "routier", que je n'ai jamais pratiqué :
  * "S.I" : Pourquoi ai-je été flashé et pas lui ? Pourquoi le gouvernement il est méchant avec les automobilistes gentils comme moi ? Pourquoi préfère-t-on faire de l'argent avec les radars plutôt que d'arrêter des voleurs ? Pourquoi vous me contrôlez alors qu'un connard roulait plus vite que moi il y a dix minutes ?

  * "Réponse": J'ai envie de dire lève le pied, "pédale de plomb", j'ai moi-même perdu six points en dix-huit mois, personne d'autre que moi n'est responsable. Et arrête de te plaindre, ça te fait la bite (la plupart du temps c'est un homme), tu connaissais les règles. Par ailleurs, concernant les choix en matière de politique pénale, et n'étant pas élu de la République, je t'invite à aller demander audience auprès de ton représentant national. Bisous.
     Et non, je n'ai pas fait sauter mes points car en l'espèce c'est déjà fait, non plus que l'amende automatique, car discuter avec un bureaucrate, c'est compliqué, mais avec une machine c'est impossible. Sauf si elle est flic aussi. Encore que ... Si tu crois que j'ai encore des privilèges exorbitants à exercer ce métier, viens, et constate par toi même.
     Quant à la manière de faire mon métier, je citerais encore une fois une réplique de l'excellente série américaine "Southland", de la bouche de John Cooper, le personnage sinon central, pour le moins capital, à un automobiliste qu'il contrôle et qui lui demande s'il n'a pas mieux à faire: "Est ce que vous dites à votre dentiste comment vous arracher les dents ?". Il est évident que non, car chacun son métier. Les petits donneurs de leçons - s'ils en ont un, de métier - peuvent aller se faire cuire le cul. Ils seraient, tous, à les écouter, de meilleurs flics que toi car il faut être benêt pour exercer ce métier. "Come out and play". Ce sera mon dernier mot à ce sujet.
     Ah oui, j'oubliais, les flics n'ont pas plus le don d'ubiquité que les autres. Tu te plains que nous sommes partout mais étrangement jamais au bon endroit. Rapporté au nombre de flics par habitant, tu ne tiens pas la route, sauf à Paris. La mauvaise foi n'est pas l'apanage du flic mon petit lapin. Dis toi bien que pour un  poulet visible sur la voie publique, tu en as au moins autant dans l'ombre pour éponger la merde qu'il ramène. Dis toi également que la police arrête parfois ton voleur car elle était là au bon moment, et qu'elle a retrouvé le butin. Tu n'as pas encore eu cette chance ? Aie confiance, bientôt tu seras cambriolé.

     On me demande aussi souvent pourquoi avoir choisi ce métier. Je crois qu'aussi longtemps que je vivrai, je chercherai les mots pour répondre à cette simple question. Vous trouverez quelques indices ici. De la même manière que j'apprendrai ce métier - et de ce métier - jusqu'à le quitter. Ceux qui croient  (ceux qui croivent sont également les bienvenus) le contraire, et dispensent leçons à qui ne veut plus les entendre, se trompent lourdement. Peu importe le moment où tu le quittes - ce métier - d'ailleurs, ce qui importe c'est comment. Pensées pour ceux qui sont partis sans bruit, avec, ou en silence, et ceux qui vont partir la tête haute, fiers du devoir accompli et qui n'auront pas à en rougir. Chacun sa croix, ou sa porte.

     On me demande également pourquoi j'applique des lois qui sont injustes. J'invite, en toute objectivité, chacun de ces paltoquets, à relire la Constitution, et à faire preuve d'un peu de bon sens pour réaliser que la leur est manifestement tronquée. Et éventuellement à se rendre aux urnes, où la représentation nationale a pondu les lois que je suis chargé, avec d'autres, de faire appliquer. Je rappelle également qu'un ordre, dans un corps hiérarchisé, vaut force de loi, sauf à démontrer son illégalité. Chercher un responsable en l'intervenant direct, c'est courir au clash, du moins en différé avec moi. Je ne parle même pas des trolls ...
     On me reproche aussi souvent l'existence même de la garde à vue et l'application qui en est faite, comme si je devais être représentatif de toute l'institution. Je n'ai pas mis en place le régime de la garde à vue mais je suis chargé de le faire appliquer (avec parcimonie au besoin). Croyez bien que parcimonie a parfois été ma meilleure amie. Aussi, les petits dictateurs de salons et autres juristes d'opérette ne sont plus à l'abri d'une contradiction quant à la séparation des pouvoirs quand il s'agit de critiquer une mesure légale, certes déplaisante, qui est comparée aux pires instruments des régimes totalitaristes. L'opposition systématique à cette mesure, certes vieillissante, mais utile, sans aucun argument, est du même niveau que ce que l'on peut trouver de clichés sur les flics, les avocats, les journalistes ... Le terrorisme intellectuel a encore de beaux jours devant lui (Papa si tu me lis, c'est le moment de décocher un sourire).

     On me renvoie souvent au visage le racisme dans la police, son sectarisme et son intolérance. C'est comme partout, il y a de tout. Je rappelle que les policiers sont recrutés parmi vous. Au sein du peuple. A ceux là, et concernant l'intolérance, je citerais Madame, qui, travaillant dans un arrondissement "cosmopolite", pour ne pas dire multi-culturel de la capitale, pense qu'après n'avoir que peu voyagé, n'en avoir pas moins fait le tour du monde. Je trouve cette phrase très juste. A méditer, car je pense sincèrement qu'on peut se permettre de devenir intolérant lorsqu'on y a soi même été confronté.
   
     De la même manière, je ne suis responsable, ni un descendant de ceux qui ont commis des horreurs pendant les périodes troubles de l'histoire. Aussi, merci d'éviter les raccourcis approximatifs. Je n'ai ni connu la police de Vichy, ni les évènements de mai 68, ni la Police à "Papa". Je suis le descendant d'une longue lignée de scientifiques et de matheux. Dont un officier de l'armée (le lieutenant Flam) que la guerre a rendu fou, de visions d'horreur, et d'alcool pour le panser, en 14-18, et un résistant de la première heure, qui échappa la Gestapo en sa cachant dans une poubelle. Je ne suis pas digne de ces gens là, merci de ne pas enfoncer le clou. Je suis le premier flicard de la famille, merci de le noter.
     Au sujet du "racisme", qui est devenu plus qu'une pilule générique, j'invite volontiers les indignés des claviers à venir se frotter au racisme ordinaire de la rue et à ôter les oeillères pleines de merde qu'ils ont chaussées trop tôt. Il y a des racistes partout, à commencer au sein de vos rangs d'ignorants. Le premier fasciste est probablement celui qui, convaincu de ses inexpériences, vous jette son ignorance et ses certitudes de nouveau-né à la tête. Je convie donc celui là à venir faire un stage dans ma Maison. Tu penseras à essuyer tes pieds et à te laver les mains avant d'entrer néanmoins. Pas de raison que tu ne pourrisses les locaux plus qu'ils ne le sont déjà.
     
      J'ajouterais qu'en terme d'intolérance, la démonstration la plus flagrante se fait devant la loi, en trébuchant sur sa première marche, l'officier de police judiciaire. Et il y en a, des marches. Quoi de plus intolérant qu'un délinquant au final ? Car c'est bien lui qui dit merde à la société.
      Car s'il est une chose certaine, une "chaussure", c'est qu'avant d'avoir tâté du métier j'ai vécu. J'ai connu le privé. Et vécu de multiples expériences de travaux différents.
   
      Alors oui, je suis probablement en train de glisser tranquillement vers la misanthropie, et je dirais que c'est de bonne guerre, car on me l'a bien rendu. Je n'en aime que plus ceux qui m'entourent, ce billet est aussi un moyen de le leur dire. Car après tout, s'il est bien une chose que je pense être vraie, c'est que le silence n'amène que des emmerdes. Et pourtant je suis un "taiseux", j'ai de qui tenir.
      Certains se reconnaîtront, d'autres ne me liront pas, mais sont visés. L'essentiel, c'est la bile versée, et le bien que ça fait. Comme d'habitude, aucun nom sur les ondes ne sera prononcé.
   
     Aux autres, santé.

Flam

vendredi 5 juillet 2013

Expat en CDD....





N'est-elle pas belle, cette photo? Cela en fait rêver quelques uns, non? Et c'est bien normal, surtout lorsque l'on a passé un hiver qui aura duré... 10 mois... ou presque.





J'ai cette chance, de pouvoir arpenter ce genre de plage lors de mes week-end, voir mes vacances. Même si les premiers ressemblent finalement aux seconds.
Il fait chaud... toute l'année. Certes, le climat est parfois humide, mais qui se plaindrait? Pendant que les p'tits copains allument la cheminée au 1er juin, en métropole, ici, le chauffage n'existe pas, et toutes les constructions, qu'il s'agisse de maisons ou d'appartements, sont équipés de persiennes. Autant dire que la température ne fait pas peur. Au pire de la saison, il fait 21°, en pleine nuit et en altitude....
Oui, le teint est halé... toute l'année, alors que la majorité des "métro" sont pâles, voir transparents pour certains (dans tous les sens du terme, hein)...
Je vous vois d'ici; j'entend même certains quolibets, voir des insultes (certes, le premier mot qui traverse l'esprit de celui qui aimerait être en vacances).

Mais voilà. Je ne suis pas en vacances. Les policiers, employés dans les DOM-COM (eh oui, il faut s'y faire, à cette nouvelle appellation), sont employés en CDD. Sauf, bien sur, pour les natifs de l'île qui peuvent justifier d'un lien familial.
Mais pour les autres, c'est CDD, et retour case départ. En gros, je peux faire trois années, auxquelles je peux en ajouter, optionnellement, une.

Pourquoi avoir fait un tel choix? La question est bonne...
Après avoir travaillé pendant 14 ans sur Paris et petite couronne, j'ai eu envie de changer d'air. Nombre de parisiens me comprendront... J'avais alors opté, l'année précédente, pour un poste en province.... que je n'ai pas eu. Le nombre de postulants à la province étant bien supérieur, vous l'imaginez, au nombre de mutés.
Lorsque la liste des postes s'est vue être diffusée, il a fallu faire un choix.

  • aller en province, retourner, après 12 ans de judiciaire, au "service général", en tenue, pour y faire un métier qui ne m'attire pas plus que cela, en faisant une croix sur mon expérience professionnelle
  • rester sur place, sachant que j'ai du mal avec la stabilité, qui, en général, amène découragement et paresse
  • soit, faire comme souvent, et me remettre en question... et tenter un poste... loin... très loin
J'ai donc opté, vous l'avez compris, pour ce dernier choix. D'autant que, il faut le dire, l'aspect humain n'est pas négligeable. Il s'agit d'une réelle expérience, pour toute la famille. J'ai pour habitude de me dire que c'est dans la difficulté qu'on apprend le mieux et que l'on s'enrichit. 

Je suis riche....

Cela fait quasiment une année que je suis ici... un temps suffisamment long pour faire un premier bilan qui n'a, bien sur, rien de définitif... 

Les avantages, vous les imaginez très facilement (arrêtez donc, avec ces noms d'oiseau).

Mais.... Eh oui, comme toujours, le monde n'étant, au final qu'équilibre (le plus et le moins, le bien et le mal, le blanc et le noir, ...) , il y a un "mais".... et des cotés négatifs, forcément. 

Il y a, avant tout, l'éloignement de la famille, des amis... tous les repères que l'on a mis, bien souvent, des années à se construire. Il faut bien être conscient que l'on arrive sur une île en y connaissant peut-être, par chance, l'une ou l'autre personne, mais parfois aucune. C'est une difficulté à laquelle on se prépare, c'est certain. On se console alors en se disant que les amis qui le peuvent, pourront venir passer un peu de bon temps par ici, cela sera l'occasion de se voir au soleil, autour d'un bon planteur (non, faut vraiment que vous essayiez de trouver un remède, contre ces noms d'oiseau... cela doit être votre subconscient, qui travaille). Et même parmi ceux qui promettent de passer, ils se rendent alors du prix coûteux d'un billet d'avion... et c'est bien normal!

Je met à part le coté "intégration", puisqu'il est propre à chacun, fonction de la propension que nous avons, tous, à communiquer, à approcher les autres... si l'on veut s’intégrer, c'est comme partout, il ne s'agit pas d'arriver en terrain conquis, avec toute sa "science", mais être ouvert aux autres. Sans pour autant se renier, ce n'est pas la question.

Et pourtant, l'intégration n'est pas évidente, mais pour une raison à laquelle on ne pense pas forcément:

le CDD

Justement, avec ce fichu contrat, il est "couru" d'avance que, dans 3 ou 4 ans, il va falloir rentrer... en gros, aucune perspective à moyen terme. Investir dans l'immobilier n'est pas envisageable, puisque pas rentable sur une si courte durée. Il y a, bien sur, la location; mais je dois l'avouer, j'ai du mal à me sentir "chez moi", puisque je sais que, quoi qu'il arrive, je vais devoir repartir très bientôt. En fait, j'ai la sensation d'occuper une grande chambre d’hôtel... pas forcément envie de faire de la déco, etc... le minimum syndical.
Ça, c'est pour le coté personnel, mais coté boulot, c'est la même chose. Les collègues "fidélisés" te regardent, quoi qu'il arrive, comme un mec qu'ils ont vu arriver, et qu'ils vont voir partir. Donc, à quelque niveau que l'on soit (et plus on monte dans la hiérarchie, plus c'est vrai), mieux vaut ne pas faire de vagues puisque de toute façon "on" sait que tu vas repartir.
La relation humaine n'est pas simple non plus, pour les mêmes raisons... les gens n'ont pas forcément envie d'investir dans une relation en "CDD"...
Je pense que ceux qui gardent le meilleur souvenir de ce "passage" sont les enfants de 10 ans ou plus; ils sont pleinement intégrés à tous les niveaux de la vie sociale, assez facilement. L'école apporte beaucoup de repères, pour peu que l'enfant ait une activité extra-scolaire, cela multiplie les contacts...

Pour les parents, imaginez un peu le déroulement de ce CDD: la première année, il faut s'adapter à tous les changements intervenus; travail, école, logement... La 2ème année, à ce qu'on me dit, on commence à être bien  (je vous en reparlais dans un an). Et pour ceux qui ne restent que trois ans, eh bien la dernière année, on la passe à envisager l'avenir; trouver la future affectation, le logement, l'école des enfants...

Mais le problème est encore plus profond, en fait, et commence avant-même la mutation: 

qui veut venir, finalement? ou plutôt, qui le peut?

Le fonctionnaire est muté, ok. Mais le conjoint...
Celui-ci va devoir quitter un travail en métropole (peut-être bien rémunéré) pour toucher un chômage ici, le temps de retrouver du travail (avec, en général, la perte conséquente). S'il en trouve. Et là, tout dépend du secteur d'activité (le chômage des jeunes, ici, atteint 20%).
Le logement: la famille va donc quitter un logement duquel elle est peut-être propriétaire; il faut donc envisager de louer le bien, ou de le vendre. Pour ceux qui sont locataires, il va surtout falloir en retrouver un au retour... quand on connait les difficultés de logement en région parisienne... Tout cela a un cout (même si le déménagement, en lui-même, est pris en charge).
Pour synthétiser, le policier qui a un conjoint "dans le privé" ne peut pas venir. L'effort financier est très - trop - important.

Je suis le mauvais exemple, puisque je l'ai fait. Et ça m'a coûté pas mal d'argent. Et cela m'en coûtera encore puisqu'il faudra penser au retour....


Bref, je le vois rien qu'à tous ceux que je côtoie, et qui ont été muté, comme moi... le conjoint est, en général, lui aussi, dans l'administration. C'est la seule possibilité qui soit, non pas "rentable", mais sans perte.
Peut-être imaginez-vous que pour cet éloignement, l'Etat va me donner une prime.... eh bien non. Ce n'est plus le cas, dans la police, depuis quelques années. Contrairement aux gendarmes (à fonction équivalente).
Pour être franc et aller au bout des choses, la seule "prime" que je perçois en plus, par rapport à la métropole est dite de "vie chère"; c'est à dire 40% du salaire brut (donc hors prime), pour compenser les prix qui sont, en général, bien plus élevés ici qu'en métropole.
Lorsque l'on sait que certains prix, sur l'île, ont été en quelque sorte "indexé" par rapport à cette prime, on comprend qu'une partie de l'économie insulaire dépend du salaire des fonctionnaires...
Et que, par ailleurs, en quittant la région parisienne, j'ai perdu d'autres primes...


Oui, je sais, vous allez me dire "comment font les gens qui ne sont pas fonctionnaires et qui vivent tout le temps aux Antilles? Beaucoup de gens fonctionnent encore à l'entraide; "je te donne des légumes du jardin, tu me garde les enfants". Et c'est, à mon avis, une très bonne chose, que ces rapports humains, sains, qui ont tendance à disparaître en métropole (en tous les cas, dans les grandes agglomérations).
Mais ce système, vous l'imaginez, est plus difficile à développer lorsque l'on est que de passage... 

Pour résumer tout cela, je pense qu'il serait bon, à mon sens, de prolonger la durée des contrats, voir de les supprimer, et affecter, au moins ceux qui le veulent, de manière définitive. Libre à chacun, ensuite, de demander une mutation; comme partout en France, finalement.
Si l'administration prolongeait les contrats, ou permettait, par exemple, de les doubler, les policiers auraient au moins une perspective à moyen terme. On ne voit pas les choses de la même manière sur 6/8 ans que sur 3 ou 4...
J'ajoute à mes arguments que l'administration y ferait des économies, puisqu'il n'y aurait plus (ou moins), alors de déménagements à défrayer. Les gendarmes ont commencé à faire ces économies, puisqu'il leur est possible (sous certaines conditions) de prolonger jusqu'à 7 ans leur activité insulaire.

Bref...

Il faut avoir conscience que, à coté de l'image idyllique des cartes postales que je vous fait parfois partager, il y a aussi des inconvénients qui ne sont pas négligeables...
Personne ne m'a forcé à venir, je suis volontaire. Mais il y a certaines choses qu'il faut savoir...
Et au final, malgré les difficultés, je ne regrette pas ce choix... enfin pour l'instant!

Bon, je vous laisse.... je file dans la piscine... (chut... on a dit qu'on arrêtait les noms d'oiseau).




lundi 20 mai 2013

3 ans...

3 ans que ce drame est survenu. Et je me souviens de cette période comme si c'était hier.
Alors que je devais publier un billet tout autre, l'actualité me rattrape...

3 ans qu'Aurélie Fouquet a été tuée alors qu'elle intervenait pour un accident de la circulation.
Accident qui a mis aux prises une bande de malfaiteurs lourdement armés, et qui n'a vu dans le véhicule de police municipale qui approchait, que le risque d'être interpellé. Groupe qui n'a pas hésité à faire feu, à l'arme de guerre, faisant un mort et sept blessés.


Aurélie Fouquet était maman d'un enfant de 19 mois, à l'époque.

Même si j'étais affecté, à l'époque, à la Brigade de Répression du Banditisme de Paris, je n'ai pas participé à l'enquête. Si ce n'est aux multiples interpellations qui se sont déroulées, notamment à Creil.
Jour où, comme de par hasard, Redoine Faid était "absent" de son domicile. La même semaine où un reportage dédié à "Redoine, braqueur repenti" était diffusé sur Canal +". Le hasard ...

Je me souviendrai longtemps de la diffusion de ce reportage. J'étais abasourdi, en voyant les images défiler ... Ce mec qui, tranquillement, racontait comment il avait fait feu sur des policiers à Villepinte, lors du braquage d'un fourgon blindé, en 1997. Aucune once de regret, dans ses paroles. C'en était presque normal, de faire feu. Ce soir-là, c'est une envie de vomir, qui m'avait parcourue le corps, puis la colère. Alors même que son interpellation était programmée la même semaine, alors même que certains d'entre nous allaient se rendre à son domicile pour tenter de l’interpeller, lui enchaînait, narcissiquement,  les interviews et plateaux télé.

Je rappelle tout de même que, chronologiquement, alors même qu'il écrivait son livre, se déroulait cette fusillade qui a coûté la vie à Aurélie Fouquet; meurtre pour lequel il est mis en examen et même suspecté en être l'instigateur. Ce n'est pas moi qui le dis, mais les juges qui l'ont mis en examen. Même s'il reste "présumé" innocent. A l'instant présent, ce mot "présumé", que je suis obligé d'écrire, il fait mal...

Comment, au 21ème siècle, un homme condamné peut-il se construire une notoriété sur ses crimes, un peu comme un héros moderne ? Comment les médias ont-ils pu s’intéresser à cet homme, l'ériger en personnalité publique fréquentable ? J'ose espérer que l'histoire leur aura servi de leçon, mais je n'en suis pas sur.
Plus jamais on ne doit médiatiser ces voyous; tout repenti qu'ils se disent être.
Comment un voyou, tout repenti qu'il se dit être (je me répète, mais j'insiste), peut-il se faire de l'argent sur les crimes commis ?
Cet homme qui va voir Michael Mann, réalisateur du film "Heat" (1996) en lui disant être inspiré par son film. Celui-là même qui va jusqu'à mettre un masque de Hockey sur Glace, lors du braquage, comme dans ce même film ...

Alors quoi ... On braque, on fait feu sur des policiers, au risque de les tuer VOLONTAIREMENT, bien sur, on fait sa petite peine de prison (allez voir cette infographie le concernant, ici) et derrière, on va voir les journalistes, sort un bouquin, fait des reportages télé, et donc, on se fait de l'argent... Directement en lien avec les crimes commis. Comment est-ce possible?
A partir du moment où il est démontré qu'un homme a fait feu sur des policiers, volontairement, on peut logiquement en déduire que cet homme n'a plus aucune morale. Que rien ne l'arrêtera dans sa volonté. Sauf peut-être...

Et, comme un aveu, ayant bien conscience qu'il n'allait pas sortir avant bien longtemps de prison, Redoine Faid s'est évadé. C'est donc dans ces circonstances que l'on se souvient, que l'on rend hommage à cette jeune policière ...

Je ne peux que souhaiter que Redoine Faid soit rapidement retrouvé. Et qu'il réintègre l'endroit qu'il n'aurait jamais dû quitter.
Redoine Faid fait partie ce ces criminels qui ne devraient jamais sortir de prison, qui n'est pas réinsérable. Le croire, c'est se voiler la face, et surtout ne pas le connaitre, ne pas connaitre ce genre d'individu. En tous les cas, tels qu'ils sont. La comédie, pour eux, c'est devenu tellement facile...
Je ne citerai pas de noms, la loi me me l'interdisant, mais j'en ai vu, se construire des emplois fictifs pour sortir de prison. J'en ai même vu un se faire employer dans un cirque.... un pied de nez à tout le système.
Comment dire...
"C'est facile, après", allez-vous me dire... peut-être...
Mais notre système actuel est totalement dénué de moyens de contrôle face à tout ceux qui sortent sur "dossier". On en revient toujours à la même chose... Si tant est que la société,  nos politiques en tête, le veuillent, avec quels moyens ?

 Mes propos choquent très certainement. Mais je les assume. Certains vont me dire que ce billet est "populiste", ou n'est que l'expression de l'émotion, dépourvu de tout sens critique, de tout sens juridique... Mais c'est oublier que la justice, avant d'être des livres, avant d'être des textes... La justice, c'est la vie, que lorsque je cherche définition du mot justice, j'y lis "caractère de ce qui est juste"... Cette notion peut paraître vague, mais tout de même...

Bref, c'est une matinée coup de gueule.... mais, c'est la seule chose qui me soit venue à l'esprit ce matin.
En ce sens, je ne peux que me féliciter des annonces de Manuel Valls; même si, avant-même cela, je n'avais aucun doute quant aux moyens mis en place, et à la motivation des collègues chargés de cette affaire.

Une énorme pensée à Aurélie Fouquet, à son enfant, sa famille... Que l'avenir leur apprenne à vivre avec ce drame.

J'en ai terminé, vous pouvez désormais retourner à vos occupations.



dimanche 5 mai 2013

un flic, ce n'est pas...

Voilà deux semaines, je vous expliquais ce que pouvait être un flic; pour le moins, qui il était, à l’intérieur.
Dans la continuité, j'ai eu envie de vous dire ce que n'était pas un flic.

L'objectif est double: mettre à mal certains clichés véhiculés, mais aussi, de manière plus directe, dénoncer les attitudes qu'ont certains, vis à vis des policiers qu'ils croisent, dans leur environnement personnel ou dans des situations de la vie courante.

* * * * *

Un flic n'est pas dépositaire de la politique de sécurité menée par le ministre de l’Intérieur en place
Je n'en suis pas plus dépositaire de la politique menée par M. Manuel Valls, que je ne l'étais avec Nicolas Sarkozy. Il faut bien être conscient que, chacun, dans la tâche qui est la nôtre, nous accomplissons notre tâche dans un service dédié. Lequel a, lui-même, une mission bien  spécifique; que cela soit des interventions de Police Secours sur dans une circonscription, ou dans un service spécialisé face à un type de délinquance spécifique. Les services sont aussi nombreux que les missions sont disparates.
Chaque nouveau ministre a son lot d'idées nouvelles, réorganise certains services, et crée d'autres... parfois-même utilise des anciens, avec un nouveau nom ... Mais nous, fonctionnaires, les flics que nous sommes, obéissons à notre service d'emploi. Lequel, bien sur, va dans le sens de la politique ministérielle. Mais, en aucun cas, les policiers ne sont responsables de la ligne politique ayant cours. Donc inutile de se déverser sur la politique de sécurité. Si nous en sommes acteurs, nous n'en sommes pas responsables.
Je ne compte plus les soirées auxquelles j'ai participé et au cours desquelles j'étais fautif de tous les dysfonctionnements policiers, devant passer mon temps à me tenter de justifier l'action du Ministère tout entier ... 


Un flic qui dresse une contravention, ne le fait pas parce qu'il n'a "ça à foutre plutôt que de s'évertuer à interpeller les voyous, les meurtriers et "les mettre en prison".

 Là encore, chaque policier se voit attribuer une mission bien particulière, qui correspond à une nécessité de "service public" ou de "sécurité". Même s'il est difficile de nier le zèle de certains, il est des services qui sont spécialisés dans la police de la route. Et c'est donc de leur devoir de vérifier les permis de conduire, certificats d'immatriculation et autres papiers où conditions de circulation d'un véhicule. Même s'il peut vous paraître qu'il est plus facile de "taper dans le portefeuille" de l'automobiliste que du trafiquant de cannabis local. D'abord, c'est une réalité, mais ensuite, le but poursuivi n'est pas le même. Ce n'est pas parce que l'on priorise la lutte contre les trafics souterrains, que l'on doit laisser de coté la sécurité routière. 


Un flic n'a pas pour seul objectif que de contrôler à plusieurs reprises la même personne... de préférence dans la même journée, juste pour l'emm... l'embêter

Vous l'aurez compris, je cible, ici, les contrôles d'identité. Sujet, ô combien sensible. Si je comprend qu'on puisse être "fatigué" d'être contrôlé fréquemment, il faut aussi comprendre les policiers, qui sont obligés de cibler leurs contrôles. Ils n'auraient aucun intérêt à contrôler une grand-mère qui va faire ses courses en pleine campagne. Et, tout naturellement, les contrôles s'exercent donc là où se trouvent nombre de délinquants, notamment dans les cités sensibles, et sur certaines classes d'âge, sur des individus ayant un certain comportement. Ce qui ne signifie en rien que, pour autant, tous ceux qui vivent dans une cité sont des délinquants en puissance. Mais si l'on savait à l'avance qui est délinquant et qui ne l'est pas, cela serait facile. Et c'est loin d'être le cas.


Un flic, dans une voiture qui vous dépasse, avec le gyrophare, dans les bouchons, là aussi, ce n'est pas parce qu'il va prendre l'apéro, ni parce que la fin de service approche


Il y a foultitude de raisons qui peuvent faire qu'on use de ce système qui est, il faut l'avouer, un privilège. ET c'est la raison même de son existence, et son utilisation.
Bien évidemment, la première raison, c'est l'intervention en urgence... un accident, un braquage en cours (bien que...), une agression.... mais ça peut aussi être un "péjiste" qui, d'urgence, doit se rendre sur une surveillance importante. Soyez bien conscients que ceux qu'il nous arrive de surveiller ne nous attendent pas pour poser sur la photo. Imaginez qu'il faille se rendre sur un rendez-vous, pour surveiller des objectifs tout en respectant toutes les règles du code de la route. Le "deux tons" peut aussi être utilisé lors de la présence d'un détenu à bord. Il s'agit-là d'une mesure de sécurité, puisque l'on estime que moins longtemps nous serons sur la voie publique, fragilisés par la présence du détenu, mieux cela sera.

Un flic qui doit faire usage de la force de le fait pas par plaisir 

La violence n'est une solution à rien, et n'intervient toujours qu'en dernier recours. Que l'on soit policier ou non. Elle n'est toujours qu'un moyen de défense. Y compris pour le policier. JAMAIS elle n'est de la volonté du policier, ni même préméditée. Il est une réalité: si une personne devient violente, ou ne se laisse pas interpeller, la réaction du policier ne peut être dictée par la seule formation théorique qu'il a reçue; si la personne ne se laisse pas faire, on agit bien souvent "comme on peut". Il n'est pas forcément aisé de mettre les techniques enseignées en pratique, à l'instant T. Il est alors question de réactivité, de réflexes, d'efficacité ... J'ajoute que si les policiers sont plusieurs à interpeller un seul, ce n'est pas par lâcheté. Il ne s'agit pas là d'un concours de muscles où on verra, à la fin, qui est le plus fort ! Il n'y a que le résultat qui compte. Que l'objectif soit maîtrisé.

Un flic, ce n'est pas un "pote" qu'on n'appelle pour faire sauter le dernier excès de vitesse qui risque de faire passer le permis de conduire à la trappe 

Si je puis dire, "il fallait y penser avant".
Dire que cela n'existe pas serait un gros mensonge. Maintenant, il est une autre vérité; les passe-droit sont de moins en moins possibles puisque de nombreuses infractions sont désormais informatisées dès le début, sans intervention humaine, à partir du moment où l'immatriculation d'un véhicule en infraction est enregistrée. Tout est électronique, jusqu'à ce que le facteur dépose le pli fatidique dans votre boite à lettres. 
Donc, dans votre répertoire téléphonique, classé à l'entrée "SOS prune", définitivement... ce n'est pas ça, un flic !


Un flic, ce n'est pas non plus le copain (parfois, même pas) qu'on appelle, le samedi soir, parce que le voisin se fait un pétard sous la fenêtre, et qu'il faut démanteler, tout de suite, le trafic de stupéfiants international qui sévit...


Il faut bien être conscient que nous avons tous, chacun en ce qui nous concerne, une mission bien précise. Des enquêtes judiciaires que l'on nous a ordonné, les interventions urgentes sur la circonscription sur laquelle nous sommes affectés ... Bref, je ne vais pas "sortir mon flingue" pour aller voir le voisin, la placer en garde à vue pour les deux années à suivre, ni même lui demander d'aller fumer un peu plus loin ... 
Le mieux à faire, sur un conflit de voisinage sera toujours d'appeler le commissariat ou la gendarmerie locale qui sera la plus à même d'intervenir s'il le faut, fonction, bien évidemment, de ses moyens et des contraintes courantes, qu'il ne faut pas ignorer. 

Un flic, ce n'est pas celui qu'il faut montrer du doigt aux enfants, en leur disant "si tu n'es pas sage, il va te mettre en prison". 

A cet âge là, bien au contraire, les enfants doivent avoir pleine confiance dans les policiers qu'ils croisent, et se dire que s'ils ont un jour un problème, ils pourront s'adresser à un policier et avoir toute confiance en lui. La première mission du policier, c'est aider. 
Je me suis toujours défendu de ce qu'un parent pouvait me représenter comme un empêcheur de faire des bêtises en rond. Ma première mission, c'est de défendre. Et celle des parents, de s'occuper de l'éducation des enfants, et définir quels sont les interdits, et les éventuelles "sanctions". 

Enfin, et cela me tient à cœur,

un flic, ce n'est pas un "fonctionnaire"... 
... en tous les cas au sens péjoratif du terme.
La majorité d'entre nous ont soit des horaires dits décalées (avec des cycles matin/après-midi) ou alors, s'ils sont en cycle hebdomadaire, comme le sont les enquêteurs, c'est qu'ils font des heures supplémentaires dont la majorité ne sont ni payées ni récupérées. 
Le seul avantage dont bénéficie le policier en tant que  "fonctionnaire" c'est, il faut le reconnaître,  la sécurité de l'emploi. A cela un petit bémol... contrairement à un fonctionnaire employé dans une mairie, une administration centrale..... Le policier peut, en quelques secondes, avoir sa vie entière sens dessus dessous. Une rixe au cours de laquelle il est lui-même blessé, ou, inversement  au cours de laquelle il blesse quelqu'un, et sa vie bascule. C'est la double peine; plus d'emploi, plus de salaire, et peut-être même un passage par la case prison ...  Tout peut basculer en quelques secondes.  

* * * * *

Vous l'aurez compris. Le métier de policer, de flic, n'a rien, en tant que tel, de normal. Ce que nous faisons, au quotidien, n'est, la plupart du temps, pas ordinaire. C'est bien là que se situent les difficultés. Dès lors, il ne s'agit pas de voir, par la présence d'un flic dans votre entourage, quelqu'un qui peut vous procurer des avantages. Mais pas non plus des inconvénients. 

Les policiers ne sont, avant tout, que des hommes. Et, en cela, ils sont comme tout le monde. Avec des forces, des faiblesses. Encore une fois, pas mieux, mais pas moins bien non plus. 


vendredi 19 avril 2013

un flic, finalement, c'est...




Avant toute chose, je tiens à remercier Kaptain'Flam de m'avoir rejoint sur ce blog. Lorsqu'il a évoqué ses envies d'écrire, j'ai immédiatement sauté sur l'occasion, en lui proposant de s'associer sur ces pages.
Il a désormais franchi le pas, posé quelques meubles, et j'espère qu'il se sent bien par ici, que la déco lui plait. J'en profite pour lui adresser un message personnel: Kaptain, range tes calbutes, s'il te plait ;)

Plus sérieusement, nous pourrons désormais à deux, tenter vous faire comprendre, au mieux, la manière dont nous fonctionnons, ce que nous pouvons ressentir, de l'Intérieur.
Et nous ne serons pas trop de deux à nous y employer.

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                                                        petit fond musical pour la lecture...

Depuis que ce blog existe, j'ai toujours eu la volonté de -re-dresser, en quelque sorte, l'image de la police. Démontrer, s'il le faut, qu'un flic, ce n'est pas juste des contraventions, des bavures, un pourri ou encore un alcoolique-dépressif qui met le nez dans la cocaïne  Parce que, au fond, c'est ce que je pense. Enfin, j'imagine que c'est ce que certains pensent à force de films et séries pleins de clichés.
A l'évocation de ce lieu qui sert, entre-autre, d’exutoire, alors que j'en discutais avec un ancien chef de groupe, celui-ci m'avait fait la réponse suivante:
"qui crois-tu que tu vas convaincre? Ceux qui apprécient la police le sont déjà; et les autres ne le seront pas plus"
Je ne sais, encore aujourd'hui, s'il a tort. Si j'ai pu, ne serait-ce qu'à une seule reprise, convaincre du bien-fondé de mon métier, et de ce que, sans être parfaits, nous y tendons sur chacune de nos enquêtes, sur chacune de nos interventions... si j'y suis arrivé une seule fois, j'en serai satisfait.

L'autre image renvoyée par le métier de flic, c'est le boulot "cool". On arrête les méchants, une bonne baston de temps à autre pour se défouler, des "filoches", des "planques"... c'est aussi une bonne bière après le boulot, un calibre à la ceinture, et éventuellement un uniforme pour séduire ces dames...
ah l'imaginaire...

Etre, flic, c'est aussi les " belles affaires" qui sortent, qui font notre fierté, mais aussi la réussite de nos supérieurs, en même temps que la une de certains quotidiens de presse. Si l'affaire est médiatisée, le Préfet est content; une ou deux fois, sur une carrière, on voit le ministre qui arrive, pour voir quelque somme d'argent, des stupéfiants, ou des armes saisies...
Et pourtant, tout cela ne représente que peu de choses, en fait.

Mais tout ceci n'est que la partie émergée de l'iceberg, celle qui est la plus visible ...

J'ai tendance à résumer le bon enquêteur à un flic qui pose les bonnes questions.... mais surtout, qui sait à qui les poser, ces questions, pour en tirer de bonnes réponses.

Le boulot de flic, c'est chercher... chercher, et encore chercher... pendant des heures, des semaines, voir des mois...c'est passer des heures avec un casque sur les oreilles, à écouter ceux qui sont des objectifs; avec, bien entendu, toutes sortes de conversations. Je dis bien TOUTES sortes. Dont la plupart n'ont aucun intérêt pour quelqu'un d’extérieur à la conversation. C'est, en complément, passer des heures devant un ordinateur, à faire des recherches, toutes aussi variées les unes que les autres, pour identifier un individu, relier les individus entre eux, tenter de comprendre leurs interactions, que certains mettent tant de mal à vouloir nous cacher .
C'est rentrer chez soi le soir à vingt heures, après avoir passé près de douze heures au bureau. Et puis repartir, parfois au bout de quelques minutes, parce que "ça bouge", et entamer une filoche.

Etre flic, c'est aussi se lever parfois à quatre heures du matin, pour aller interpeller un suspect chez lui, alors même qu'il habite à l'autre bout du département! C'est retourner au service à midi, après la perquisition  les embouteillages, pour rédiger les procès-verbaux en relation avec la garde à vue, en ayant mangé un sandwich, sur le pouce. C'est finir le soir, à minuit passé, et revenir le matin au bureau, à huit heures, pour continuer à gérer la garde à vue. Si tout va bien, il n'y en a qu'un à gérer. Si ça va moins bien, il faut chercher d'autres gars, procéder à d'autres perquisitions.

Etre flic, c'est parfois voir arriver le vendredi, et se dire que, toute la semaine, on n'a pas -ou peu- vu les enfants... et c'est là qu'arrive une affaire. GAV ou saisine du vendredi... week-end pourri  Ce n'est pas encore là qu'on va passer un peu de temps en famille... et puis arrive, comme un cycle sans fin, le début de la semaine. Les dossiers qui sont toujours là, et sur lesquels il ne faut pas prendre de retard, ou en tous les cas éviter de l'accumuler... ce qui est, je vous assure, loin d'être évident. Bien sur, l'affaire qui "tombe", ce n'est jamais au bon moment, toujours lorsque l'on est débordé....

Etre flic, c'est aussi, parfois, une enquête de plusieurs semaines sans réussite. On cherche à sortir une affaire qui nous est confiée, d'en identifier les auteurs...  mais rien n'y fait! Tout se dérobe. Les pistes, les unes après les autres, finissent en impasse. Arrive un moment où l’investissement a été tel qu'on a du mal à se résoudre à l'échec. Alors on recommence. Peut-être depuis le début, ou par le biais d'autres pistes. Et toujours rien. On tire les ficelles les unes après les autres, et elles pètent toutes.

Alors, le flic, il rentre chez lui. Comme tous les soirs. Plus ou moins tard. Avec pas trop le moral.... les affaires n'avancent pas, l'ambiance du groupe n'est, de fait, pas au beau fixe, pour peu que le copain de bureau n'ai pas eu sa mutation, et le chef de groupe n'a pas eu sa promotion au grade supérieur, ou encore que l'affaire qui nous tenait à cœur ait été confiée à un autre service, soit-disant plus prestigieux ...
Comme le péquin moyen, ce flic, il va rechercher l'équilibre du foyer. Voir ses enfants, et puis sa femme..
Et puis, finalement, ce réconfort, il ne le trouvera pas non plus; parce que, à la maison, comme au boulot, eh bien ça ne va pas fort... les résultats à l'école du petit dernier ne sont pas bons, madame se dit qu'elle passe plus de temps seule qu'avec son mari, se demandant à quoi bon attendre.  Parfois... ou souvent, je ne sais pas, être femme d'un flic, surtout en PJ, c'est un peu sacrifier sa carrière professionnelle... parce que, forcément, si déjà le père n'est pas à la maison, il faut bien que quelqu'un y soit. Et, une carrière, ça se gère rarement entre 8h/12h et 14h/18h...

Je me dis parfois qu'être flic, avec une fonction de police judiciaire, c'est un peu d’égoïsme...

Il est une phrase que j'ai entendu dans tous les services de PJ où j'ai fait un passage:
 "l'essentiel, c'est de se faire plaisir".
 Je vois bien vos visages interloqués, à vous demander ce que peut bien signifier cette expression, alors même que l'on côtoie une misère sociale certaine, avec ou des victimes, ou des mis en cause...

Les enquêteurs ont bien souvent compris qu'ils n'avaient que peu à attendre de l'administration. La PJ n'est pas une spécialité, au sein de laquelle les avancements sont les plus rapides; pour vous donner un exemple, un flic de PJ qui se présente à un examen, ne va pas devoir réciter le Code de Procédure Pénale, mais plus certainement les différents régimes horaires pratiqués dans l'administration policière, ou encore lister les différentes catégories de sanctions... Il n'y a pas, non plus, en PJ, de facilité de mutation, bien au contraire; pour beaucoup, partir en mutation, c'est retourner en tenue. Peu importe l’expérience accumulée en judiciaire...
 Bref... se faire plaisir, c'est, pour celui qui est sur le terrain, être "bon" en filoche... pour celui qui est au bureau, c'est identifier l'auteur du crime dont il a la charge de l'enquête... pour un chef de groupe, ça sera de réussir à gérer l'humain comme les dossiers... bref, y trouver son compte...
Et pourtant... pourtant, parfois, le plaisir n'y est pas. Alors, que reste-t-il?
Comme le dirait un de mes camarades, "on est payé".... voilà, c'est ce qu'il reste. On fait le boulot, parce qu'on est payé pour ça, c'est le minimum "syndical". Point barre...

bref, tout ça pour dire que, finalement, un flic...
... un flic, c'est monsieur ou madame tout le monde. Avec ses hauts, mais aussi ses bas... qu'ils soient professionnels ou personnels... voir les deux.

Rien de plus.... rien de moins...
Pas mieux, mais pas moins bien non plus.

jeudi 31 janvier 2013

De l'excès du pouvoir ???


Yann Galut est, depuis le 17 Juin 2012, élu député de la 3ème circonscription du Cher. Après avoir perdu son siège de député en 2002, il est passé par le Conseil Général du Cher dont il est Vice-président, en 2008. Un homme qui a donc fait de la politique, son métier (même s'il est avocat de formation). Un politicien, donc. 
Comme chacun sait, le député, et plus largement, le Parlement (l'Assemblée Nationale et le Sénat) est un représentant du pouvoir législatif ; il vote les lois que le pouvoir exécutif, au travers de l'administration, et des forces de sécurité (la police et la Gendarmerie) fera appliquer. Il s'agit de ce que les juristes appellent communément le principe de séparation des pouvoirs. 
Pour faire simple, chacun son rôle. 

Lundi, ce sont les débats liés à ce que l'on appelle le « mariage pour tous » qui ont commencé au sein de l'Assemblée Nationale. Ce débat (si tant est que l'on puisse l'appeler ainsi) fait suite aux diverses manifestations s'étant déroulées dans le pays. Les « pour » et les « contre » ont, chacun à leur tour, donné de la voix, et battu le pavé, notamment sur la capitale. 
Alors que le débat commençait au sein Palais Bourbon, les adeptes de l’Institut « Civitas », connu pour être un lobby traditionaliste catholique, ont manifesté à proximité de la bâtisse. En guise de manifestation, ses membres ont tout bonnement prié.  L'Etat français se voulant laïc, depuis la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la prière dans la rue n'est que tolérée, devant se dérouler, normalement, dans un cadre adapté. Seules les manifestations à caractère traditionnel sont tolérées.
Et ce n'était pas le cas Lundi. Civitas, si autorisé à manifester (ce qui semblait être le cas) n'aurait pas dû occuper la voie publique pour prier. Soit. 
Il revenait alors au Préfet, qui a autorisé la manifestation, d'ordonner sa dissolution ; au besoin, en ayant recours à la force publique. 
Et nous retrouvons là monsieur le Député Yann Galut qui, sortant de l'hémicycle, se dirige vers le cordon de policiers qui encadrent les manifestants, offusqué par le fait que ses « collègues » aient été, eux-même, quelques instants avant, repoussé par les forces de l'ordre. Et, lui aussi est donc stoppé dans sa progression. 
Désireux d'aller se frotter aux « Civitas », monsieur le Député est insistant. Exhibant au nez du fonctionnaire en civil, sur place, ce qui pouvait s'apparenter à une carte tricolore, de parlementaire. 
Le policier reste calme, et demande à ce qu'il en soit de même pour la personne qui lui fait face. Au motif qu'il est « parlementaire », Mr Galut insiste pour « passer », avec ses collègues. Toujours sa carte à la main, largement exhibée. Le policier, gêné devant la pression qui lui fait face, fait patienter le parlementaire, le temps de prendre ses ordres auprès de la hiérarchie. Le député insiste lourdement, et on le sent bien énervé. Il se veut scandalisé, arguant du fait que le fait de repousser un parlementaire qui veut rejoindre des manifestants serait interdit.
Mr le Député oublie juste qu'il a en face de lui, ne lui en déplaise, des gens qui réfléchissent ; et il semble bien que Mr Galut et ses « collègues » ne souhaitaient pas se joindre à la prière des Civitas. Il n'y a qu'à le regarder pour le comprendre !
C'est donc par souci du maintien de l'ordre public que le policier empêche tout contact entre députés et manifestants. Grand bien lui fasse.  
Les « collègues » de Mr Galut le conseillent alors : « appelle le Cabinet du Ministre ». Ben voyons... « je n'ai pas son numéro », répond Monsieur Galut. Pas de chance !
Qu pouvait esperer monsieur le Député ? Pouvoir passer le téléphone au policier, lequel se serait entendu dire « laissez-les passer » ? 
Je ne parle pas du fond, de la séparation des pouvoirs, je laisse les considérations à proprement juridiques aux professionnels du droit constitutionnel. 
Quoi qu'il en soit, le parlementaire n'était pas son rôle allant aux devants de Civitas. 
Il l'était encore moins au moment où il voulait faire pression sur le policier, exhibant sa carte ou désireux d'appeler Bauveau à la rescousse. 
J'ai juste trouvé cela honteux, et je me suis trouvé choqué par ces images et le comportement du parlementaire. Je me suis tout simplement mis à la place de mon collègue. Il était bien embêté, mais il a tenu bon. Oh, je ne suis pas un spécialiste du maintien de l'ordre. Mon collègue a fait ce qu'il avait à faire. Mais c'était loin d'être facile que de « tenir » devant celui qui a voulu abuser de ses fonctions. 
Parce que c'est bien de cela, dont il s'agissait. 
Monsieur le Député ; vous êtes un représentant du peuple français. A quel titre vous sentez-vous autorisé de mettre sous pression un fonctionnaire de Police d'Etat, qui agissait dans le cadre de ses fonctions ? 
Votre rôle de parlementaire vous donne des droits, mais aussi des devoirs. Lorsque vous déclarez vouloir dissoudre le mouvement « Civitas », vous êtes dans votre droit. Lorsque vous écrivez au ministère de l’Intérieur, pour demander cette dissolution, vous êtes dans votre droit. 

Mais lorsque vous haranguez un policier au motif que vous êtes « parlementaire », sous-entendu que vous avez tous les droits, vous dépassez les limites de votre fonction. 

A l'heure où un nouveau Code de Déontologie est discuté dans la Police Nationale ET la Gendarmerie, il me semblerait que vous ayez oublié la définition du mot, et qu'il pouvait également vous être opposé. 
A ce titre, j'ai parcouru le Code de Déontologie de l'Assemblée Nationale, que l'on peut trouver ici .
Oh, il ne m'a pas fallu bien longtemps pour voir constater que je n'y trouverai rien à vous y reprocher, en fait. Rien non plus dans le règlement intérieur de l'Assemblée Nationale. Rien non plus sur un plan pénal, puisque vous disposez d'une immunité parlementaire. 

Et pourtant... 
Oh, je suis sur que vous n'étiez que peu, voir pas du tout inquiet. Rien n'arrivera. 

Le policier, s'il vous avait laissé passer, aurait eu de problèmes, si la manifestation avait été perturbée, et/ou s'il y avait eu un mouvement de foule entraînant des blessés. Vous l'auriez exposé.... 
Mais cela vous est , j'imagine, bien égal. Le policier ne semblant, pour vous, qu'un moyen pour arriver à vos fins.... mais quelles sont-elles ? ? ?




samedi 19 janvier 2013

quelque part entre les Antilles et Stockolm...


On peut définir le syndrome de Stockolm comme est un phénomène psychique caractérisé par un sentiment de confiance, parfois même de sympathie, que développe une victime de prise d'otages envers ses ravisseurs. Ce sentiment peut aussi apparaître chez le ravisseur qui se laissera influencer par la victime. 
Cette définition, je ne l’ai pas inventé, vous trouverez un article bien plus précis ici.
Qu’est-ce que cela vient dans la choucroute (normal, pour un alsacien), me direz-vous ?

Me voilà au sortir de quelque 45 heures de travail accomplies en trois jours. Avec, autour, deux journées « normales », d’une dizaine d’heures. Bref, une semaine bien chargée, qui a commencée par des surveillances, s’est poursuivie par des interpellations, et une séquence de garde à vue en criminalité organisée. L’issue s’est avérée, pour nous, positive, puisque ces interpellations se sont traduites par l’exécution d’un mandat de dépôt, pour les gardés à vue, à la prison locale.
Bien entendu, je ne parlerai pas du fond, secret de l’instruction oblige. Mais plus de l’ambiance… au sens large…
Le premier jour est celui, systématiquement, de l’interpellation. Il va de soit, et c’est on ne peut plus logique, que le gardé à vue ne nous porte pas dans son cœur ; il voit, par le biais de son interpellation, et de la garde à vue qui s’en suit, ses perspectives d’avenir s’assombrir… et ce, d’autant plus que, plus on  grimpe la hiérarchie des services judiciaires (ce n’est bien sur pas systématique, mais assez souvent vérifié) plus les chances d’en sortir à l’issue sont réduites. Les services que je fréquente depuis quelques années, et l’expérience qui est désormais la mienne me font dire qu’il est assez rare qu’un individu interpellé par nos soins ne soit pas placé en détention provisoire à l’issue de la garde à vue. Je me répète, mais c’est important, ce n’est pas une vérité absolue, mais un constat. Il est évident que chaque affaire est différente, et que ce sont toujours les magistrats qui prennent les décisions de mise en examen, et placement en détention provisoire. Mais ne nous égarons pas…
Donc, le premier jour, celui de l’interpellation, est assez souvent « tendu ». Le gardé à vue ne sais pas à quelle "sauce" il va être mangé. Et, du coté du policier, il a beau en connaitre pas mal sur son "client" (avec les écoutes, surveillances, etc…), le fait de l’avoir en face, ce n’est pas pareil. Bref, le policier et le gardé à vue se jaugent l’un l’autre.
Et le temps passe. Les auditions se suivent… les versions évoluent. On passe, bien souvent, du mensonge éhonté, dans la première audition (que l’on appelle audition de chique) à quelque chose qui se rapproche souvent plus de la vérité. Je mets de côté les menteurs professionnels qui, pris dans la main dans le pot de confiture, ne reconnaîtront pas l’avoir touché. Bref, n’en déplaise à certains avocats, une certaine complicité s’installe. Cela n’enlève rien à la place de chacun. Ce qui est écrit le demeure. Mais, en dehors, tout se passe beaucoup mieux. On élargi un peu le contexte pour, finalement, parler de la vie.
Arrive alors la fin de garde à vue.

 Et c’est là l’expérience nouvelle qui est la mienne. Enfant gâté que j’étais à Paris, une fois le « client » au dépôt, tout était fini. On se fait une petite fiesta entre collègues pour décompresser, et on passe à autre chose.
Mais il en est tout autre en province. Il s’agit, là, d’amener les gardé à vue auprès du Juge d’Instruction, pour le déferement ; et ce sont donc les enquêteurs qui assurent la sécurité durant les débats. De fait, d’abord devant le juge d’instruction, puis, éventuellement, devant le juge des libertés et de la détention, le fameux JLD.
Pour la première fois, j’ai donc assisté à ces débats, aujourd’hui. Pour en arriver à ce jeune de 25 ans, qui se trouve devant le juge, assisté de son avocat, qui accepte de répondre aux questions du magistrat. Je ne suis même pas sur qu’il le comprenne toutes. Mais il répond. Juste. Sans surprise. A l'issue, là aussi sans surprise, il est mis en examen ; le Parquet demande son placement en détention provisoire, tout comme le juge d’instruction.  Nous sortons du bureau, dans l’attente d’être reçus par le JLD. Entre temps, l’avocat se charge de récupérer deux membres de la famille, puisque l’audience est publique.
Et là, il a envie de parler ; plutôt besoin, en fait. Il est sorti de prison il y a quelques mois seulement, sous bracelet éléctronique. Il bosse… un peu, mais cela ne lui permet pas de vivre avec sa petite amie, et leurs deux enfants. Et il est obligé de rentrer un peu d’argent, pour vivre, et faire vivre cette petite famille. C'est du moins ce qu'il m'explique Il est, à cet instant, spontané ; rien ne l’oblige, et tout est « off », comme diraient les politique. Ce qui me fait dire qu’il est sincère.
Sa femme et sa tante, qu’il considère comme sa mère, arrivent. Il retrouve le sourire, le temps d’un bisou volé auprès de sa bienaimée. Pour l’occasion, elle s’est « bien » habillée. C’est important de bien paraître au tribunal. Un peu comme à l’Église. Finalement, il s’agit de se montrer sous son meilleur jour devant celui qui va décider pour vous…
L’audience commence ; le représentant du Parquet est entendu. Puis le client, et son avocat. Le magistrat demande quelques minutes pour délibérer. Il s’agit alors de dire au revoir à la famille. La petite amie garde le sourire ; cela semble remonter le moral du jeune homme. L’homme va pour embrasser sa tante. Il lui bise la joue gauche, puis tend sa joue droite. Mais rien ne vient. Nouvelle tentative…. Pas plus fructueuse. Il a, en retour, un regard froid. Sur le coup, il reste fier, mais, aussitôt qu’il doit lui tourner le dos, les larmes commencent à couler sur sa joue. L’attitude de celle qu’il considère un peu comme sa mère l’a touchée au plus haut point.
J’avoue, il me fait de la peine. A 25 ans, il semble plein de bonne volonté, depuis trois jours que nous nous côtoyons, il est très respectueux (ce qui est loin d’être la règle) mais n’arrive pas à trouver de travail; le chômage des jeunes est ici un gros problème. Il fait bien de la mécanique, pour les copains, les connaissances.. ; arrive à gagner un petit billet, à droite à gauche… mais ça ne fait pas vivre. Comme souvent, la facilité s’est emparée de lui. L’argent facile. Dur de résister, surtout lorsque l’on n’a pas d’autre opportunité, et des mauvaises fréquentations !
J’éprouve beaucoup d’empathie, pour lui. Il me fait de la peine. C’est là que je voulais en arriver.
Que les choses soient claires ; à aucun moment, l’enquêteur n’a quoi que ce soit de personnel contre celui qu’il va ou qu’il a arrêté. Chacun sa place. Le policier fait son métier, mais il n’y a jamais rien de personnel. Soyez-en certain. Nous nous devons d’être neutres, notre seul but étant de résoudre l’énigme, l’enquête qui nous est confiée.

Celui qui est désormais partie à l'enquête, puisque mis en examen, est vraiment touché ; au plus profond de lui. Et je suis gêné… ; enfin, pas gêné, il n’y a pas d’erreur, dans l’enquête, et ce qu'il a fait est grave; certainement sans qu'il en ai conscience… l’homme est à sa place… Mais, d’une certaine manière, comment pourrait-il en être autrement ? Il n’a, semble-t-il, aucun environnement positif, personne pour l’emmener vers le meilleur. Quelles solutions s’offrent à lui ? La réinsertion ? Un petit coup de canif, et l’engrenage a fait le reste…

Décidément, je faiblis, avec le temps…

Me voilà donc, ce soir quelque part en Suède… pas très loin de Stockolm…