lundi 22 juillet 2013

Garde à vue et prévention: c'est possible... parfois

                   Il est minuit passé. Nous profitons d'une interruption de la pluie pour quitter le service. Il faut dire qu'en cette saison "cyclonique", il n'y a rien d'étonnant à cumuler les averses.
Les gardes à vues ont été notifiées, les premiers actes, qui mettent en place les droits auxquels ils ont accès, ont été rédigés. L'avocat est passé, et le médecin passera au cours de la nuit. Une première audition, qui précise tous les éléments d'identité a été réalisée. On est dans le tempo.
Il s'agit maintenant d'emmener les deux gardés à vue là où ils passeront la nuit. 
                     Lui, la trentaine, solide gaillard, déjà bien "connu des services de police et de justice", comme le veut l'expression, est déjà parti avec un équipage. Je m'occupe de ramener Julia, jeune fille métissée de 22 ans, très claire de peau. Elle est toute frêle. Le premier conseil qu'on aimerait lui donner, serait de manger ! Elle n'est pas désagréable, respectueuse. Elle n'a pas un rôle majeur, dans cette affaire, mais elle va devoir s'expliquer sur certains de ses agissements, au cours des derniers mois.
                  La quinzaine a été quelque peu rude. En période de vacances scolaires, les effectifs sont divisés par deux, mais le travail, lui, est constant. Les affaires évoluent tout à fait normalement, sans tenir compte des effectifs, c'est évident. Les journées sont bien chargées. Et, qui plus est, cette semaine, je suis d'astreinte. C'est à dire que si le service est saisi d'une affaire, je devrai, avec mon collègue, m'en charger. C'était d'ailleurs le cas mardi matin. Rien de bien compliqué, puisqu'il s'agissait juste d'aider mes collègues de Paris qui venaient d’interpeller un ultra-marin; il nous était demandé de procéder à une perquisition de son domicile. Sauf que le petit malin ne daignait pas donner sa véritable adresse, et nous a donc obligé à courir un peu partout ... Rien de bien embêtant, si ce n'est le temps perdu et les affaires en cours qui, du coup, prennent du retard. Et déjà que ce n'est pas facile...
                Je passe la barrière de sécurité, la gardée à vue à l'arrière du véhicule. Et j'aperçois, de l'autre coté du portail, plusieurs silhouettes; c'est assez inhabituel, ici et à cette heure-ci. Je reconnais rapidement la mère et la soeur de Wesley, principal suspect dans notre affaire. Avant de passer la barrière, je décide de sortir du véhicule, pour aller au devant de ce qui s'apparente à la famille des gardés à vue.
Une femme que je ne connais pas est au volant du véhicule. Elle a la soixantaine, chabine, comme l'on dit ici.
Elle se présente de suite comme étant la mère de Julia. La jeune fille n'ayant pas demandé à ce que sa famille soit avisée, je ne l'avais pas appelée ... La mère de Wesley s'en est chargée, avec malice. Prétextant une réunion à laquelle elle devait participer, elle avait quitté, dans l'après-midi, les lieux de la perquisition. Confiants comme il est permis de l'être avec une mère, nous l'avions laissée partir. Mais nous avions finalement eu tort, puisqu'elle n'avait fait que rejoindre la mère de Julia qui, à cet instant-là, était recherchée, et introuvable. Dans le seul et unique but de la prévenir. Pour nous, clairement, un risque de dépérissement de preuve. Voilà ce que c'est, lorsque l'on veut être "humain" et compréhensible. La fois d'après....
                            Bref, je parle à la maman de Julia; je lui en dis le minimum. Garde à vue, 24 heures, rappeler demain. La voiture ? En fourrière. Nous n'arrivions pas à ouvrir le véhicule. Etant susceptible de receler des indices utiles à l'enquête, il était hors de question de le laisser sur place. Donc, jusqu'à ce qu'on trouve la clé, on l'a mise en sécurité.
                             La maman de Julia est totalement perdue; les larmes ruissellent sur son visage. Elle est tout d'un coup, sans l'avoir un jour imaginé, l'actrice de ce qu'elle voit, habituellement, à la télévision, dans ses séries préférées ! Dixit ses propres paroles. 
Il est temps de partir, tout le monde est fatigué; la GAV comme les enquêteurs. Je fais surveiller le véhicule de la famille par mes collègues, afin de m'assurer de ne pas être suivi, le temps de prendre quelque avance ... Toujours une question de sécurité. La maman est tout ce qu'il y a de plus inoffensive, mais je ne connais pas les "jeunes" qui l'accompagnent. Vraisemblablement des "potes" de Wesley.
J'arrive à la maison, il est presque deux heures du matin. Un coup d'oeil à la TL, un petit coucou, et je ferme les yeux. 

                          A huit heures, je suis au commissariat, et cherche Julia, afin de l'emmener pour ce qui sera la première journée de garde à vue. La jeune femme est toujours aussi respectueuse. Pose le minimum de questions, ne se plaint pas, et ne demande même pas de cigarette, alors qu'elle est accroc au tabac ... Mais pas que !
Aujourd'hui, les auditions vont s’enchaîner. Nous avons théoriquement jusqu'à quatre vingt seize heures de garde à vue, mais il est peu probable que nous allions jusque là.

                           Il est quinze heures, lorsque le poste de garde m'appelle, pour m'informer que la maman de Julia est présente. C'était convenu ainsi. Nous avons fait la fouille du véhicule. Elle peut donc le récupérer. Je la rejoins à l'entrée. J'ai décidé de prendre un peu de temps pour discuter avec elle. Je lui explique tout d'abord la procédure telle qu'elle est enclenchée; la durée possible de la garde à vue, le rôle du magistrat dans la prise de décision sur ce qui va faire suite à la garde à vue. Tout en lui précisant qu'il s'agissait d'une "estimation" de ma part, aux vues du dossier, je lui dis que, selon moi, les probabilités de "détention provisoire" de sa fille sont de l'ordre de 2 chances sur 10. Deux est un chiffre résolument bas. Certes. Mais le mot "prison" résonne mal, et pour quelqu'un qui n'y est pas habitué, c'est un peu un cataclysme ...
Je lui explique, assez grossièrement et sans trop de détails, ce que l'on reproche à sa fille. Je la sens déboussolée, perdue. Elle s'étend un peu sur sa vie. Fille élevée toute seule, crise d'adolescence, rupture du dialogue ... Elle est une femme à la retraite, mais obligée de travailler pour avoir un petit salaire en plus. Depuis peu, Julia travaille dans un snack, pour mettre du beurre dans les épinards. Tout de suite, elle fait le calcul; si sa fille devait aller en prison, en plus du traumatisme en lui-même, c'est un revenu en moins.... Julia a contracté un crédit pour sa voiture... Une difficulté supplémentaire... Pour elle, L'horizon s'assombrit ... Alors qu'il n'était déjà pas bien clair ...
J'essaye de parler un peu d'avenir, avec la maman. J'essaye de ne pas parler prison, mais bien de "reprise en main de la jeune fille". Celle-ci, "addict" au cannabis doit, pour le moins, baisser sa consommation. Je ne suis pas naïf, et n'ai pas l'ambition de la faire arrêter du jour au lendemain. Elle consomme trop pour arrêter sur un coup de tête. D'abord réduire, pour ensuite arrêter. J'essaye de faire comprendre à la maman qu'il va aussi falloir que Julia change d'environnement. Chose très difficile. Et pourtant, on n'est pas ici dans une cité de laquelle il est difficile de déménager parce que "ailleurs", c'est plus cher. La maman de Julia lui a offert un cadre de vie confortable, une école privée payée très chère ... Mais, comme quoi, cela n'a pas suffit. Peut-être le manque d'une autorité paternelle ... Mais je ne dispose que de trop peu d'informations pour avoir un jugement fiable. Mais il a manqué quelque chose. C'est sur. Entre deux transferts, Julia m'a dit vouloir reprendre ses études, en alternance. J'encourage la maman à œuvrer en ce sens ...

                            Bien que la garde à vue de Julia a été prolongée, elle finit par sortir. Nous avons tenté, ma collègue et moi, de convaincre le juge qu'une mise en examen pourrait être "salutaire" pour la jeune fille, mais le magistrat n'a pas voulu nous entendre, cette fois-ci. Il opte pour une libération sèche. Je persiste à penser qu'un contrôle judiciaire pourrait valoir "rappel" durant les prochaines semaines. Une espèce d'épée de Damoclès au dessus de la tête de Julia; en tous les cas, elle l'aurait perçue en tant que tel ! Mais non. Dehors. Amis juristes, j'en ai bien conscience; une mise en examen n'a pas de vertu préventive, c'est certain; mais, croyez-moi, dans le cadre d'une association de malfaiteurs, même avec un rôle mineur, les éléments constitutifs étaient bien présents. Suffisamment pour une mise en examen. Mais le magistrat a fait son choix. Soit. C'est son rôle. 
J'en profite donc pour tenter la leçon de moral auprès de Julia; stop au joints, changement d'environnement, dialogue parental, suivi psy, reprise des études.

Bref, tout ce qu'il faudrait, à mon sens, pour faire en sorte qu'on n'ai plus à se croiser. Le monde est très petit, sur une île; si elle ne change pas, elle sera rapidement, à nouveau, dans nos "filets". Et les suites ne seront peut-être pas les mêmes. 

Je ne sais quel aura été l'impact du temps que j'ai pris pour discuter, avec la mère ou la fille. Mais j'ai essayé.
A coté du rôle purement répressif du service dans lequel je suis affecté, il y a, parfois, une fenêtre par laquelle on peut trouver un peu de prévention, en se disant "ça peut marcher, ça vaut le coup d'être tenté".
Peut-être est-ce la conscience qui sonne le rappel. Je ne sais pas ! Mais j'ai envie de croire que cela a servi à quelque chose.
Je sais, d'avance, que Wesley est "perdu", pour le système. Il ne vit que du fruit de sa délinquance depuis des années. Avec des passages en prison plus ou moins longs ...
Mais, pour Julia, il n'en est rien; c'est son premier passage en garde à vue, elle est largement récupérable.
A condition que ...

dimanche 14 juillet 2013

Doigts de réponse

     Attention, ce billet peut contenir des mots pouvant choquer les enfants. Merci d'émettre un bip en leur lisant les passages les plus marrants.

     On me demande beaucoup de choses, c'est l'objet de mon métier. Celui de répondre à des questions. On m'en demande autant à son sujet.

     Je n'en avais pas conscience avant d'apparaître sur le réseau social de l'oiseau bleu. Où il est si simple et à la fois si difficile de communiquer. Jusque là, ma présence sur le net se limitait à lire de profil (pour ceux qui ne suivent pas, je parle de facebook). Si voyeur et intrusif, le genre ne m'a jamais convenu.

     J'ai donc croisé, sur twitter, des gens que j'étais - et ai été - amené à côtoyer tous les jours, sans les voir ou presque, des professionnels dans leurs domaines respectifs, qui, pour certains, ont besoin d'un exutoire à peu de caractères, une vanne de secours. Une vanne peu lisse. Je n'y ai pas croisé que des professionnels d'ailleurs. J'ai aussi croisé des gens paumés, sans volonté, des gens perdus, des gens volontaires, des forcenés, des gens forcés. Mais également pas mal de gens bien, des petits malins, des gens égaux, des gens normaux. Des gens épris de vie. Certains deviendront des amis. Je me suis également rendu compte que les flicards étaient assez peu représentés sur le réseau, chose normale, et me suis pris au jeu. Ecueils compris.

     Les rôles se sont alors inversés, et on a commencé à me poser des questions. Vous vous doutez que les questions ont commencé bien avant mais ce n'est pas le sujet. Sur ce que j'étais, chose sur laquelle j'ai encore du mal à communiquer, mais surtout sur ce que je suis censé représenter, ce dont il est encore plus délicat de parler.

     Ce billet est destiné à ceux qui n'ont pas obtenu de réponse de ma part. Et à ceux que je n'ai pas envoyé chier. Je vide mon sac dans cette première partie. Un autre billet viendra pour des choses plus fleuries, et certainement plus jolies.

     Parce qu'au final, ce que l'on me demande le plus souvent, c'est pourquoi ? Déclinable à l'infini.
   
     Le pour quoi ?
     Je passe - rapidement - sur les litanies habituelles, et évacue ainsi le "routier", que je n'ai jamais pratiqué :
  * "S.I" : Pourquoi ai-je été flashé et pas lui ? Pourquoi le gouvernement il est méchant avec les automobilistes gentils comme moi ? Pourquoi préfère-t-on faire de l'argent avec les radars plutôt que d'arrêter des voleurs ? Pourquoi vous me contrôlez alors qu'un connard roulait plus vite que moi il y a dix minutes ?

  * "Réponse": J'ai envie de dire lève le pied, "pédale de plomb", j'ai moi-même perdu six points en dix-huit mois, personne d'autre que moi n'est responsable. Et arrête de te plaindre, ça te fait la bite (la plupart du temps c'est un homme), tu connaissais les règles. Par ailleurs, concernant les choix en matière de politique pénale, et n'étant pas élu de la République, je t'invite à aller demander audience auprès de ton représentant national. Bisous.
     Et non, je n'ai pas fait sauter mes points car en l'espèce c'est déjà fait, non plus que l'amende automatique, car discuter avec un bureaucrate, c'est compliqué, mais avec une machine c'est impossible. Sauf si elle est flic aussi. Encore que ... Si tu crois que j'ai encore des privilèges exorbitants à exercer ce métier, viens, et constate par toi même.
     Quant à la manière de faire mon métier, je citerais encore une fois une réplique de l'excellente série américaine "Southland", de la bouche de John Cooper, le personnage sinon central, pour le moins capital, à un automobiliste qu'il contrôle et qui lui demande s'il n'a pas mieux à faire: "Est ce que vous dites à votre dentiste comment vous arracher les dents ?". Il est évident que non, car chacun son métier. Les petits donneurs de leçons - s'ils en ont un, de métier - peuvent aller se faire cuire le cul. Ils seraient, tous, à les écouter, de meilleurs flics que toi car il faut être benêt pour exercer ce métier. "Come out and play". Ce sera mon dernier mot à ce sujet.
     Ah oui, j'oubliais, les flics n'ont pas plus le don d'ubiquité que les autres. Tu te plains que nous sommes partout mais étrangement jamais au bon endroit. Rapporté au nombre de flics par habitant, tu ne tiens pas la route, sauf à Paris. La mauvaise foi n'est pas l'apanage du flic mon petit lapin. Dis toi bien que pour un  poulet visible sur la voie publique, tu en as au moins autant dans l'ombre pour éponger la merde qu'il ramène. Dis toi également que la police arrête parfois ton voleur car elle était là au bon moment, et qu'elle a retrouvé le butin. Tu n'as pas encore eu cette chance ? Aie confiance, bientôt tu seras cambriolé.

     On me demande aussi souvent pourquoi avoir choisi ce métier. Je crois qu'aussi longtemps que je vivrai, je chercherai les mots pour répondre à cette simple question. Vous trouverez quelques indices ici. De la même manière que j'apprendrai ce métier - et de ce métier - jusqu'à le quitter. Ceux qui croient  (ceux qui croivent sont également les bienvenus) le contraire, et dispensent leçons à qui ne veut plus les entendre, se trompent lourdement. Peu importe le moment où tu le quittes - ce métier - d'ailleurs, ce qui importe c'est comment. Pensées pour ceux qui sont partis sans bruit, avec, ou en silence, et ceux qui vont partir la tête haute, fiers du devoir accompli et qui n'auront pas à en rougir. Chacun sa croix, ou sa porte.

     On me demande également pourquoi j'applique des lois qui sont injustes. J'invite, en toute objectivité, chacun de ces paltoquets, à relire la Constitution, et à faire preuve d'un peu de bon sens pour réaliser que la leur est manifestement tronquée. Et éventuellement à se rendre aux urnes, où la représentation nationale a pondu les lois que je suis chargé, avec d'autres, de faire appliquer. Je rappelle également qu'un ordre, dans un corps hiérarchisé, vaut force de loi, sauf à démontrer son illégalité. Chercher un responsable en l'intervenant direct, c'est courir au clash, du moins en différé avec moi. Je ne parle même pas des trolls ...
     On me reproche aussi souvent l'existence même de la garde à vue et l'application qui en est faite, comme si je devais être représentatif de toute l'institution. Je n'ai pas mis en place le régime de la garde à vue mais je suis chargé de le faire appliquer (avec parcimonie au besoin). Croyez bien que parcimonie a parfois été ma meilleure amie. Aussi, les petits dictateurs de salons et autres juristes d'opérette ne sont plus à l'abri d'une contradiction quant à la séparation des pouvoirs quand il s'agit de critiquer une mesure légale, certes déplaisante, qui est comparée aux pires instruments des régimes totalitaristes. L'opposition systématique à cette mesure, certes vieillissante, mais utile, sans aucun argument, est du même niveau que ce que l'on peut trouver de clichés sur les flics, les avocats, les journalistes ... Le terrorisme intellectuel a encore de beaux jours devant lui (Papa si tu me lis, c'est le moment de décocher un sourire).

     On me renvoie souvent au visage le racisme dans la police, son sectarisme et son intolérance. C'est comme partout, il y a de tout. Je rappelle que les policiers sont recrutés parmi vous. Au sein du peuple. A ceux là, et concernant l'intolérance, je citerais Madame, qui, travaillant dans un arrondissement "cosmopolite", pour ne pas dire multi-culturel de la capitale, pense qu'après n'avoir que peu voyagé, n'en avoir pas moins fait le tour du monde. Je trouve cette phrase très juste. A méditer, car je pense sincèrement qu'on peut se permettre de devenir intolérant lorsqu'on y a soi même été confronté.
   
     De la même manière, je ne suis responsable, ni un descendant de ceux qui ont commis des horreurs pendant les périodes troubles de l'histoire. Aussi, merci d'éviter les raccourcis approximatifs. Je n'ai ni connu la police de Vichy, ni les évènements de mai 68, ni la Police à "Papa". Je suis le descendant d'une longue lignée de scientifiques et de matheux. Dont un officier de l'armée (le lieutenant Flam) que la guerre a rendu fou, de visions d'horreur, et d'alcool pour le panser, en 14-18, et un résistant de la première heure, qui échappa la Gestapo en sa cachant dans une poubelle. Je ne suis pas digne de ces gens là, merci de ne pas enfoncer le clou. Je suis le premier flicard de la famille, merci de le noter.
     Au sujet du "racisme", qui est devenu plus qu'une pilule générique, j'invite volontiers les indignés des claviers à venir se frotter au racisme ordinaire de la rue et à ôter les oeillères pleines de merde qu'ils ont chaussées trop tôt. Il y a des racistes partout, à commencer au sein de vos rangs d'ignorants. Le premier fasciste est probablement celui qui, convaincu de ses inexpériences, vous jette son ignorance et ses certitudes de nouveau-né à la tête. Je convie donc celui là à venir faire un stage dans ma Maison. Tu penseras à essuyer tes pieds et à te laver les mains avant d'entrer néanmoins. Pas de raison que tu ne pourrisses les locaux plus qu'ils ne le sont déjà.
     
      J'ajouterais qu'en terme d'intolérance, la démonstration la plus flagrante se fait devant la loi, en trébuchant sur sa première marche, l'officier de police judiciaire. Et il y en a, des marches. Quoi de plus intolérant qu'un délinquant au final ? Car c'est bien lui qui dit merde à la société.
      Car s'il est une chose certaine, une "chaussure", c'est qu'avant d'avoir tâté du métier j'ai vécu. J'ai connu le privé. Et vécu de multiples expériences de travaux différents.
   
      Alors oui, je suis probablement en train de glisser tranquillement vers la misanthropie, et je dirais que c'est de bonne guerre, car on me l'a bien rendu. Je n'en aime que plus ceux qui m'entourent, ce billet est aussi un moyen de le leur dire. Car après tout, s'il est bien une chose que je pense être vraie, c'est que le silence n'amène que des emmerdes. Et pourtant je suis un "taiseux", j'ai de qui tenir.
      Certains se reconnaîtront, d'autres ne me liront pas, mais sont visés. L'essentiel, c'est la bile versée, et le bien que ça fait. Comme d'habitude, aucun nom sur les ondes ne sera prononcé.
   
     Aux autres, santé.

Flam

vendredi 5 juillet 2013

Expat en CDD....





N'est-elle pas belle, cette photo? Cela en fait rêver quelques uns, non? Et c'est bien normal, surtout lorsque l'on a passé un hiver qui aura duré... 10 mois... ou presque.





J'ai cette chance, de pouvoir arpenter ce genre de plage lors de mes week-end, voir mes vacances. Même si les premiers ressemblent finalement aux seconds.
Il fait chaud... toute l'année. Certes, le climat est parfois humide, mais qui se plaindrait? Pendant que les p'tits copains allument la cheminée au 1er juin, en métropole, ici, le chauffage n'existe pas, et toutes les constructions, qu'il s'agisse de maisons ou d'appartements, sont équipés de persiennes. Autant dire que la température ne fait pas peur. Au pire de la saison, il fait 21°, en pleine nuit et en altitude....
Oui, le teint est halé... toute l'année, alors que la majorité des "métro" sont pâles, voir transparents pour certains (dans tous les sens du terme, hein)...
Je vous vois d'ici; j'entend même certains quolibets, voir des insultes (certes, le premier mot qui traverse l'esprit de celui qui aimerait être en vacances).

Mais voilà. Je ne suis pas en vacances. Les policiers, employés dans les DOM-COM (eh oui, il faut s'y faire, à cette nouvelle appellation), sont employés en CDD. Sauf, bien sur, pour les natifs de l'île qui peuvent justifier d'un lien familial.
Mais pour les autres, c'est CDD, et retour case départ. En gros, je peux faire trois années, auxquelles je peux en ajouter, optionnellement, une.

Pourquoi avoir fait un tel choix? La question est bonne...
Après avoir travaillé pendant 14 ans sur Paris et petite couronne, j'ai eu envie de changer d'air. Nombre de parisiens me comprendront... J'avais alors opté, l'année précédente, pour un poste en province.... que je n'ai pas eu. Le nombre de postulants à la province étant bien supérieur, vous l'imaginez, au nombre de mutés.
Lorsque la liste des postes s'est vue être diffusée, il a fallu faire un choix.

  • aller en province, retourner, après 12 ans de judiciaire, au "service général", en tenue, pour y faire un métier qui ne m'attire pas plus que cela, en faisant une croix sur mon expérience professionnelle
  • rester sur place, sachant que j'ai du mal avec la stabilité, qui, en général, amène découragement et paresse
  • soit, faire comme souvent, et me remettre en question... et tenter un poste... loin... très loin
J'ai donc opté, vous l'avez compris, pour ce dernier choix. D'autant que, il faut le dire, l'aspect humain n'est pas négligeable. Il s'agit d'une réelle expérience, pour toute la famille. J'ai pour habitude de me dire que c'est dans la difficulté qu'on apprend le mieux et que l'on s'enrichit. 

Je suis riche....

Cela fait quasiment une année que je suis ici... un temps suffisamment long pour faire un premier bilan qui n'a, bien sur, rien de définitif... 

Les avantages, vous les imaginez très facilement (arrêtez donc, avec ces noms d'oiseau).

Mais.... Eh oui, comme toujours, le monde n'étant, au final qu'équilibre (le plus et le moins, le bien et le mal, le blanc et le noir, ...) , il y a un "mais".... et des cotés négatifs, forcément. 

Il y a, avant tout, l'éloignement de la famille, des amis... tous les repères que l'on a mis, bien souvent, des années à se construire. Il faut bien être conscient que l'on arrive sur une île en y connaissant peut-être, par chance, l'une ou l'autre personne, mais parfois aucune. C'est une difficulté à laquelle on se prépare, c'est certain. On se console alors en se disant que les amis qui le peuvent, pourront venir passer un peu de bon temps par ici, cela sera l'occasion de se voir au soleil, autour d'un bon planteur (non, faut vraiment que vous essayiez de trouver un remède, contre ces noms d'oiseau... cela doit être votre subconscient, qui travaille). Et même parmi ceux qui promettent de passer, ils se rendent alors du prix coûteux d'un billet d'avion... et c'est bien normal!

Je met à part le coté "intégration", puisqu'il est propre à chacun, fonction de la propension que nous avons, tous, à communiquer, à approcher les autres... si l'on veut s’intégrer, c'est comme partout, il ne s'agit pas d'arriver en terrain conquis, avec toute sa "science", mais être ouvert aux autres. Sans pour autant se renier, ce n'est pas la question.

Et pourtant, l'intégration n'est pas évidente, mais pour une raison à laquelle on ne pense pas forcément:

le CDD

Justement, avec ce fichu contrat, il est "couru" d'avance que, dans 3 ou 4 ans, il va falloir rentrer... en gros, aucune perspective à moyen terme. Investir dans l'immobilier n'est pas envisageable, puisque pas rentable sur une si courte durée. Il y a, bien sur, la location; mais je dois l'avouer, j'ai du mal à me sentir "chez moi", puisque je sais que, quoi qu'il arrive, je vais devoir repartir très bientôt. En fait, j'ai la sensation d'occuper une grande chambre d’hôtel... pas forcément envie de faire de la déco, etc... le minimum syndical.
Ça, c'est pour le coté personnel, mais coté boulot, c'est la même chose. Les collègues "fidélisés" te regardent, quoi qu'il arrive, comme un mec qu'ils ont vu arriver, et qu'ils vont voir partir. Donc, à quelque niveau que l'on soit (et plus on monte dans la hiérarchie, plus c'est vrai), mieux vaut ne pas faire de vagues puisque de toute façon "on" sait que tu vas repartir.
La relation humaine n'est pas simple non plus, pour les mêmes raisons... les gens n'ont pas forcément envie d'investir dans une relation en "CDD"...
Je pense que ceux qui gardent le meilleur souvenir de ce "passage" sont les enfants de 10 ans ou plus; ils sont pleinement intégrés à tous les niveaux de la vie sociale, assez facilement. L'école apporte beaucoup de repères, pour peu que l'enfant ait une activité extra-scolaire, cela multiplie les contacts...

Pour les parents, imaginez un peu le déroulement de ce CDD: la première année, il faut s'adapter à tous les changements intervenus; travail, école, logement... La 2ème année, à ce qu'on me dit, on commence à être bien  (je vous en reparlais dans un an). Et pour ceux qui ne restent que trois ans, eh bien la dernière année, on la passe à envisager l'avenir; trouver la future affectation, le logement, l'école des enfants...

Mais le problème est encore plus profond, en fait, et commence avant-même la mutation: 

qui veut venir, finalement? ou plutôt, qui le peut?

Le fonctionnaire est muté, ok. Mais le conjoint...
Celui-ci va devoir quitter un travail en métropole (peut-être bien rémunéré) pour toucher un chômage ici, le temps de retrouver du travail (avec, en général, la perte conséquente). S'il en trouve. Et là, tout dépend du secteur d'activité (le chômage des jeunes, ici, atteint 20%).
Le logement: la famille va donc quitter un logement duquel elle est peut-être propriétaire; il faut donc envisager de louer le bien, ou de le vendre. Pour ceux qui sont locataires, il va surtout falloir en retrouver un au retour... quand on connait les difficultés de logement en région parisienne... Tout cela a un cout (même si le déménagement, en lui-même, est pris en charge).
Pour synthétiser, le policier qui a un conjoint "dans le privé" ne peut pas venir. L'effort financier est très - trop - important.

Je suis le mauvais exemple, puisque je l'ai fait. Et ça m'a coûté pas mal d'argent. Et cela m'en coûtera encore puisqu'il faudra penser au retour....


Bref, je le vois rien qu'à tous ceux que je côtoie, et qui ont été muté, comme moi... le conjoint est, en général, lui aussi, dans l'administration. C'est la seule possibilité qui soit, non pas "rentable", mais sans perte.
Peut-être imaginez-vous que pour cet éloignement, l'Etat va me donner une prime.... eh bien non. Ce n'est plus le cas, dans la police, depuis quelques années. Contrairement aux gendarmes (à fonction équivalente).
Pour être franc et aller au bout des choses, la seule "prime" que je perçois en plus, par rapport à la métropole est dite de "vie chère"; c'est à dire 40% du salaire brut (donc hors prime), pour compenser les prix qui sont, en général, bien plus élevés ici qu'en métropole.
Lorsque l'on sait que certains prix, sur l'île, ont été en quelque sorte "indexé" par rapport à cette prime, on comprend qu'une partie de l'économie insulaire dépend du salaire des fonctionnaires...
Et que, par ailleurs, en quittant la région parisienne, j'ai perdu d'autres primes...


Oui, je sais, vous allez me dire "comment font les gens qui ne sont pas fonctionnaires et qui vivent tout le temps aux Antilles? Beaucoup de gens fonctionnent encore à l'entraide; "je te donne des légumes du jardin, tu me garde les enfants". Et c'est, à mon avis, une très bonne chose, que ces rapports humains, sains, qui ont tendance à disparaître en métropole (en tous les cas, dans les grandes agglomérations).
Mais ce système, vous l'imaginez, est plus difficile à développer lorsque l'on est que de passage... 

Pour résumer tout cela, je pense qu'il serait bon, à mon sens, de prolonger la durée des contrats, voir de les supprimer, et affecter, au moins ceux qui le veulent, de manière définitive. Libre à chacun, ensuite, de demander une mutation; comme partout en France, finalement.
Si l'administration prolongeait les contrats, ou permettait, par exemple, de les doubler, les policiers auraient au moins une perspective à moyen terme. On ne voit pas les choses de la même manière sur 6/8 ans que sur 3 ou 4...
J'ajoute à mes arguments que l'administration y ferait des économies, puisqu'il n'y aurait plus (ou moins), alors de déménagements à défrayer. Les gendarmes ont commencé à faire ces économies, puisqu'il leur est possible (sous certaines conditions) de prolonger jusqu'à 7 ans leur activité insulaire.

Bref...

Il faut avoir conscience que, à coté de l'image idyllique des cartes postales que je vous fait parfois partager, il y a aussi des inconvénients qui ne sont pas négligeables...
Personne ne m'a forcé à venir, je suis volontaire. Mais il y a certaines choses qu'il faut savoir...
Et au final, malgré les difficultés, je ne regrette pas ce choix... enfin pour l'instant!

Bon, je vous laisse.... je file dans la piscine... (chut... on a dit qu'on arrêtait les noms d'oiseau).