mercredi 29 février 2012

Septembre 2013 -Réforme de la Procédure Pénale - acte 1

CECI EST UNE FICTION

Nous sommes le 15 Septembre 2013. François Hollande est maintenant Président de la République depuis dix-huit mois. Après avoir procédé à ses premières réformes, sur la fiscalité et, plus largement, l’économie, il s’est attaqué à une réforme profonde de la Procédure Pénale. Bien évidemment, sous la houlette de Pierre Moscovici, premier ministre, associé à André Vallini, Garde des Sceaux et Manuel Valls, Ministre de l’Intérieur.
Parmi les grandes mesures, on note l’indépendance totale du Parquet, vis-à-vis du Garde des Sceaux, réclamée par les magistrats.
La plus forte résistance est venue des syndicats policiers. Comme en ont témoignées les nombreuses manifestations hostiles au projet de loi socialiste.
Le nouveau Code de Procédure Pénale est applicable depuis le 1er Juillet. Désormais, les avocats ont accès au dossier de leur client avant tout interrogatoire sur le fond. La plus grosse surprise est venue de l’Assemblée Nationale, par le biais d’un amendement adopté en dernière lecture permettant aux avocats d’assister aux perquisitions.
Quelques semaines après la mise en place de la réforme, une équipe de journaliste est autorisée à suivre les policiers dans le cadre de plusieurs affaires.


Ce matin du 15 Septembre,  c’est une affaire de Trafic de Stupéfiants, qui arrive à son terme. Après trois mois de travail, la Police Judiciaire de Paris doit procéder au démantèlement d’un trafic de stupéfiants, au cœur du 18ème arrondissement parisien. Il est six heures du matin ; les policiers sont fin prêts. Neuf points d'interpellation sont prévus pour cette opération; deux consommateurs, trois guetteurs, deux vendeurs, et le « chef » de ce petit réseau, considéré comme un semi-grossiste. Ce ne sont pas moins de quarante policiers, qui sont mobilisés, pour cette opération.
Les policiers investissent les appartements. Les interpellations sont une réussite en demi-teinte, puisque deux objectifs manquent à l’appel. Ils n’ont vraisemblablement pas dormi à leur domicile.
Mais, pourtant, ce sont sept mesures de garde à vue, qui sont prises. En application de la nouvelle loi, aucune perquisition ne peut démarrer sans l’avocat désigné, ou commis d’office.

06h40:  les gardes à vue ont été notifiées, ainsi que les différents droits s’y afférant. La permanence du barreau est appelée, ainsi que les avocats choisis ; sept avocats sont attendus sur ce 18ème arrondissement. Les "négociations" ont été difficiles ; l'un avocat a une audience prévue à dix heures. Il faut qu’il s’organise avec son cabinet. S’il ne s’arrange pas avec ses collaborateurs, c’est un report d’audience qu’il va tenter. Enfin à partir de dix heures. A moins qu’il ne convainque un de ses collègues d’assister à la perquisition et aux auditions ! (l’organisation est complexe, pour certains avocats qui, déjà avec la réforme actuelle, ont du mal à s’adpater)
Dans le quartier, le bruit occasionné par le bélier enfonçant la porte a réveillé une partie de l’immeuble ; et la rumeur se propage telle une trainée de poudre. Un, deux, trois, dix jeunes sont désormais au bas de l’immeuble, attendant la sortie des policiers, lesquels, de leur côté, attendent toujours l’avocat. Inutile de préciser que l’accueil de l’avocat est mitigé. Il faut dire que l’attroupement au bas de l’immeuble, et les cris qui se font entendre ne sont pas très encourageants. Soit, il faut y aller, la défense du client passe avant tout, pour ce jeune avocat (la sécurité de l’avocat est une réelle problématique ; elle sera assurée, mais necessitera encore des moyens supplémentaires ; que nous n’avons pas).  Après avoir essuyé quelques quolibets (c'est un minimum), l’avocat entre dans l’immeuble, attendu, au 1er étage, par le chef du dispositif, il est:

08h30:  (le temps de se préparer, de passer quelques coups de fil, et de se rendre sur place ; les avocats n’habitent pas toujours le même  quartier de leur client…). Autant dire, également, que l’ambiance est tendue, dans l’appartement. Le gardé à vue apprécie moyennement la présence des policiers dans l’appartement de ses parents (ça, c'est habituel; mais plus longtemps on reste, et plus la tension monte)
Bref, l’avocat est là ; la perquisition peut commencer. Rapidement, les policiers mettent la main sur le jeu de clés de l’occupant des lieux. Sur le trousseau, bien sur, les clés de l’appartement, mais aussi de la voiture de l’interpellé et la clé d’une cave. Trois policiers descendent au sous-sol, essayant la clé sur toutes les serrures de caves. C’est au bout de la douzième tentative que les policiers trouvent la bonne serrure. Seul problème, elle est au sol, devant une porte ouverte. Immédiatement, le directeur d’enquête arrive sur place, en compagnie du gardé à vue et de son avocat. Tous ne peuvent que constater que la cave est vide. (zut !  L’était-elle avant ? Le fait de perdre du temps peut vouloir dire "disparition d’éléments matériels")
Tous ce petit monde, une fois les perquisitions terminées, sort de l’immeuble. Tant bien que mal, faut-il dire, puisque de nombreux jeunes sont au bas de l’immeuble, tous cagoulés. Des effectifs départementaux ont été appelés, pour procéder au désencerclement des policiers dans l’immeuble. Les gaz lacrymogènes envahissent l’atmosphère. Finalement, les policiers sortent. Avec l’avocat, bien sûr (quoique tentés de le laisser sur place… suivez mon regard...). Les policiers courent à leur véhicule, protégeant le gardé à vue. L’avocat court, lui aussi, pour rejoindre son véhicule. Mais ce dernier est bloqué… (eh oui, étant un peu en retard, il s’est mal stationné…. Pas de c hance, hein lol)


11h30: Les policiers arrivent au service. L’avocat également, malgré sa petite mésaventure. Il se souviendra longtemps de cette matinée de permanence. Désormais au service, et avant tout interrogatoire, il doit avoir accès aux pièces de procédure incriminant son client.
Il arrive dans le bureau du chef de groupe. Sur le bureau, les actes d’enquête ; pas moins de six cent feuillets. L’enquête en cours, l’exemplaire original, bien sur. Les feuillets ont été annotés, pour éviter toute contestation de la défense (comment peut-on juger des pièces qui doivent être données ? qui va le faire ? le magistrat ? l’enquêteur ?). Le défenseur retourne dans le bureau qui lui est alloué.
Bien évidemment, ce même dossier a été photocopié six fois, une fois pour chaque avocat. Il y a là toutes les écoutes de l’affaire (une douzaine), les surveillances, les recherches, etc… Certains services sont plus évolués que d’autres. On a dématérialisé la procédure, et c’est sur un site internet sécurisé que l’avocat consulte la procédure avec, pour preuve de cette consultation, une signature électronique. Ce service de police judiciaire est en avance, technologiquement; il fait partie des trois services en phase de "teste". Il dispose de trois ordinateurs dédiés aux avocats.  (ça, bien sur, c’est au pays des Bisounours, où l’argent tombe à flots… ce qui ne semble pas être dans l’ère du temps)
Les trois premiers avocats ont fini de lire la procédure ( eh oui, six cent feuillets, faut les avaler, quand-même), il est:

15:00: Entre temps, les  gardé à vue ont été conduits à l’Unité Médico Judiciaire locale, où le médecin a rédigé un certificat médical de compatibilité de la garde à vue pour chacun d’entre eux. (par ailleurs, j’essaie de voir le bon côté des choses, pendant que les avocats étaient à lire la procédure, les policiers ont eu le temps de se restaurer; d'habitude, c'est sandwich pour tout le monde... les bons jours)

16:00: les premiers entretiens se finissent. Place aux premières auditions (de fait, il a désormais connaissance de la majeure partie des éléments du dossier). Sans surprise, les déclarations sont claires : bien évidemment, le box ne contenait rien, il est vide depuis plusieurs mois. Mr Chichon s’est mis à vendre de la drogue (il n'a pas le choix, l'avocat lui a bien fait comprendre, en toute honnêteté, que les éléments du dossiers caractérisaient suffisamment l'infraction) la veille du début de l’enquête. Il n’a strictement rien gagné, puisque les policiers n’ont rien trouvé au domicile. La belle voiture qu’il conduit n’est pas à lui, c’est une location. Les autres individus dans le dossier ? Des potes de l’immeuble. Mais il ne sait rien, les concernant (ça, à la limite, c'est habituel).

19:00: les trois premières auditions sont terminées. Les enquêteurs poursuivent avec les autres auditions. Autres mis en cause, autres avocats... mais les déclarations sont sensiblement les mêmes.

22h00: tous les mis en cause ont été entendus une fois. Le chef de groupe de la Brigade des Stups peut désormais faire son compte rendu au magistrat mandant. Les auditions sont sans surprise; la marchandise n'a pas été retrouvée. Tout juste quelques centaines d'euro ont été saisies. Deux des objectifs sont absents.

23h00: les fonctionnaires de police travaillent déjà depuis 16 heures, maintenant (ça aussi, c'est assez habituel, déjà maintenant, sur une affaire de ce type). En plus des auditions, il faut rédiger tous les actes de la journée: les interpellations, les perquisitions, les différents avis, en relation avec les droits des gardés à vue, amorcer des recherches pour les objectifs manquants.

23h20: le magistrat vient de prolonger les garde à vue. Il faut désormais le notifier à chacun. Avec les droits qui vont avec. On rappelle les avocats, les médecins; les garde à vue sont prolongées à partir de 06h15; les mis en cause seront "visibles" au service à compter de 08h30.

00h45: les prolongations sont notifiées, les différents avis sont finis et le tout est "acté" (signifie que les procès-verbaux sont rédigés. Les policiers rentrent chez eux.


2ème jour: 

08h00: les policiers arrivent, les uns après les autres. Les premiers avocats devraient arriver dans la demi-heure. Le temps, pour les policiers, de faire une mise au point de l'enquête. Certains d'entre eux sont d'ailleurs affectés à la recherche de ceux qui n'ont pas été interpellés la veille.

08h30: arrivée des premiers avocats. Comme il se doit, on leur donne accès aux derniers éléments de l'enquête. A savoir toutes les auditions réalisées la veille.

10h00: les avocats peuvent s'entretenir avec leurs clients dans le cadre de la prolongation de garde à vue.

11h00: les premières auditions peuvent commencer. Finalement, il ne reste que peu de questions (dans la mesure où, dès le début, on donne connaissance des éléments de procédure, autant y aller d'un bloc, poser toutes les questions)


16h30: toutes les auditions sont terminées. Aucune avancée significative dans la recherche des "absents". On appelle le magistrat. Fin de garde à vue pour tout le monde. La majeure partie des mis en cause sont déférés le lendemain matin; le temps de "monter" la procédure (faire les photocopies, numéroter les feuillets, notifier les fin de garde à vue...)

MON ANALYSE: 

J’espère, de par ce premier exemple, avoir été le plus objectif possible...
Avant tout, comme les mesures de garde à vue viennent de se terminer, on constate qu'elles ont durées bien moins longtemps (une garde à vue, pour un trafic de stupéfiants, peut durer, prolongations incluses, jusqu'à 96 heures). J'ai pris le parti de faire "au plus simple" (on aurait pu imaginer qu'un "échappé" soit finalement interpellé; de fait, elles auraient été, une nouvelle fois, prolongées).
Elles durent moins longtemps, puisque, dès le début, il y aurait beaucoup moins de questions à poser. Avec le régime actuel, on peut jauger de la bonne ou mauvaise foi des déclarations. Une fois que l'avocat aura mis le nez dans la procédure, il aura tous les éléments; ainsi que son client. Donc, plus aucune manière de savoir si, en face, on nous dit la vérité ou  non. L'histoire sera brodée autour des éléments. Tout ce qui n'est pas déjà dans la procédure n'y sera jamais. Et parfois, il faut le dire, ça aide; tout n'est pas noir ou blanc, dans une procédure. Mais j’expliciterai ce point de vue dans le cadre d'un autre récit.
J'ajoute que, dans notre système, le fait de mentir à des officiers de police ne constitue en rien une infraction. Même preuve à l'appui. De sorte, mentir est le sport national, dans les commissariats.

Je précise, pour ceux qui le croiraient, que je ne met absolument en doute la probité de l'avocat; je pars du principe qu'il fait son job, comme le policier en face; il aura les éléments de procédure, puis s'entretiendra avec son client... que va-t-il lui dire? Qu'est-ce que son client lui demandera?

Même si la garde à vue, en elle-même, pourrait être, en l’espèce, plus courte, on constate quand-même que l'on perd énormément de temps; les journées sont encore plus denses qu'elles ne le sont. On voit dans cet exemple que les auditions commencent à peine après dix heures de garde à vue; et je n'exagère pas! Certes, en partie, ce temps d'attente est "compensé"; pendant que l'avocat lit la procédure, on fait autre chose avec le gardé à vue (un examen médical, par exemple). Mais, il faut bien comprendre que l'exemple que j'ai cité est celui d'un service de Police Judiciaire "riche", qui a des moyens, surtout humains. Rendez-vous compte, le nombre de procès-verbaux donnés en lecture aux avocats, s'ils sont plusieurs... imaginez l’infrastructure; où cette lecture se fait-elle? Dans certains services de police, les policiers sont entassés dans les bureaux! Et on ne va pas donner la procédure à lire, comme ça, dans les couloirs d'un service!!!!

Ensuite, un autre "problème" qui n'en est, pour moitié, pas un: certaines personnes vont être placées en garde à vue pour un rôle "mineur"; on ne garde pas forcément en garde à vue un guetteur et l'organisateur d'un trafic de stupéfiants autant de temps; donc, le guetteur qui pouvait être libéré après trois ou quatre heures de garde à vue, au bout d'une ou deux auditions, restera bien plus longtemps. Puisqu'on perd du temps avec la "forme" et les "droits". Soit!
Enfin, et j'en finirai pas là pour cet exemple, bien souvent, un dossier n'est "parfaitement connu" que par une poignée d'enquêteurs (en général, plusieurs dossiers sont suivis de front; chacun les siens). Donc, à eux toutes les auditions (ou presque). Exemple vécu il y a deux ans: une procédure où 32 personnes ont été interpellés en même temps, et placées en garde à vue à peu près en même temps. Au final, moins de 10 enquêteurs connaissaient les tenants et les aboutissants du dossier; et c'était déjà très complexe. Mais, ce genre de "ramassage", me parait impossible aujourd'hui. Et encore plus après une telle réforme
Plus on complexifie la procédure, plus on perd de temps, moins est efficaces.

ACTE 1 - FIN

vendredi 17 février 2012

"L'assaut", réalisé par Julien Leclercq

N'étant que peu inspiré par les programmes du soir, je me suis laissé tenter par le film "l'Assaut". Pour rappel, il s'agit de la reconstitution de la prise d'otage du vol Air France, devant relier Alger à Paris, en 1994. Vol qui, d'ailleurs, s'arrêtera finalement à Marseille, après plusieurs heures de négociation.
J'avoue ne pas être un fan des films du genre. Et pourtant, ce fait tragique, qui remonte maintenant à plus de 15 ans, est un de ceux qui ont forgé les lettres de noblesses des forces d'interventions françaises, telles que le GIGN (pour la Gendarmerie), ou encore le RAID pour la Police.
Me voilà donc devant ce film avec, à ma droite, mon portable. Quelques tweets par-ci par là, une partie de poker, et le film en face. Rapidement, la partie de poker s'est terminée. Précisions pour les amateurs, j'ai donné des sous à un inconnu qui n'a pas compris que je fasse tapis avec 7-2 dépareillés.
Bref, ne restait plus que ma Tweet-Line et le film. Et, rapidement, je me suis retrouvé happé dans ce film. Certes, on en connais tous la fin. Mais, justement, l'effet n'a pas été celui escompté. Parce que, justement, si l'on connait la fin, on se demande rapidement ce qu'il peut se passer dans la tête des familles. Et, pour une fois, je me suis retrouvé de l'autre coté.
A quoi pense la femme de ce gendarme, qui est sur le point de partir, alors même qu'elle sait très exactement où il va aller? Oh, certainement que dans la réalité, elle ne le sait pas; en tous les cas, pas tout de suite.
Et, peu à peu, on glisse dans la peau des gendarmes. On voit, peu à peu, la mise en place de l'intervention. L'entrainement dans un avion similaire. Les moyens qui se mettent en place. La diplomatie qui fait son travail.
On arrive alors au moment "ultime": l'assaut. Celui qu'on attend depuis un peu moins d'une heure.
A cet instant, j'ai en tête l'une ou l'autre image de l'époque. Le premier gendarme, qui tente d'ouvrir la porte, suspendu à l'avion. Ou encore l'un des pilotes qui saute par la fenêtre de son cockpit.

C'est parti, le commando de gendarmes entre. Les deux premiers ravisseurs sont rapidement éliminés. Il en reste deux autres. Et là, un gendarme est atteint. De plusieurs balles. Il est au sol; vivant, mais ne peut se relever. Et ses compagnons sont dans l'incapacité, eux, de l'extraire. Les balles fusent de partout. Dans tous les sens. Les passagers sortent par l'arrière, les uns après les autres. Au milieu des balles. Une grenade est lancée par les preneurs d'otage; à quelques centimètres du gendarme, qui arrive, tant bien que mal à se retourner, pour éviter qu'elle ne lui explose au visage. Un autre gendarme arrive par l'avant. Il prend une balle, rapidement, devant les pellicules (eh oui, il y en avait encore, en 1994) des caméras, en direct. Un membre des forces de l'ordre se couche alors au sol, ayant dans l'idée d'être peu accessible pour les tireurs d'en face, puisque peu visible. Mais, de son coté, ce n'est pas mieux. L'angle de tir est étroit. Le troisième preneur d'otage est éliminé par un tireur d'élite, sur les toits du hangar de l'aéroport. Il en reste toujours un. Finalement, le blessé est extrait, en piteux état. Et les autres gendarmes avancent.... mètre après mètre.... malgré les tirs.... ça continue toujours... dans les deux sens. On voit, en direct à la télévision, de la fumée, qui provient des grenades lâchées par les preneurs d'otage. Le dernier est alors abattu. Finalement. Ouf.
La scène a durée plusieurs minutes... d'une telle intensité.... d'un tel réalisme.... haletant.... j'en ai eu des frissons...
Un grand bravo au réalisateur, Julien Leclercq.
Je crois savoir que, sous les cagoules, ce sont de vrais membres du GIGN, qui ont joué la scène.
Bravo à eux. Cela ne donne que plus de crédibilité à l'assaut.
Et à leur métier. De vrais professionnels.

Pour ceux que ça intéresse, je vous renvoie vers le site non officiel du GIGN ou encore celui de la FIPN, la Force d'Intervention de la  Police Nationale, qui regroupe le RAID, la BRI (de la Préfecture de Police de Paris) et le GIPN.




vendredi 3 février 2012

« Tu n’es qu’un sale voyou »


Ces paroles sont les miennes. Je le reconnais. Et je les ai prononcées au cours de l’audition d’un gardé à vue, il y a quelques mois, et en haussant (c’est un euphémisme) le ton. Et, j’avoue, je ne lui ai pas dit que cela !  
« Rien d’étonnant », me diront certains. La fameuse « pression psychologique », diront d’autres, pensant aux bienfaits de la réforme de la garde à vue, qui laisse place, désormais, à l’avocat au cours de l’audition. Si vous voulez.

Et pourtant, j’ai prononcé ces paroles en présence d’un avocat. Qui, entre nous, n’a rien dit, et n’a pas fait d’observations à l’issue de l’audition. Commis d’office ou débutant, me direz-vous ? Eh bien non. C’était un avocat choisi.  Là encore, certains diront qu’il n’a pas fait son travail, pas protégé son client. Je pense plutôt qu’il n’avait aucun intérêt à envenimer la situation. J’ai dit ce que j’avais à dire, exprimé le fond de ma pensée, et on est passé à autre chose. De manière toute à fait normale, reprenant le cours de l’audition, sur un ton tout à fait neutre.  
J’ai omis de donner un détail. La personne que j’avais en face de moi, cet homme, que j’avais placé en garde à vue quelques heures auparavant, c’était un fonctionnaire de Police. Vous avez bien lu. Je vous fais état de sa fonction officielle, telle qu’elle figure dans ses déclarations; je n’irai pas jusqu’à l’appeler « col… ». Ce n’en est pas un. Entre, pour moi, dans la définition du mot "collègue", la personne qui a la même profession, et en qui je peux me reconnaitre, avec qui j’ai des valeurs professionnelles communes. Avec lequel j’ai un objectif commun, celui qui rassemble notre corporation, la sécurité pour tous. Ce gardé à vue ne faisait pas, selon moi,  partie de cette catégorie, contrairement à ce qu’il a bien tenté de me faire croire.

Et pourtant, non, je ne fais pas partie de l’Inspection Générale de la Police Nationale (l’IGPN), ni de l’Inspection Générale des Services (l’IGS). Pas de « bœufs-carottes » dans les parages. Et c’est la première fois, en dix ans de fonction d’OPJ, que cela m’arrivait. Et j’en étais, par certains égards, gêné ; en tous les cas, avant la notification de la mesure. Certes, cet homme n’était pas en fonction, au moment des faits reprochés. Il était « entre deux », dirai-je (certainement ce qui a fait que l'IGS ou l'IGPN n'aient pas été directement saisis). Tout aurait pu, pour lui, à l’époque de cette garde à vue, se passer rapidement. Il y avait des éléments, dans notre procédure; ce gardé à vue aurait pu reconnaitre, à minima, ce qui était démontré par les procès-verbaux, avec les suites éventuelles que la justice aurait données… Peut-être aurait-il minimisé l’importance des faits, expliqué les faits pour X ou Y raison (qui m’échappent). Mais non. Il a nié l’évidence, louvoyant entre les questions, s'adaptant à ce qu'il entendait. Et ce malgré deux confrontations avec d’autres gardés à vue qui le mettaient en cause (confirmant les éléments en procédure).
Bref, cet homme ne faisait pas honneur à la profession qui est la mienne. Effectivement, le fait que je sois titulaire du même concours que cet homme m’exaspérait. Oh, longtemps je n’ai rien dit. Après tout, ce n’est pas la première, certainement pas la dernière fois qu’un gardé à vue nie l’évidence, ment de façon éhontée. Le mensonge me parait un comportement tout à fait prévisible d’un voyou. J’irai même jusqu’à dire que ça fait partie du  « jeu ». Admettons. Mais ce n’est pas l’attitude que l’on peut attendre d’un homme qui se prétend au service du public, policier.

Pourtant,  ce n’est pas les réponses au fond, qui me dérangeaient, mais plutôt cette espèce d’arrogance, de suffisance, qui se dégageaient de cet individu.
Qu’est-ce qui a fait que je me suis « emballé », si l’on peut dire ? Une provocation ? Peut-être. Certainement n’aurai-je pas dû y répondre et faire preuve de sang-froid. Et pourtant, je n’ai pas la sensation d’en avoir manqué.
Et cet homme, avouant de lui-même que les deux mille euro qu’il pouvait gagner, n’étaient finalement rien qu’une espèce d’argent de poche (ce qui était vrai), m’exécrait. Par cette attitude, il dévalorisait le métier, mettant au même niveau un salaire mérité et un profit. Certes, il ne cherchait pas, en entrant dans la police, le profit… en tous les cas, pas au moyen d’un salaire, mais plutôt celui qu’il aurait connu par le biais de sa fonction, ses connaissances et/ou accès. En tous les cas, bien plus que les quelques centaines d'euro que l’administration lui versait tous les mois.

Est-ce que ma réaction a changée quoi que ce soit, dans ses déclarations ? Non ; et ce n’était pas le but recherché; je n'attendais rien sur le fond; en fait, rien sur la forme non plus. D’une manière générale, de par cette réaction, durant deux ou trois minutes, j’ai juste défendu les valeurs qui sont les miennes et celles de tous les policiers, gendarmes, de France et de Navarre, pour lesquels la protection des personnes et des biens demeure la priorité. Je ne vais pas réciter le code de déontologie. Mais pourtant, intégrité, dignité, et impartialité sont des mots qui me parlent.

Les policiers, d’une manière générale, sont confrontés à des situations professionnelles tellement imprévisibles, tellement nombreuses, au cours desquelles, ils prennent beaucoup de risques…. Des situations au cours desquelles on peut, pour telle ou telle raison, faire une erreur, perdre son sang-froid, avoir un mauvais réflexe, et ce en un dixième de seconde…  

Tout ça pour dire que ces policiers qui prennent des risques tous les jours, peuvent, en une fraction de seconde, se retrouver dans le collimateur de la justice, au même titre que cet homme qui aurait pu profiter de sa fonction à des fins personnelles.
Et, personnellement, je fais la distinction entre ces deux catégories de personnes.

Comme la majorité des policiers, je ne suis pas « fan » de l’IGS ou de l’IGPN. Cette mesure de garde à vue, hors saisine des instances disciplinaires, était nécessaire, dans le cadre d'une affaire dont nous avions été saisis. Quand bien même il ne s'agissait pas de meurtre, pas de viol, ou d'une infraction aussi grave... son attitude n'avait rien à voir avec celle d'un policier. Et c'est l'image de toute une profession, qu'il mettait à mal. 
La Justice et l’administration ont dû s’occuper de cet individu. En tous les cas, je l’espère.