jeudi 25 avril 2013

Je me souviens

     Je me souviens de mon arrivée dans un mon premier service, un commissariat mythique du Nord Est parisien. Classé dans le ventre mou d'une promotion devenue plus sélective d'officiers (en vue du "pyramidage" du corps, une vaste pantalonnade, mais j'en reparlerai), je n'avais guère le choix quant à la nature des fonctions exercées. Les meilleurs postes - et c'est bien normal - étant bien sur prisés des anciens qui travaillaient pour ça (par là j'entends les anciens membres du corps d'encadrement et d'application: les gardiens et gradés ayant réussi le concours interne ou externe d'officier ou recrutés au choix comme les brigadiers major). Je voulais quoiqu'il en soit faire du "judiciaire". De la police judiciaire, des enquêtes en gros. Ou en détail.
     Je n'aurais pas détesté faire de la voie publique (service général), en tenue j'entends, mais mon choix était fait. Rien n'empêche d'ailleurs d'aller sur le terrain en judiciaire. Bref. J'ai donc opté pour un S.A.R.I.J (Service d'Accueil, de Recherches et d'Investigations Judiciaires)  de l'ex D.P.U.P (Direction de la Police Urbaine de Proximité). En deux mots la sécurité publique de la Préfecture de Police. La "PP",  cette "vieille dame qui n'aime pas qu'on la prenne par derrière" (voir "36", d'Olivier Marchal). Le choix se fait au sein du grand amphithéâtre de l'école, scène très justement retranscrite dans divers longs métrages, dont "Le petit Lieutenant" (Ici).

     J'étais heureux de "tâter" du judiciaire, dans un arrondissement qui "bougeait". Je vous passe les détails de l'arrivée et du détail de l'installation à Paris de provinciaux. Puis j'ai été reçu par le Chef de service, car en bon fils de famille bien élevé, je suis venu me présenter. Une femme. Dure. Elle m'a dit, après m'avoir serré la main, certainement pour me mettre à l'aise : "Je n'ai pas besoin de vous ici, des officiers, j'en fais sortir dix en tapant dans n'importe quelle poubelle". Ambiance, j'aurais eu quinze ans de boite je lui retournais le bureau sur la gueule (c'est une image, ne vous affolez pas). Après tout j'ignorais tout des arcanes de la boite. Lorsqu'elle a été mutée, elle m'appelait par mon surnom comme tout le monde.

     En effet des officiers, il y en avait un paquet, une véritable armée mexicaine (j'en vois ricaner certains au fond, j'ai l'oeil, tenez vous un peu nous ne sommes pas à la cafétaria). En fait de quoi, la prétendue pyramide du service tenait plus de la bouteille d'Orangina que des merveilles d'Egypte. Un beau bordel.
     Et pourtant certains d'entre eux, gardiens, gradés et officiers, m'ont appris mon métier, avec patience, et donné le goût d'une procédure pour laquelle je commence à développer d'inquiétants TOC. Souvent accompagnés de phases de rechute d'une mauvaise rémission de Gilles de la Tourette, les jours de grande fatigue.
     Certains d'entre eux sont partis aussi, subitement. Laurent, si tu me lis, pose ta bière et ta putain de clope et arrête de ricaner sale enfoiré. Tu me manques.  

     Je me souviens de ma première interpellation dans mon premier service. Un jeune (le prénom a été changé), mineur, avait arraché le sac d'une pauvre vieille sans défense, pour quarante euros, et l'avait traîné sur quelques mètres, car elle ne lâchait pas prise. La vieille carne ... Elle a osé s'ouvrir le crâne et dégueulasser de sang (le "résiné" dans le jargon) le hall de son immeuble, car bien évidemment elle avait été attendue par son "prédateur".
     Je me souviens des insultes de ce petit con, qui juraient avec le calme olympien des collègues qui m'accompagnaient, dont les mères étaient de longue date rhabillées pour de nombreux et rudes hivers. J'ai envié leur flegme, je bouillais intérieurement.
     J'ai pu constater durant les cinq ans que j'ai effectué dans ce commissariat, que le vol avec violences est le délit le plus communément rencontré. Une telle banalisation a de quoi faire peur. Surtout qu'en cinq ans la violence avec laquelle ils étaient commis a fait un bond effrayant.

    Je me souviens de ma première enquête décès. L'enquête décès, à proprement parler enquête en recherche des causes de la mort, est prévue par l'article 74 du Code de Procédure Pénale, lesquelles causes peuvent être naturelles, ou s'avérer violentes (suicide, accident par exemple), voire criminelles auquel cas le cadre d'enquête est amené à évoluer (enquêtes préliminaires ou flagrantes, voire commission rogatoire). Là encore, une petite vieille, morte seule, sans bruit. Il n'y avait rien de suspect bien sur, presque une formalité. Je parle bien naturellement de l'enquête elle-même, car au fond la vue d'un cadavre (un Delta Charlie Delta soit DCD en language châtié) est toujours dérangeante. On ne s'y habitue totalement jamais, quoiqu'en disent certains. Et comme bien souvent dans la formation, les collègues ne sont préparés qu'aux situations bien cadrées et aseptisées. Petite pensée aux collègues courageux de l'été caniculaire.

    Je me souviens également de ma première autopsie, pour rester sur les mêmes plates bandes.
    Une enquête décès "banale", si tant est qu'un décès puisse l'être, une histoire sordide de plus (l'autopsie est ordonnée par les membres du Parquet, directeurs des enquêtes - en l'espèce - , la référence qui va bien ici). Un Institut Médico Légal a toujours un air de je ne sais quoi, dérangeant, il y règne une ambiance vraiment particulière. Curieusement, les bâtiments les abritant ne sont jamais accueillants. J'arrive, le corps est sur la table, seul un mince drap le recouvre. Rien qui ne permet de couvrir l'effluve pestilentielle qui flotte, omniprésente.
     Nous sommes au mois de juillet, il fait une chaleur de bête, l'humidité est pesante. La climatisation souffreteuse est loin d'être suffisante. Cette odeur ... Car il n'y a vraiment que cela qui est indisposant. La vue d'un cadavre, putréfié, saponifié (détails ici), voire momifié n'est rien en comparaison. A mon humble avis. Car l'odeur c'est la tienne, celle que tu as toujours dans le nez mais que tu ne sens véritablement jamais. Animale, intérieure, crue.
    Les gestes du praticien,  débutent, par les "crevées" pratiquées dans les membres supérieurs et inférieurs, sur les deux faces, afin de mettre à jour d'éventuels traumatismes et/ou hématomes. Brutal. Le corps humain est fascinant, si résistant et fragile à la fois. Puis l'incision du tronc (en "Y" ou mento-pubienne, au choix). Là on atteint le coeur du sujet (oui, elle est aisée), après que les côtés ont été sectionnées. Le professionalisme du légiste est capital, pour dépersonnaliser la chose. En toute circonstance, il te faut garder le but en tête: découvrir les causes de la mort. Ne subsiste que l'odeur, au sujet de laquelle je déconseille vivement l'usage de pommades type Vicks qui ne font que dégager les voies aériennes, et laissent entrer davantage de miasmes. Sur ce point, le port d'un masque est utile, l'impression de "sentir la mort" après un contact avec un cadavre étant due à ces mêmes miasmes présents dans les cloisons nasales. L'emport d'un spray type stérimar est chaudement recommandé. Extractions des organes internes, pesée, scellés (humeurs vitrées, contenu gastrique, sang tissus, urine, etc ... ). Puis la boite crânienne. Craintifs des dentistes, fuyez !! La roulette d'icelui c'est de la flûte à côté. La phase la plus impressionnante restant toutefois la dépose du "masque" du visage après incision du cuir chevelu. Et la découpe de la boîte crânienne donc. Le reste c'est de la littrée rature non ?

    Je me souviens de mon premier avis parquet, une réussite (une C.E.E.A soit Conduite sous l'Empire d'un Etat Alcoolique, autant dire un non évènement en terme de compte rendu). Je me souviens également du premier où je me suis fait déchirer par un Parquetier, pour ne pas avoir, je cite, "assez maîtrisé mon dossier". J'en garde un souvenir amer mais la meilleure expérience aussi. Le substitut en question, lassé d'une longue semaine de permanence et d'appels trop approximatifs comme le mien, avait probablement  les "couilles à l'envers" lui aussi. J'ai su me rappeler à son bon souvenir dans des circonstances plus heureuses. Professionnellement également.

     Je me souviens également de ma première garde à vue. Celle que j'ai notifié, sinon je ne serais pas là pour en parler, bien que nous n'en soyons plus à une aberration près. L'acte le plus important et le plus grave - le plus décrié - en tant qu'officier de police judiciaire (O.P.J), le plus banalisé aussi. Par manque de recul, par peur de la pression, de "Môssieur" le Chiffre, par nécessaire réserve ou manque de celle-ci. Je n'ai pas souvenir d'avoir pris une garde à vue sur instructions, si ce n'est celle du magistrat. Je n'ai à ce jour pas de deuxième trou au cul.

Ndlr: certains semblent confondre la qualité d'officier de police judiciaire, qui peut être, et est désormais souvent commune aux trois corps de ma "maison" et celle d'Officier, grade, "qualité" administrative, purement structurelle et hiérarchique. Ceci appellera surement précision bien que le sujet ait été largement abordé ailleurs (organisation par )

     Je me souviens de mes premières surveillances et filatures. Les filatures que tu rates immanquablement au début, parfois même après, même avec l'expérience (je parle de moi hein). Des repas avalés à la va-vite dans les voitures, des kebabs couinant de gras, des sandwichs anémiques, des Big Mac que tu jettes sur la banquette quand le mec vient "à sortir", à "tuber" ou je ne sais quoi pour pourrir le délicieux repas que tu étais en train de savourer. Je me souviens des nombreuses fois où je me suis fait baiser par un mec filé dans le métro, comme un bleu. On apprend beaucoup des autres, mais apprendre de ses erreurs reste la meilleure école.

     Je me souviens bien évidemment de ma première convocation à l'I.G.S, et de celles qui suivirent. Je me souviens du futal en cuir que portait le Capitaine qui m'avait entendu la première fois. Ca m'a aidé à me détendre, je l'imaginais avec son flacon de talc et je marrais. Je n'ai, à ce jour, toujours pas eu notification des décisions magistrales qui furent prises. Normal. Ou plutôt étonnant quand on connait l'empressement à saisir ledit service, et celui qui consiste pour l'administration à t'appuyer la tête sous l'eau et à te lâcher lorsque les emmerdes arrivent. Oups, mon devoir de réserve vient d'en prendre un coup derrière les étiquettes.

     Je me souviens bien entendu des pots, légendaires, souvent exagérés, parfois sous estimés, des départs, des arrivées, du turn over incroyable des collègues, des burn out, des défaillances, des réussites, qui ne peuvent bien souvent être que collectives malgré l'égo de certains. L'expression consistant à dire que la police est ta deuxième famille est loin d'être usurpée. Ne serait-ce que parce que si tu te "sors un peu les doigts du cul" pour être autre chose qu'un fonctionnaire, c'est celle que tu vois le plus souvent.

     Je me souviens d'avoir souvent ri, parfois pleuré, d'avoir été parfois remercié, souvent insulté, d'avoir entendu des horreurs sur ma mère,  d'avoir également partagé, de ne plus avoir été un flic souvent, d'avoir exercé cent métiers. Je me souviens d'avoir été complice, ou confident. D'avoir été confiant, mais plus rarement.
     Je me souviens avoir été intransigeant, mais également indulgent. Je me souviens de nombreuses histoires tristes ou drôles, de tranches de vie, de vies tranchées, bousillées, de renaissances, de moments de joie, mais plus certainement de tellement de visages.
      Je me souviens d'avoir été compris, plus souvent ignoré.    
      Je me souviens d'avoir eu à être sage.

      Je me souviendrai, c'est tout l'intérêt.

vendredi 19 avril 2013

un flic, finalement, c'est...




Avant toute chose, je tiens à remercier Kaptain'Flam de m'avoir rejoint sur ce blog. Lorsqu'il a évoqué ses envies d'écrire, j'ai immédiatement sauté sur l'occasion, en lui proposant de s'associer sur ces pages.
Il a désormais franchi le pas, posé quelques meubles, et j'espère qu'il se sent bien par ici, que la déco lui plait. J'en profite pour lui adresser un message personnel: Kaptain, range tes calbutes, s'il te plait ;)

Plus sérieusement, nous pourrons désormais à deux, tenter vous faire comprendre, au mieux, la manière dont nous fonctionnons, ce que nous pouvons ressentir, de l'Intérieur.
Et nous ne serons pas trop de deux à nous y employer.

-----

  
                                                        petit fond musical pour la lecture...

Depuis que ce blog existe, j'ai toujours eu la volonté de -re-dresser, en quelque sorte, l'image de la police. Démontrer, s'il le faut, qu'un flic, ce n'est pas juste des contraventions, des bavures, un pourri ou encore un alcoolique-dépressif qui met le nez dans la cocaïne  Parce que, au fond, c'est ce que je pense. Enfin, j'imagine que c'est ce que certains pensent à force de films et séries pleins de clichés.
A l'évocation de ce lieu qui sert, entre-autre, d’exutoire, alors que j'en discutais avec un ancien chef de groupe, celui-ci m'avait fait la réponse suivante:
"qui crois-tu que tu vas convaincre? Ceux qui apprécient la police le sont déjà; et les autres ne le seront pas plus"
Je ne sais, encore aujourd'hui, s'il a tort. Si j'ai pu, ne serait-ce qu'à une seule reprise, convaincre du bien-fondé de mon métier, et de ce que, sans être parfaits, nous y tendons sur chacune de nos enquêtes, sur chacune de nos interventions... si j'y suis arrivé une seule fois, j'en serai satisfait.

L'autre image renvoyée par le métier de flic, c'est le boulot "cool". On arrête les méchants, une bonne baston de temps à autre pour se défouler, des "filoches", des "planques"... c'est aussi une bonne bière après le boulot, un calibre à la ceinture, et éventuellement un uniforme pour séduire ces dames...
ah l'imaginaire...

Etre, flic, c'est aussi les " belles affaires" qui sortent, qui font notre fierté, mais aussi la réussite de nos supérieurs, en même temps que la une de certains quotidiens de presse. Si l'affaire est médiatisée, le Préfet est content; une ou deux fois, sur une carrière, on voit le ministre qui arrive, pour voir quelque somme d'argent, des stupéfiants, ou des armes saisies...
Et pourtant, tout cela ne représente que peu de choses, en fait.

Mais tout ceci n'est que la partie émergée de l'iceberg, celle qui est la plus visible ...

J'ai tendance à résumer le bon enquêteur à un flic qui pose les bonnes questions.... mais surtout, qui sait à qui les poser, ces questions, pour en tirer de bonnes réponses.

Le boulot de flic, c'est chercher... chercher, et encore chercher... pendant des heures, des semaines, voir des mois...c'est passer des heures avec un casque sur les oreilles, à écouter ceux qui sont des objectifs; avec, bien entendu, toutes sortes de conversations. Je dis bien TOUTES sortes. Dont la plupart n'ont aucun intérêt pour quelqu'un d’extérieur à la conversation. C'est, en complément, passer des heures devant un ordinateur, à faire des recherches, toutes aussi variées les unes que les autres, pour identifier un individu, relier les individus entre eux, tenter de comprendre leurs interactions, que certains mettent tant de mal à vouloir nous cacher .
C'est rentrer chez soi le soir à vingt heures, après avoir passé près de douze heures au bureau. Et puis repartir, parfois au bout de quelques minutes, parce que "ça bouge", et entamer une filoche.

Etre flic, c'est aussi se lever parfois à quatre heures du matin, pour aller interpeller un suspect chez lui, alors même qu'il habite à l'autre bout du département! C'est retourner au service à midi, après la perquisition  les embouteillages, pour rédiger les procès-verbaux en relation avec la garde à vue, en ayant mangé un sandwich, sur le pouce. C'est finir le soir, à minuit passé, et revenir le matin au bureau, à huit heures, pour continuer à gérer la garde à vue. Si tout va bien, il n'y en a qu'un à gérer. Si ça va moins bien, il faut chercher d'autres gars, procéder à d'autres perquisitions.

Etre flic, c'est parfois voir arriver le vendredi, et se dire que, toute la semaine, on n'a pas -ou peu- vu les enfants... et c'est là qu'arrive une affaire. GAV ou saisine du vendredi... week-end pourri  Ce n'est pas encore là qu'on va passer un peu de temps en famille... et puis arrive, comme un cycle sans fin, le début de la semaine. Les dossiers qui sont toujours là, et sur lesquels il ne faut pas prendre de retard, ou en tous les cas éviter de l'accumuler... ce qui est, je vous assure, loin d'être évident. Bien sur, l'affaire qui "tombe", ce n'est jamais au bon moment, toujours lorsque l'on est débordé....

Etre flic, c'est aussi, parfois, une enquête de plusieurs semaines sans réussite. On cherche à sortir une affaire qui nous est confiée, d'en identifier les auteurs...  mais rien n'y fait! Tout se dérobe. Les pistes, les unes après les autres, finissent en impasse. Arrive un moment où l’investissement a été tel qu'on a du mal à se résoudre à l'échec. Alors on recommence. Peut-être depuis le début, ou par le biais d'autres pistes. Et toujours rien. On tire les ficelles les unes après les autres, et elles pètent toutes.

Alors, le flic, il rentre chez lui. Comme tous les soirs. Plus ou moins tard. Avec pas trop le moral.... les affaires n'avancent pas, l'ambiance du groupe n'est, de fait, pas au beau fixe, pour peu que le copain de bureau n'ai pas eu sa mutation, et le chef de groupe n'a pas eu sa promotion au grade supérieur, ou encore que l'affaire qui nous tenait à cœur ait été confiée à un autre service, soit-disant plus prestigieux ...
Comme le péquin moyen, ce flic, il va rechercher l'équilibre du foyer. Voir ses enfants, et puis sa femme..
Et puis, finalement, ce réconfort, il ne le trouvera pas non plus; parce que, à la maison, comme au boulot, eh bien ça ne va pas fort... les résultats à l'école du petit dernier ne sont pas bons, madame se dit qu'elle passe plus de temps seule qu'avec son mari, se demandant à quoi bon attendre.  Parfois... ou souvent, je ne sais pas, être femme d'un flic, surtout en PJ, c'est un peu sacrifier sa carrière professionnelle... parce que, forcément, si déjà le père n'est pas à la maison, il faut bien que quelqu'un y soit. Et, une carrière, ça se gère rarement entre 8h/12h et 14h/18h...

Je me dis parfois qu'être flic, avec une fonction de police judiciaire, c'est un peu d’égoïsme...

Il est une phrase que j'ai entendu dans tous les services de PJ où j'ai fait un passage:
 "l'essentiel, c'est de se faire plaisir".
 Je vois bien vos visages interloqués, à vous demander ce que peut bien signifier cette expression, alors même que l'on côtoie une misère sociale certaine, avec ou des victimes, ou des mis en cause...

Les enquêteurs ont bien souvent compris qu'ils n'avaient que peu à attendre de l'administration. La PJ n'est pas une spécialité, au sein de laquelle les avancements sont les plus rapides; pour vous donner un exemple, un flic de PJ qui se présente à un examen, ne va pas devoir réciter le Code de Procédure Pénale, mais plus certainement les différents régimes horaires pratiqués dans l'administration policière, ou encore lister les différentes catégories de sanctions... Il n'y a pas, non plus, en PJ, de facilité de mutation, bien au contraire; pour beaucoup, partir en mutation, c'est retourner en tenue. Peu importe l’expérience accumulée en judiciaire...
 Bref... se faire plaisir, c'est, pour celui qui est sur le terrain, être "bon" en filoche... pour celui qui est au bureau, c'est identifier l'auteur du crime dont il a la charge de l'enquête... pour un chef de groupe, ça sera de réussir à gérer l'humain comme les dossiers... bref, y trouver son compte...
Et pourtant... pourtant, parfois, le plaisir n'y est pas. Alors, que reste-t-il?
Comme le dirait un de mes camarades, "on est payé".... voilà, c'est ce qu'il reste. On fait le boulot, parce qu'on est payé pour ça, c'est le minimum "syndical". Point barre...

bref, tout ça pour dire que, finalement, un flic...
... un flic, c'est monsieur ou madame tout le monde. Avec ses hauts, mais aussi ses bas... qu'ils soient professionnels ou personnels... voir les deux.

Rien de plus.... rien de moins...
Pas mieux, mais pas moins bien non plus.

dimanche 14 avril 2013

Bio de poulet a varié (liste non exhaustive)

     Je suis né un peu avant le milieu des années 2000.
     A tout le moins pour l’homme que je suis devenu aujourd’hui.
     Mais avant cela, j’ai été élevé dans un foyer aimant, par des gens qui n’ont pas eu la chance de l’être en leur temps, pour l'un, et pas assez ou mal, pour l'autre, dans un paisible village du sud de la France. Ils ont fait de moi ce que je suis aujourd’hui.
     Ce billet, mais plus certainement ceux qui vont suivre, est selon moi le meilleur moyen de leur rendre hommage.
     Ce premier billet, est aussi le moyen de remercier mon hôte, qui m'a fait le grand plaisir de m'accueillir lorsque les velléités d'écriture se font faites sentir. Merci Chris. 
      Je te remercie de ne pas avoir lâché l'affaire, ta pugnacité n'est plus à prouver.  

      Milieu des années 2000 donc, moment où ma petite existence a changé radicalement, et où, après avoir obtenu quelques diplômes universitaires, dont le déballage est ici inutile, j'ai décroché le concours d'officier de police. 
       Point de départ duquel nous nous vîmes 8000, passés les tests psychotechniques environ moitié moins (une chance), quelques 600 admissibles, puis 310 à l'arrivée, concours interne et concours au choix compris. La crème de la crème ... Le meilleur de ce qui reste ("t'as raison mon con").
       L'officier, c'est la matière frappée, entre le corps des Gardiens de la Paix et celui des Commissaires de Police. Le corps mou entre le marteau et l'enclume. 

      Le droit, il n'y que cela qui m'intéressait, bercé d'histoires sordides de meurtres et les faits divers que je lisais à l'occasion. Matière frappée disais-je ...

      Droit, et plus particulièrement droit pénal, la seule chose qui me passionnait, car j'ai eu la chance 
d'aborder la discipline en première année (chose rare en France il me semble) avec un professeur qui a su me passionner. Je parle de droit pénal général pourtant, la folie de cette ironie n'aura pas échappée aux juristes. 

      De cette année, hormis le droit pénal, et me trouvant alors à mi chemin entre la Place Sainte Catherine bordelaise et l'océan atlantique, je n'ai rien retenu. J'ai en effet été brièvement expatrié dans le sud ouest, à mon grand bonheur, et, j'ai en toute logique, "queuté" avec brio (mon meilleur ami) mon année. 
         
      (Ndlr: mes textes et mes paroles sont souvent parsemées d'expressions du cru, d'emprunt, de jargon, voire d'argot local, avec citation des auteurs lorsqu'elles sont empruntées).

       Les déconvenues en droit sont arrivées plus tardivement, lorsqu'il s'est agit de potasser les finances publiques et autres réjouissances de droit civil. A Aix en Provence, grande faculté reconnue, mais qui offre plus que des cours de droit. Bref.
       Ainsi donc, diplômes en poche, je me trouvais bien con. Et oui, le droit c'est bien, mais à part ouvrir des portes ça ne sert pas à grand chose. Ouvrir des portes ? J'y viendrai.

        Pendant deux ans, j'ai donc tâté du privé, passant de multiples entretiens menant à de pénibles travaux rendant physiquement intelligent: manœuvre en B.T.P, préparateur de commandes, faiseur de cafés, chauffeur livreur. Notamment dans une belle enseigne bien connue de nos compatriotes sudistes: "Exopotamie", où tout objet dûment payé, fini au gourbis. 

        Naturellement, j'en suis donc venu au but de ce billet, via les célèbres I.E.J (Instituts d’Études Judiciaires), qui préparent autant de veaux à trop d'examens qu'autant d'étudiants à l'abattage, ou à l'abattoir, c'est selon le point de vue.
        Autant vous dire que j'étais à mon aise. J'ai vite compris que le concours de magistrat était hors de ma portée, et que définitivement, je n'étais pas destiné à devenir un de ces étudiants parvenu avocat avant l'heure dont je soupais tant. Et oui, moi aussi je bave parfois (mes amitiés à tous ceux que je connais, côtoie, rudoie ou croise et qui n'en font pas moins un métier difficile).         
         La matière pénale, m'a donc naturellement menée vers une voie que je n'avais jamais envisagé. Et pourtant, je reste convaincu du bien fondé de ce choix. Profession dont j'ignorais tout, me contentant des rares clichés entendus, et des nombreux contrôles vécus. Et oui, ceux qui connaissent mon visage et qui me liront ici savent de quoi je parle. 

        Aussi, le concours d'officier m'a semblé être le meilleur compromis, même si avec le recul l'expérience de base me paraît un atout majeur. Passons.
        Et là c'est le drame ...
        Pétri d'idéaux, à l'époque, me voilà donc en chemin pour la journée "portes toutes vertes" (elles sont marron crade en vérité) de; retenez votre souffle; "l’École Nationale Supérieure des Officiers de Police", dite ENSOP, qui n'a donc de supérieure que le nom. 
        Portes ouvertes organisées un 6 décembre. 
        Pour mémoire, l'ENSOP se situe à Cannes-Ecluses, Seine et Marne (par --> ici <--) .
    
        Notez le cliché pittoresque à droite, seul intérêt de la commune, à l'exception de sa maison de retraite de haute qualité, au sein de laquelle est (était ?) majestueusement plantée une réplique de vache grandeur nature. J'y reviendrai aussi ...

        Ca, les champs de betterave et le ravitaillement des corbeaux volant sur le dos afin de ne pas voir la misère du monde. 

        Journée porte ouvertes, un 6 décembre ... Eh ouais. Froid de gueux, brouillard insondable, juste assez pour nous faire rêver sur la qualité du mobilier formica 70's, orange et ... et ? marron. Ambiance Orange mécanique, le glauque en moins.

         Certains ont décroché et c'est bien normal. 
         La bise. 
         Un petit cliché avant. Ce jour là il faisait beau.            
         Je vous invite à faire une recherche sur le site dans Google
         images. Du #LoL en perspective.

         Ps: la maison de retraite est en face, faut suivre.

         Au sortir de cette journée, mémorable, je téléphonais à mon meilleur ami,  et lui recommandais de ne pas effacer mon numéro.
         La soirée qui s'ensuivit à Paris n'est pas raisonnablement racontable ici. 

         Un mois plus tard, c'est l'entrée en école, sur le même tempo. 
         Le choc. 
         Janvier, il caille sa mère, t'es seul, dans une chambre de 3x2m qui pue l'angoisse, et comme un con tu appelles respectivement: ta mère et ton ex. Je me rappelle avoir fait l'inverse. Le fail.

         La mise dans le bain intervenant le lendemain, pas le temps de tergiverser.
         Je suis donc officiellement, Elève Officier (fixe) pas encore de mots lisses, (repos vous pouvez fumer). 
         La belle affaire, suis donc un "bitos" (syn: bleu, débutant, lapin de 6 semaines, petit con, etc) 

 On me remet un uniforme, ainsi que les galons qui vont avec.Cette chose là -->

Franchement, c'est bandant. On dirait une corde, pour en finir les longues soirées d'hiver où le vent est glacial et qu'il pleut à l'horizontal. Ou après un lever des couleurs en tenue d'été, alors qu'il fait 2 degrés. 
Certains voulaient nous endurcir, comme dans l'armée. Sauf que ça n'a rien à voir avec l'armée. A part faire darder quelques tétons déjà trop sollicités, ils n'ont pas durci grand chose.

       A mettre en lien avec l'uniforme, ancienne version, de toute beauté : Ceci
       Poil à gratter et poutres apparentes, le cachet en moins.
       Là débutent les plus grands moments de la formation, en alternance avec les stages en situation réelle (commissariats, Police Judiciaire, Renseignements Généraux), où se mêlent sport (et oui), cours de commandement (vous visualisez le sketch de Palmade sur les canards, les dents en bois et les bras en mousse ? Ici ), école de voie publique (apprendre à marcher au "pas"), procédures administratives et judiciaires évidemment, et tir.

       J'ai rapidement compris que les séances de tir avaient plutôt lieu la nuit assez rapidement. En fait de quoi il n'y avait pas qu'un seul stand, mais plutôt des parcours d'habileté motrices, avec traverse de la cour d'honneur le matelas sur l'épaule. Les mystères de répartition des chambres à coucher sont impénétrables. Entrisme quand tu nous tiens.

       Peu adepte des virées nocturnes pour changer de bâtiment, je demeurais casanier, et ma chambre fût rapidement affublée d'un surnom que la prudence (et mon avocat) me recommandent de taire (jargon désignant les véhicules discrets de surveillance ou sous-marin) pour les nombreuses réceptions qui s'y tinrent. Par extension, ce surnom m'est resté. On aime bien les surnoms dans la boite, ça permet de dépersonnaliser ...

      Je reviens à mon propos initial, et tempère un peu le sombre tableau que je dresse, ce lieu m'ayant permis de faire de belles rencontres, d'en garder quelques solides amitiés, mais surtout d'y trouver ma compagne (sans avoir besoin de me faire choper en "flag" au milieu de la cour d'honneur) désormais mère de ma progéniture.Ce billet est aussi un peu pour eux.

      Mais tout ceci est une autre histoire.

      Dont acte appelant récidive.