dimanche 1 juin 2014

412 jours plus tard

Il y a 412 jours, je postais mon premier billet ici-même, chez Chris.
Je le remercie encore une fois de m'avoir ouvert ses portes.

Mais aujourd'hui, c'est une nouvelle aventure qui commence, en d'autres lieux, sous d'autres appellations.
A ma demande, je dois le reconnaître - car après tout ce blog est sa création - et que je ne m'y sentais pas totalement chez moi. Alors même que l'accueil était chaleureux.

Nous sommes donc repartis de zéro, ensemble bien évidemment, mais après avoir fait appel à des renforts que vous connaissez déjà un peu. Je n'ai pas eu cette idée tout seul vous vous en doutez, je remercie ici les personnes qui ont permis à cette idée de germer et d'éclore, notamment Dimitri, pour qui les évidences sonnent avant qu'elles ne se manifestent dans nos cerveaux de gallinacés (le copyright pour la perle de ma bio lui revient d'ailleurs).
Pour vous donner une approche pluridisciplinaire de notre fonction, ce sont donc un gendarme et un douanier qui viennent se joindre à nous. Autant de parcours que de métiers différents, de styles divers, de marottes, et de prismes divers.

C'est donc les bien belles plumes de @M_I_K_40 et - la non moins technique - de @hpiedcoq qui viennent grossir les rangs aujourd'hui. Les quatre mousquetaires, mais nous n'avons pas encore déterminé qui avait à jouer le rôle du grassouillet. Ou les quatre filles du Docteur en marche.
Merci à eux de rejoindre cette aventure que j'espère longue et riche de rebondissements, de rencontres et d'échanges, d'humour ou de sérieux, et ... D'invités.

Car évidemment, comme pour un mariage (en fait quatre mariages sans enterrement), les portes sont ouvertes aux acteurs du monde judiciaire qui souhaiteraient donner aux lecteurs une vision complète de cet univers que le quidam ne connait que trop peu.

PJ en capitales n'est pas mort, longue vie à http://15cpp.fr

A bientôt de vous croiser au détour de nos futures lignes.

                                                                                                                                         Flam

vendredi 16 mai 2014

De la justice ordinaire... quotidienne

Parfois, bien involontairement, les acteurs de la sécurité ou de la justice que nous sommes, se retrouvent "de l'autre coté". Finalement, comme tout le monde. Et c'est très sain et salutaire, en fait!

Les faits

Il est douze heures et cinquante minutes. C'est la pause déjeuner, et je décide, ce jour-là, d'aller me promener dans le centre-ville, en faisant un petit détour en bord de mer. Je finis par me retrouver dans un fast-food. Je prends ma commande, m'assois pour manger. J'écoute de la musique, sur mon smartphone. Mon cadeau de départ des anciens collègues, en métropole, il y a dix-huit mois. Je parcours la playlist, le téléphone posé à même la table ...

Et là, en moins de deux secondes, je vois ce jeune homme, qui prend mon portable, sur la table, et part en courant. Premier réflexe ... Je cours après ... Je descends l'escalier en colimaçon, je le vois à quelques mètres ... Il sort du centre commercial, prend à gauche ... Les badauds, qui voient ça ... Et bien, ils regardent ... Bref.
Et là, une pensée: ma sacoche, avec tous mes papiers, mon portefeuille ... Elle est au pied de la table ! C'est souvent un stratagème des voleurs ... Obliger la future "victime" à partir pour prendre "plus gros". Zut ... Il faut faire un choix ... Tant pis ! Dans la Police Nationale, le fait de perdre, de quelque manière qu'il soit, sa carte de Police, est synonyme de blâme. Et puis la carte bleue, etc ... Je m'arrête, et retourne rapidement à la table: tout est encore là. Je suis si énervé. Je m'en veux ... J'ai fait preuve de négligence ! Je n'avais jamais eu de sentiment d'insécurité, au centre-ville. Mais là, je prends une claque, en fait !

Je l'avoue ... Je suis, depuis plusieurs années, dans des services de police judiciaire où je traite des affaires d'une certaine importance. Je parle souvent en dizaine de milliers d'euros, voire plus. Que cela soit en terme de préjudices, ou encore de "valeur de marchandise".

Rapidement, j'appelle mon opérateur, et je fais bloquer la puce ... La puce, oui. Mais pas le téléphone. Et comme j'étais si peu méfiant, je n'ai même pas un code Pin sur le téléphone. Oui, j'ai fait preuve de négligence. Encore une fois.

Je me décide à déposer plainte. Je vais au commissariat, suis reçu au service de quart. On prend ma plainte. Je passe même par le fichier Canonge. Une collègue me montre huit cent clichés photographiques susceptibles de correspondre à l'individu recherché. J'ai toujours été sceptique devant ce genre de "présentation". Mais bon. Je me plie à la règle. J'estime que, lorsque l'on est "en demande", on n'a pas à la ramener. Je fais donc ce qu'on me dit. Comme tout le monde.

Je repars avec ma plainte. Et là ... Plus rien ! Bon, en même temps, ça prend du temps, pour effectuer les recherches. Les opérateurs en téléphone peuvent parfois mettre du temps à répondre ... Les caméras à exploiter. Bref. Je laisse faire le service enquêteur. Je ne les sollicite plus, rien. Je les laisse travailler.

Le portable étant pour moi une nécessité tant professionnelle que personnelle, je me rachète un téléphone portable. J'ai prévu de le payer en trois fois. Un smartphone, ce n'est pas donné ! Et encore moins aux Antilles. A ce jour, je n'ai pas fini de le payer, mon téléphone "made in China".



 Et maintenant?

Aujourd'hui, 14h30. Je reçois un appel du commissariat. L'auteur des faits a été interpellé - super - me dis-je !  Et il a reconnu les faits, en disant que ça l'avait pris "comme ça". Il aurait revendu le téléphone pour trente euros, à un de ses copains, lequel, à son tour l'aurait jeté. Soit. Le parquet est avisé. La décision "Rappel à la loi".
Oui ... Ok ... Et ? Et ?

Et ... Ben rien ! C'est tout.
Je raccroche ... Estomaqué. Je n'avais pourtant pas tendu l'autre joue ! Je suis scié.

Qu'on ne se méprenne pas ! La décision de "rappel à la loi" ne me regarde absolument pas ! Le Parquet est seul maître à bord. Gère la criminalité locale. Et puis ... Soyons sérieux. Il s'agit d'un collégien, inconnu à ce jour ... On ne va pas non plus l'envoyer deux ans en prison. Donc soit. J'imagine que le magistrat, suivant le compte-rendu qui lui a été fait, estime que le gamin a compris la leçon. Aucune difficulté.

Mais ... A quel moment pense-t-on à la victime, en fait ? En quoi, par cette décision, on parle de justice ? A quel moment imagine-t-on que le préjudice a été "réparé" ? N'est-ce pas, aussi, un peu le but de la justice, que de réparer, autant que faire se peut, une "injustice" ?
Cette décision me fait penser que notre système actuel s'en fiche un peu, en fait ! Il gère "comme il peut" la criminalité. L'autre coté, en fait ... Ce n'est pas très important !
En tous les cas, c'est ce que j'entends...

J'insiste encore une fois ... Je ne veux pas, par ce billet, "baver", ou "critiquer pour critiquer"... J'essaye d'être constructif, et profite d'être "de l'autre coté"... 

J'entends aussi certains d'entre vous, magistrats, qui me parlent des moyens, des délégués du procureur débordés, qui convoquent, à ce jour, quatre mois plus tard ... Oui. J'entends ... Et donc ?
Je ne peux me satisfaire de cette réponse. Les moyens.

Ça m'arrive à moi. Mais ça arrive à des milliers de personnes, tous les jours ! 

Alors oui, je sais, je dispose de recours ... Mais quelle énergie vais-je perdre, encore, pour quelle certitude ? Quel coût ? Cette lourdeur ne sert qu'à décourager les plaignants ... 

Quand bien même, il s'agit- là d'une décision d'un magistrat, c'est tout un système qui est en faute ! 
C'est bien du législateur, dont il s'agit. Celui-là même qui entend, régulièrement, parler des droits de la défense ...
Ne peut-on pas envisager un seuil minimum de droits, pour les victimes, qui consiste en un principe de  systématisation de l'indemnisation, dans ces cas-là ? Enfin au moins dans une certaine mesure ! C'est, me semble-t-il, le début de tout système qui se veut "juste"! Un auteur est interpellé, avoue son forfait ... La première des choses est, dans le cas d'une infraction matérielle d'indemniser la victime, à hauteur du préjudice subi ! Au moins dans une certaine mesure pour des très gros montants ! 
Je me mets à la place d'un parent dont l'enfant a "volé"... De moi-même, je prends contact avec la victime, s'il le faut par la biais des autorités, pour l'indemniser ... Je m'égare, là ... On parle d'éducation. 

Moi, je parle justice ... Et, en l'espèce, la justice est absente.

dimanche 4 mai 2014

La maison fantôme


Une fois n'est pas coutume. Après avoir accueilli, avec plaisir, un douanier, en la personne de @hpiedcoq, (vous pouvez retrouver son billet par ici ) c'est, cette fois-ici, un gendarme que nous accueillons.
Nous n'avons pas le même uniforme, mais le même métier, que nous exerçons de manière différente.
Bienvenue, donc, @M_I_K_40  



La femme saigne de partout. Je n'arrive même pas à voir où elle est blessée. Je tremble plus qu'elle, j'essaie de lui porter secours mais je ne sais même pas par où commencer. Je regarde ma montre. Une heure et demi du matin.
J'attrape une veste dans la bagnole et je la couvre. Elle pleure, elle est apeurée, entre deux sanglots elle me dit d'une voix tremblante qu'il a "pété un plomb". Son jean est souillé de sang. Le liquide a foncé au contact du tissu. Son chemisier fin de couleur pale est arraché en partie. Son visage est éprouvé, les rides marquées.

Elle semble figée, comme prisonnière encore de ce qu'elle vient de vivre. Je ne la connais pas, mais je peux lire dans ses yeux toute l'angoisse qu'elle ressent.

Je n'arrive pas à comprendre la situation, ses explications sont confuses, certes il ne faut pas s'appeler Colombo pour arriver à déterminer qu'elle a été molestée mais le choc la rend incohérente. Elle me parle de couteau, puis de fusil.

Encore un fusil !

Ce mot fait raisonner en moi le souvenir amer de l'intervention précédente. A une rue d'ici, quinze minutes plus tôt sur les lieux d'une fusillade. Connerie de débutant, fatigue après déjà 12 heures de service ou stress je n'en sais rien... Toujours est il que je me suis lancé à la poursuite d'un gars en laissant un fusil à pompe dans la bagnole de patrouille restée ouverte .
Le moniteur d'Intervention du PSIG n'a pas eu à gueuler, son regard glacial a suffit à me faire comprendre mon erreur. Et puis le téléphone a sonné de nouveau. C'était le CORG (centre d'opérations et de renseignements de la gendarmerie) "transporte toi rue X pour un différend familial" , tu parles d'un différend ... Je suis dans un film d'horreur face à une femme dont même les larmes qui coulent sur ses joues ont la couleur du sang.

Je prends sur moi, la victime prime. Et puis je n'ai pas le choix. Mon erreur de l'intervention précédente m'a relégué en dernière division. Sanction irrévocable, prends ton flambeau et casse toi, les paroles du MIP raisonnent encore dans ma tête "MIK prends en charge la victime, on va taper le gars !".


Je souffle, je tente de reprendre mes esprits. J'entends le deux- tons des pompiers. Il faut que je sache les guider au moins un minimum. Elle a le nez cassé c'est une certitude, sans doute un coup de crosse de fusil. Des traces de griffures et des ecchymoses sur tout le cou jusqu'au buste. J'inspecte son chemisier en réalité il n'est pas déchiré, il est lacéré. Son bourreau a du jouer du couteau !

Elle est à bout de force, mais elle commence à s'apaiser. Son stress retombe petit à petit, elle parvient à s'exprimer clairement "j'ai les vertèbres pétées !". Bon sang comment peut on savoir qu'on a les vertèbres pétées ? Que s'est il passé dans cette baraque ?

"T'as pas une clope ?". Bordel, comment peut on penser à sa dose de nicotine alors qu'on a les vertèbres en vrac et le nez pété ?

C'est pas possible, je suis entrain de vivre un mauvais polar ! Je ne sais même pas si je peux la laisser fumer. J'ôte mes gants j'attrape mon paquet et porte une clope directement à sa bouche d'une main tremblante. Le vent froid me hérisse la nuque, il s'engouffre au niveau de l'encolure de ma polaire et me glace le sang. Je ne sais même plus si j'ai froid ou si je suis juste sous le coup de l'émotion. J'allume le briquet, la flamme est vive et la fait réagir comme si elle venait de subir un électrochoc. Le bruit de la roulette du briquet provoque un tressaillement.

Recroquevillée sur elle même, elle ose enfin lever la tête et me regarder. Elle saisi mes mains pour cacher le vent, ses mains tremblent, ses yeux s'illuminent enfin à la lueur de la flamme. Dans d'autres circonstances j'aurais peut-être fondu en larmes. Mais là, les pensées s’efforcent de contrôler l'empathie, et de rester professionnelles : je m'inquiète surtout de tout le sang qu'elle vient de me coller à même la peau.

Une grande taffe libératrice, et la bouffée de nicotine vient de lui faire prendre conscience qu'elle est en sécurité. J'essaye de trouver les mots, j'essaye de la réconforter, moi gamin de 19 ans qui pourrait être son fils !

Soudain le gendarme mobile qui était rentré en premier dans la maison ressort en pressant le pas. Il se précipite vers une haie et vomit ses tripes. Que lui arrive-t-il ? Visage horrifié, il me regarde et me fait signe d'un coup de tête de prendre sa place.


Je le laisse avec la victime et je me dirige vers la maison. Je chausse mon arme, je marche prudemment sur le trottoir le long du mur, je pénètre dans la baraque. Le MIP, mitraillette épaulée tient en respect  un homme qui est couvert de sang, pendant qu'un autre camarade lui passe les menottes. Le gars est calme, il dit juste qu'il veut récupérer ses dents. Je ne comprends pas mais soudain je prends conscience de mon environnement, une odeur de fer m'envahit les sinus, ma gorge se serre, mon estomac se noue, les murs sont couverts de sang. Cette tapisserie à fleurs vieillotte est méconnaissable. Le sang à la fois translucide, sombre et épais luit sur les murs. Des bouteilles d'alcool brisées jonchent le sol. Des meubles en bois d'une autre époque ne font que rajouter de la lourdeur à la pièce  qui me donne le sentiment d'étouffer.

Je comprends mieux pourquoi mon camarade a dégueulé, je n'ai jamais vu ça ! Je prends en charge le gars, il est petit, la quarantaine rongée par l'alcool, il a la carte des vins imprimée sur la gueule. Il veut récupérer ses couronnes qui sont passées dans le siphon du lavabo de la salle de bain. On commence à éclaircir la situation, monsieur a foutu sur la tronche à madame et a commencé à jouer du couteau. Madame a appelé son père au secours qui a débarqué avec un fusil. Le gendre a réussi à le désarmer et a continué à déverser sa haine à coup de crosse. Dans la lutte il a quand même perdu deux chicos, moindre mal, il veut quand même les récupérer parce que "ce sont des couronnes et ça coûte une burne".

La scène devient cocasse, on vient de l'interpeller et il nous demande maintenant s'il peut récupérer une clef à molette dans le garage pour démonter le siphon.

Au fond du couloir j'aperçois une porte légèrement entrebâillée. Je la pousse et trouve une chambre nickel, un grand lit en chêne recouvert d'un vieux plaid se trouve au centre de la chambre. Mon alcoolo à la main lourde lâche un "laissez, y'a la vieille qui dort". Sa mère. Elle a 92 ans. Je m'approche doucement. Cette dame au visage angélique dort paisiblement, elle est couchée en position fœtale, son souffle est long et apaisé.

Les gendarmes locaux ont désormais une fusillade a régler et une rue plus loin un différend conjugal qui s'est transformé en drame. La nuit va être courte... Je fais mes premiers pas dans la gendarmerie et je viens de prendre une grande claque. Cette nuit là, à mon retour de patrouille je ne trouverai pas le sommeil.

par  @M_I_K_40

dimanche 27 avril 2014

Dans l'oeil du cyclone...

Que ces jours sont difficiles...

Voilà plusieurs années que je "traîne" mes guêtres sur le "oueb", maintenant en 2.0. Forums, blog, Twitter, Facebook... je n'ai toujours eu à l'esprit que de détourner un peu les regards lancés vers le flic "verbalisateur", (et néanmoins nécessaire), et son coté péjoratif, pour expliquer que le rôle de la police était avant tout de défendre. Qu'il y avait, au sein de cette institution, des hommes, des femmes, qui passaient beaucoup de temps à œuvrer pour le bien public, au travers des enquêtes qu'ils conduisent... pour les victimes, et plus largement, la justice.
Et lorsque je dis "passer du temps", c'est bien souvent un euphémisme. Tous mes collègues qui me lisent (il doit bien y en avoir un ou deux) savent de quoi je parle. De celui qui oeuvre, au fin fond de son commissariat, à traiter ses 25 mesures de garde à vue par jour, avec tout le stress, les difficultés que cela implique, jusqu'à celui qui travaille en Brigade Centrale de la Police Judiciaire, y compris dans les offices centraux... avec des missions, plusieurs fois par mois, loin de de ses bases, les heures et jours passés sur des écoutes, des filoches ...
Eux savent ce que sont ces périodes de sacrifices; où l'on donne pour son travail; et c'est forcément au détriment de la vie privée. Mais ces hommes, ces femmes, sont passionnés par leur métier. Et ni eux, ni moi, ne cherchons à être plaints... nous aimons ce que nous faisons. C'est déjà une chance.

Et voilà qu'arrive ce que je ne peux que qualifier de "sale affaire". Une jeune femme, d'origine canadienne, en vacances à Paris, accuse quatre policiers, de la fameuse BRI (Brigade de Recherche et d'Intervention) du fameux "36 quai des Orfèvres" de viol. Faits qui auraient été commis dans le service même, au sein du 36.

De VIOL.... merde, ai-je envie de dire...

Difficile pour moi de parler... si je pense aux collègues, on va dire que je suis "corporatiste", et si je pense à la victime, on va me dire que je porte atteinte à la présomption d'innocence.
Eh bien, je pense aux deux. Que les choses soient claires: s'il y a viol, ces mecs n'ont rien à faire chez nous, et n'ont leur place qu'à un seul endroit. S'il n'y a pas viol, cette accusation est grave, et laissera des traces chez toutes les personnes impliquées. Ce qui est certain, c'est que tout ça laissera des traces au sein de la Police Judiciaire en général.

Par le fait d'avoir travaillé sur des enquêtes de viol, et d'avoir beaucoup discuté, avec énormément de victimes (notamment sur les réseaux) je me permet de faire observer certaines choses, en conservant toute objectivité.

Les procédures traitant de viol, d'agression sexuelle, sont toujours très complexes, rarement "tout blanc" ou "tout noir"... il y a bien souvent beaucoup de gris, et c'est dans ces nuances que se situe la vérité, et c'est là que cela devient difficile... Il n'y a pas lieu de nier quoi que ce soit en rapport avec la victime et ses souffrances. Par définition, traitant de sexe, il n'y a souvent pas de témoin, pas de vidéo. De l'ADN? Oui, parfois. Cela prouve-t-il qu'il y a absence de consentement ? Non. S'il n'y a pas de traces de violences, il devient très compliqué d'établir la vérité. Souvent, on en arrive à la parole de l'un contre celle de l'autre.

On ne sait, à l'heure où je parle, que ce dont la presse se fait l'écho... donc, tout est à prendre avec des pincettes, et il faut faire très attention... Les dernières nouvelles diffusées font état de la mise en examen de deux des policiers, placés sous contrôle judiciaire, et du placement sous le statut de témoin assisté du troisième. Le réquisitoire introductif du parquet viserait les faits de "viol en réunion"(article 222-24 du Code Pénal) et modification de l'état des lieux d'un crime (article 434-4 du code pénal). Bien évidemment, les faits sont graves, et passibles de la Cour d'Assise. Vous l'avez lu, le risque encouru, c'est 20 ans de réclusion criminelle.
 Tous ont été suspendu par le nouveau Ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, ce qui me permet de dire que, ici, administrativement, la présomption d'innocence tombe de manière pleine et entière. Que les policiers ne puissent plus, en l'attente des investigations, ne plus exercer à la BRI ou dans quelque forme judiciaire que ce soit est une chose; Mais les emplois ne manquent pas dans la Police. A l'heure où je parle, je ne sais s'ils sont suspendu avec ou sans traitement.
Mise à jour: après rélfexion, effectivement, la sanction administrative vise plus le comportement administratif des policiers (alcool, intrusion d'une personne étrangère au service, relation sexuelle... que le coté purement pénal en lui-même. Donc, même si la décision est dure, elle parait inévitable. 

Je passerai rapidement sur les déclarations du Ministre qui promet des sanctions si les faits sont avérés, et qui espère que l'enquête va aboutir. Ouep... que dire... tout un programme !
Regrettable, également, la médiatisation en elle-même, qui a pour conséquence directe de faire tomber la présomption d'innocence... Oh, pas juridiquement, mais devant l'opinion. Et c'est certainement pire! Ces faits, très graves, attirent toute la lumière, donnant presque une obligation de résultat et, qu'on le veuille ou non, de mettre une certaine pression sur le dos des enquêteurs ou des magistrats en charge de l'affaire. 
De fait, j'aurais aimé, aussi, une clarification, de la part du parquet de Paris; il a su le faire lorsque des politiques étaient mis en cause, ou en d'autres circonstances... j'aurais aimé qu'il sache le faire. Que quelqu'un, quelque part, rappelle ce qu'est la Police Judiciaire, ce qu'elle représente...


Et j'en arrive à cet article de Stéphane Berthomet qu'il a publié sur son blog (par ici). 

J'avoue être un peu choqué, dérangé par cet article, notamment dans sa conclusion, par laquelle l'auteur raconte que, je cite:

" L’alcool et le comportements débridés y ont été monnaie courante durant des années et si rien ne doit être enlevé à la responsabilité des agresseurs de cette jeune femme, il conviendra, le moment, venu de s’interroger sur les responsabilités de l’encadrement de ces brigades centrales dont les hommes ont souvent tendance à penser qu’ils sont au dessus des lois, protégés par l’aura du fameux «36»
C'est là que l'on verse dans le sensationnel, et je ne puis l'accepter (même si l'auteur reste, bien sur libre de penser ce qu'il veut). Il est tout d'abord le seul, à l'instant où je parle, de parler d'aveux, de l'un des policiers, d'une relation non consentie, c'est à dire d'un viol... soit... il doit avoir des sources. Admettons...

J'ai passé plusieurs années dans l'une de ces "brigades centrales" (elles regroupent, notamment, la BRI, la BRB, la prestigieuse Brigade Criminelle, la Brigade de Répression du Proxénétisme). Cela me permet donc, aussi, d'avoir un avis. Qui vaut ce qu'il vaut, bien entendu, et il n'engage que moi.

Oui, durant cette période, j'ai fait quelques fêtes; pour célébrer la réussite de belles affaires, à l'occasion d'un départ, un événement familial, voir même, parfois sans avoir besoin d'excuse.. Finalement comme bon nombre de personnes, issues de quelque corps de métier que ce soit. Et donc ? Quel rapport avec les faits ? Tous ceux qui passent donc des soirées festives seraient susceptibles d'en arriver au viol ? Alors même que celui-ci n'est pas lié à l’absorption d'alcool, mais à autre problématique. La domination. Allons...

Et que dire de la "tendance à être au dessus des lois"? Oui, les flics que j'ai pu croiser ont, pour la plupart, beaucoup de caractère. Et j'ai pour habitude de dire que, dans ces postes, il est difficile de durer (en tout les cas de manière efficace), sans avoir du caractère, de la volonté, de la pugnacité... et donc ? Qui va-t-on laisser croire que l'on fait ce que l'on veut ? Si une faute est avérée, l'IGPN enquêtera de la même manière, et la magistrature fera son travail, de la même manière. Et cette affaire nous le démontre; personne ne cheche à couvrir quoi que ce soit. Que le policier soit en tenue, ou qu'il soit de la PJ, la loi est la même pour tous.
J'ai eu l'occasion de côtoyer quelques collègues qui peuvent vous parler de ce coté "au dessus des lois". A la sortie, ils avaient plutôt l'impression contraire... 


Alors, que va-t-il se passer ? Je ne parle pas de cette affaire en elle-même. L'enquête suivra son cours, un juge d'instruction est désormais désigné, et poursuivra les investigations, avec l'IGPN. 

J'essaye de prendre de la hauteur, et penser à la PJ en général; d'ores et déjà, l'image que jette cette affaire est juste désastreuse. Devant, déjà, tous les déficits dont nous souffrons au quotidien, nous n'avions pas besoin de cela. Des faits, de cette nature, dans les locaux de police...

J'imagine déjà les notes qui vont sortir, un peu partout dans les services. Principe de précaution oblige, il sera rappelé que les services de police n'ont pas vocation à accueillir les personnes étrangères au dit service. Ces notes seront ponctuées des habituels rappels quant à l'usage d'alcool dans, et hors des services, avec des "tous les manquements se verront dûment sanctionnés".
J'ai horreur du "principe de précaution" qui vise " à tirer la société vers le bas". Pour une faute (aussi lourde soit-elle) commise, on punit plusieurs milliers de personnes.

La notion de groupe, en Police Judiciaire, est, pour moi, primordiale. Plus que nécessaire, vitale. Et qui dit groupe dit nécessairement cohésion. Et ça, et bien cela ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval, et encore moins à l'école de Police. Cette cohésion est, pour moi, partie intégrante de l'efficacité d'un groupe. Tout le monde est au même niveau, avec son utilité propre. En PJ, seul, on n'est rien.

Et, au risque de déplaire, je n'ai pas trouvé, à ce jour, meilleure solution pour garder un groupe soudé que de passer quelques moments en dehors des bureaux, autour d'un verre... voire plusieurs. C'est selon...
Et ces instants sont très souvent l'occasion de partager beaucoup de choses; des bons moments, mais aussi  de mettre à plat les "non dits" du quotidien, peut-être parler de certaines erreurs, des reproches qu'on peut se faire... bref, l'occasion de remettre les compteurs à zéro, et tout le monde au même niveau, prêt à aller de l'avant. En somme, de décompresser.

Alors, à celui qui viserait l'encadrement limite complice de cela, je me dis qu'il n'a pas compris l'essence même de ce travail, et n'en a pas saisi la difficulté. Alors que, pourtant, il me semble qu'il a été policier... 

Malheureusement, aujourd'hui, "on" veut des enquêteurs qui soient purement scolaires, liés à la parole scientifique, dénués de tout sens policier, de jugeote, qui soient lisses, sans trop de personnalité... Triste... 

Oui, et mille fois oui, la festivité ne doit jamais mener à des agissements, tels que le viol. Mais je le répète, il s'agit-là (j'insiste, mais si les faits sont avérés) d'un comportement individuel. En un peu moins de vingt ans de police, c'est la première fois que j'entends parler d'une affaire de cette nature... 

Cette sordide affaire jette l'opprobre sur toute une profession, et ne fait finalement que servir tous nos détracteurs. Les premiers responsables sont ceux qui sont mis en cause. S'ils ont merdé, ils vont payer. Et c'est normal. En attendant, prenons garde à ne pas tirer de conclusions trop hâtives, et ne pas "punir" une profession qui n'avait pas besoin de cela, dans des temps déjà bien difficiles.

Je l'ai dit plus haut, tout est dans la nuance. A l'instant où je parle, on peut mesurer que la faute des policiers se situe entre:
- à minima, avoir ramené une femme, dans un local de police, pour y avoir une relation sexuelle (alors que, tout le monde est ivre)

- au pire, ramener une femme, ivre, dans un local de police, et, devant son refus/absence de consentement, lui imposer une relation sexuelle et tenter d'en faire disparaître les preuves.

L'éventail est large. Personne ne connait le contenu exact de la procédure, si ce n'est les quelques policiers et magistrats en charge de cette affaire et, bien sur, la victime.

Donc, il est urgent d'attendre... la fin des investigations, qui doivent être menées avec le plus de sérénité possible. 


la PJ... Bien plus qu'un métier... une passion.

mardi 18 mars 2014

une mule... comme les autres!

Vendredi matin.

Enfin, après deux jours pleins sur les routes antillaises, à filocher, il est prévu un retour au bureau. Comme d’habitude, lorsque l’on est sur le terrain, le travail de bureau prend du retard. Et pourtant, ces deux vecteurs d’enquête sont complémentaires, nécessaires, et indissociables dans la réussite d’une affaire.

Je suis dans les bouchons classiques du matin. Dans quinze minutes, je vais prendre l’astreinte, et ce, pendant une semaine. Cela signifie que, durant ce temps-là, toutes les affaires dévolues au service, saisi par le Parquet local, me concerneront. Ces saisines ne sont pas très nombreuses, statistiquement ; je dirai, au doigt mouillé, une par semaine en moyenne. Après, c’est chacun avec sa chance, ses grigris, et autres marabouts… Dix-huit mois que je suis là, et je n’ai été rappelé que deux ou trois fois… donc je suis serein. Et j’ai tort.
Le téléphone sonne. Le chef de groupe :
-         Qui est d’astreinte avec moi ?
Bingo… ça pue…
-          Ben moi… et « je sais pas qui »
Terme qui désigne un troisième policier du service… jusqu’alors, nous n’étions que deux, mais il a été jugé qu’il fallait accroître cette permanence. Au moins en quantité.
-         Une affaire, de cette nuit. Un mec serré.
-         Ok ; le temps d’arriver au bureau, on fait le point.
-          Ouais, c’est ça
Faut dire que la période n’est pas propice aux affaires "en plus"… même si ce n’est jamais le bon moment. D’autant que ce genre d’affaires, même nécessaires, ne font que polluer notre travail, déjà bien complexe, avec des journées bien chargées. Mais, les protocoles de saisine étant ce qu’ils sont, il en est ainsi. On traitera cette GAV, et avec sérieux. Mais, pendant qu’on fait ça, fort logiquement, on ne fait pas autre chose !
Arrivée au bureau. Ordre, contre-ordres, il y a ce matin plus d’un lièvre à courir à la fois. Bref ; un p’tit bordel à organiser. Pour ce qui me concerne, c’est clair, c’est le GAV. Et bonne chose, c’est l’astreinte descendante qui a notifié la mesure. Comprendre par là que ce sont mes collègues qui viennent de finir leur perm, qui ont commencé l’affaire. Et, comme on dit en PJ, affaire du vendredi… week-end pourri. Le dicton se vérifie immanquablement.
Cette affaire : une mule. Très simplement. 

image d'archive

Contrôlée par la Douane avec de la cocaïne dans ses bagages. Très classique, aux Antilles. Malheureusement. Quelques petits « paquets », en forme de boudin (histoire de tenter de passer inaperçu au scanner). Mais, cette fois-ci (sur combien d’autres) cela n’a pas fonctionné. Le client du jour a à peine plus de vingt-cinq ans. Je vais m’occuper de lui. Enfin, de la mesure de garde à vue qui le concerne. Première chose à vérifier, dans ces cas-là : les droits. Qu’a-t-il demandé, qu’est-ce qui a été fait.. les collègues ont bien jobé. Tout est carré, niveau des droits, on attend l’avocat, pour l’entretien de la première heure de garde à vue. Rapidement, on va enchaîner avec les auditions.
L’entretien avocat se passe, aucune observation du conseil. Je la fais patienter, le temps de prendre connaissance, moi-même, du dossier, et voir comment il va falloir orienter tout ça.
Le dossier pour l'avocat? En l'occurence, inutile. Tout est dit. 

Allez, c’est parti. On commence par brosser les éléments d’identité, adresse, filiation, niveau scolaire, revenus… assez classique pour une mule, puisqu'il ne connaît, semble-t-il, tout juste que ses nom, prénom et date de naissance. Pas d’adresse, pas de diplôme, pas de boulot, et pas de revenus. Même pas un RMI. Le môsieur fréquente « l’école de la deuxième chance » ; le genre de truc qui va lui revenir en boomerang, j’en suis certain.
Les faits : oui, pas de problème, il reconnaît. Ok, c’est déjà ça. En même temps, difficile de nier la présence du produit dans ses bagages (quoique). Il ne sait pas qui lui a donné la cocaïne ; un mec  qu’il ne connaissait pas, rencontré dans un parc. Le hasard, quoi. Ah, il ne sait pas non plus à qui il devait la donner, puisqu’il aurait dû être reconnu à son arrivée. Ok ok… continuons…  il aurait dû toucher quatre mille euro. Ok. A titre d’information, le cours de la cocaïne, aux Antilles, est, en moyenne, de 5500/6000€. Il dépasse les 40.000 en métropole… on comprend vite la motivation …
Pas de quoi fouetter un chat, cette audition. Mon nouvel ami frôle les deux de tension. Et il n’y aura rien à en tirer. J’insiste à peine, histoire de lui montrer où se trouvent ses contradictions. Il n’en dit pas plus. Soit. Moins de quarante-cinq minutes d’audition. Ça n’en vaut pas plus.
L’enquête se poursuit par quelques vérifications très classiques, qui nous occupent le reste de la journée. En fin d’après-midi, le parquet nous autorise la prolongation. Ce qui est certain, c’est qu’on ne va pas partir sur 96 heures là-dessus. Il n’y a rien ; aucun élément exploitable. Ça sent la C.I (Comparution Immédiate). Donc, on fait le maximum pour faire toutes les vérifications, et éviter une ouverture d’information et donc, une commission rogatoire. On borde tous les éléments. De toutes parts…. Rien ne doit rester en suspens. Que les magistrats aient toutes les clés en main.

La journée prend fin sur la notification de la prolongation de la garde à vue. Des prélèvements ont été fait sur le produit pour d'éventuelle expertises / contre-expertise, et enfin pour servir d’élément de preuve à l’audience.
Rendez-vous le lendemain matin. Il reste quelques questions à poser, des précisions à apporter. Et quelques actes à rédiger. Entre temps, dans le cadre de sa prolongation de garde à vue, le jeune homme a demandé à être examiné par un médecin.

Nous y voilà. Week-end pourri… ou presque. On est samedi, au bureau. Je rédige quelques actes annexes, m’assure que le gardé à vue a bien vu le médecin, et que le certificat médical mentionne bien la compatibilité de l’état de santé du gardé à vue, avec la mesure. C’est bien le cas. Nous allons le chercher au commissariat, où il a passé la nuit. Sans surprise, la nuit a été dure. Un seul autre gardé à vue, mais qui a décidé d’hurler toute la nuit. Classique.
L’avocat est présente ; j’entame la deuxième audition, difficile de se concentrer. Rien n’a changé, par rapport à la veille. Il reste sur ses déclarations, ne connaît personne, etc… bref, à mon sens, il se fout de nous. Non pas que l’on s’attende à ce qu’il nous donne des noms, des adresses, etc… mais qu’il nous dise. Il y a des choses qui s’entendent. Le fait que balancer un nom est risqué, ça s’entend. Le fait qu’il ait peur pour sa propre famille, ça s’entend. Mais bon… il reste sur sa position.
Petite coup de stress, histoire de... le chef me demande la rédaction d'un rapport de synthèse. Pour information, il s'agit d'un acte purement administratif, qui résume l'enquête. Dans ce document, il nous est préconisé d'ajouter notre sentiment quand à notre enquête. Il y a quelques années, cet acte n'existait que sur de grosses enquêtes, et s'avérait fort utile; Son usage s'est quelque peu répandu pour être, désormais, quasi généralisé. J'appelle cela la politique de monsieur plus. 

Bref...

Après quelques atermoiements, la garde à vue prend fin en fin de matinée. Deferement devant le Procureur de la République, en vue d’une comparution immédiate en début de semaine.

Une fois au Palais, il faut donc aller voir le SPIP, service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation du tribunal, puis l’avocat (qui n’est pas le même qui était présent en garde à vue). Quelques secondes devant le substitut du procureur, qui reprend quelques éléments d’identité, et, le temps que le JLD et le greffier soient prêts, nous voilà dans le bureau du magistrat. Lequel, assez vite, décide de placer l’ex GAV en détention, en l’attente d’une comparution le lundi suivant. Au passage, comme je l’avais imaginé, une question fuse : « vous avez fait l’école de la deuxième chance ; vous êtes en route pour celle de la troisième » ? Voilà, c’est dit. Ca fait mal. Il regarde ses chaussures ! A vrai dire, il n’y a pas grand-chose à faire, et surtout rien à dire!

Le temps que le magistrat rédige le mandat de dépôt, nous voilà tous à attendre dans le couloir. L’avocat demande à son client de lui donner le numéro d’un proche, afin de se procurer quelques justificatifs qu’il  pourrait utiliser le jour du procès. Malheureusement, notre ex ami du jour reste très flegmatique, se contentant de répondre par des signes de la tête.

J’échange alors quelques mots avec l’avocat. Lequel semble désespéré. Et je le comprends. Comme je le lui souffle, l’avenir immédiat est sombre. Nous le savons tous les deux. La semaine prochaine, tout se jouera entre 12 et 30 mois de prison, estimons-nous, tous les deux. C’est un fait, et personne ne pourra rien y changer. Mais une autre question me taraude bien plus… et après ? que fera-t-il en sortant ? Je ne vois pas d’avenir, à ce jeune de 25 ans. Pas de formation, pas de volonté, de motivation, et un flegme tel que j’ai envie de lui mettre des coups de pieds au derrière pour le faire avancer (au figuré, bien sur).

Ce genre de cas est malheureusement fréquent. Oh, ce n’est pas une nouveauté.  Des jeunes femmes seules, des hommes seuls, des couples… J’ai même déjà vu des quinqua jouer les passeurs, par appât du gain ! Inutile, désormais, de faire du profilage. N’importe qui peut faire la mule. L’habit ne fait plus le moine.

Quelques minutes plus tard, nous voilà arrivés devant la maison d’arrêt. La seule question qu’il se pose, le sourire aux lèvres : « vais-je arriver à temps pour la promenade ». Tout est dit.

- - - - -

Audience de comparution immédiate: 18 mois ferme, mandat de dépôt à l'audience.

jeudi 23 janvier 2014

Lettre à Paul


      Il est bien des choses difficiles dans ce métier. Mais on s'y fait. Malheureusement, lorsque des enfants sont impliqués, on a beau dire, mais c'est compliqué.

      C'est une des raisons pour lesquelles je n'irai jamais travailler au sein d'une unité pour mineurs victimes.

      Pourtant, les violences faites aux enfants, et leur mort parfois, se croisent souvent. Et presque chaque collègue y a eu affaire. Parce qu'ils sont innocents, et sont donc le meilleur moyen de pression bien souvent. Ils catalysent la haine qui déchirent les êtres alors même qu'ils n'ont rien demandé. Des éponges avant l'heure. Laissons les Bob où ils sont et revenons à nos moutons.

     L'histoire de ce jour n'est pas une histoire de violence, pourtant elle a laissé des traces.

     Il est tôt en ce mercredi tandis que tombe la pelle. Pour une fois ce n'est pas un week-end, comme quoi les choses changent. Nous sommes appelés pour une découverte de cadavre. Encore une. Ce jour là, j'en verrai trois. Je suis alors de permanence "décès", celui qui aura à traiter "avec" tous ceux qui viendraient à périr de trépas sur mon ressort.

     A cet instant, j'ignore encore de quoi il retourne, confiant en rien, mais sûr d'inconnues, je fonce, comme si le corps que j'avais à manipuler tenait encore à la vie. Rien ne sert de se précipiter sur un cadavre, c'est comme une bonne salade. Curieusement, mon chef de service et mon chef d'unité m'accompagnent. Je suis un jeune lapin, c'est vrai, mais là ...

     Nous nous y rendons sirènes hurlantes, alors même qu'il n' y a pas urgence. Les visages sont tendus, l'atmosphère de l'habitacle délétère, bien que le véhicule n'ait pas été prêté à la BAC depuis fort longtemps (petite dédicace personnelle). Le trajet me parait long, poussif, la circulation infernale malgré les coups de klaxons et le gyrophare. Nous sommes à quelques cinq cent mètres des lieux.

     Au pied de l'immeuble, on m'économise, on me berce de doux mots: en clair on me demande de garder le véhicule car "en cas que des fois la guerre éclate, par mégarde, je pourrais éventuellement être utile, afin de démarrer le véhicule pour fuir". Nous nous trouvons alors dans le coin le plus boboïde de l'arrondissement. Je suis l'OPJ en charge des enquêtes décès. J'envoie respectueusement la chef de service se faire "cuire le cul" et lui emboite le pas, non sans lui avoir fait comprendre que je ne céderai pas.

     Sur place, le calme règne, comme convenu. Enfin, le calme. Une grosse femme noire pleure, presque sans bruit, et chuchote des mots que je ne t'entends pas. Elle est manifestement en train de hurler mais moi je n'entends rien.  Déjà préoccupé par l'enquête qui démarre, je n'ai qu'un but. On parle d'effet tunnel. C'est très réel, et on ne peut mieux décrit. Je cherche un corps, du sang, des traces, de l'action bordel. Je farfouille, fouine, renifle mais je ne vois rien. Les visages dépités de ma hiérarchie m'intiment au calme, à la retenue.

     On m'indique enfin ce pour quoi nous sommes là. La femme qui pleure est une nounou, qui garde, pour une famille dont les parents travaillent, un enfant en bas âge. Un enfant que la vie a quitté précipitamment, à l'aube, après un dernier sourire. Il est probable qu'il s'agisse d'une mort subite du nourrisson vu l'âge de celui qui ne s'appellera plus jamais l'enfant.

     C'est là que tu te sens con en général, lorsque tu saisis pourquoi l'ambiance était aussi lourde, et que tu comprends en quoi l'air que tu inspires était brûlant. Subitement, ta tension retombe au niveau de celle d'un gosse de trois ans, mais étrangement ton coeur bat la chamade. Tu n'oses plus regarder cette femme qui n'est même pas la mère, et que maintenant tu entends hurler à t'en déchirer les tympans. Les regards se font graves sur toi, petit con plein de foutre enquêteur. Le seul lait qui coule encore vient de ton nez, abruti. Il te faut te recomposer une contenance, bien que tous tes gestes semblent maladroits et inappropriés. Tu sais qu'il est trop tard mais tu t'obstines. Tu es le dindon de ce qui n'est plus une farce.

     Et malgré tout, il faut faire le boulot. Et aller voir le corps bien évidemment. Tu as l'impression d'avoir déjà passé mille ans dans cet appartement alors que ça fait à peine cinq minutes. On isole la nourrice - qui a fait appel aux services de police et de secours - après qu'elle trouve la sieste du matin un peu trop profonde. Et on entre dans la chambre. L'instant présent, inconvenant.

     Tout y est beau, serein, calme. L'on oublie un peu vite qu'un petit corps vient d'y perdre la vie. On évite de toucher à tout. Ou plutôt on ne touche à rien pour éviter de continuer à se sentir con. Et par là même tenter de sauver ton cas que tu sens désespéré.
     La chambre est belle, repeinte à neuf, pour l'arrivée d'un évènement qui comptait. Comme si le renouveau pouvait changer quoique ce soit au changement qui s'annonçait. L'on sent l'envie d'accueillir ce nouvel être au mieux, je le sais, j'ai fait la même chose en voyant arriver mon fils.
     Le berceau est ancien, mais on sent un goût pour ces choses qui se transmettent, et tout lui est parfaitement restitué. L'odeur et la lumière filtrant la pièce sont parfaits. La température maitrisée. Rien ne justifiait qu'un drame ne survienne ici, c'est injuste, car tout n'y est qu'amour.
     Pourtant, le petit Paul est paisible, serein maintenant, son sommeil n'a jamais été aussi profond. Ses petits poings fermés marquent encore la force qu'il a mis à laisser cette image de lui. Mais désormais il est parti, et ce sont ses parents qui arrivent.
     A cet instant, rien n'indique qu'il puisse s'agir qu'autre chose qu'un malheureux évènement. La nourrice est pourtant sous bonne garde, s'il s'avérait que ....

     Car le médecin est en chemin, lui aussi,  pour une fois à Paris, l'affaire étant ce qu'elle est. Je ne remercierai jamais assez les gens qui ont fait que le médecin arrive avant les parents.
     La situation lui est expliquée, et ensemble nous nous rendons encore une fois dans la chambre.
     "Aucune trace de violence n'est visible, je me demande si je ne vais pas délivrer un certificat de décès sans obstacle médico légal. Il semble, que, vu la position du nourrisson et son jeune âge, il s'agisse d'une mort subite"
     "Docteur, nous sommes tous d'accord, nous savons tous ce qui arriverait dans le cas contraire", dit le chef d'unité.

     Ce qui découlerait s'appelle une autopsie, des auditions dans un commissariat où rien ne viendra réconforter ces parents, du papier, des larmes et encore de la souffrance.

     Le cas est entendu.

     Tandis que j'entends les pas et les cris des parents, lourds, arriver vers nous dans ce lieu qu'ils ont si bien connus, je reçois l'appel qui allait me mener ce jour là vers le deuxième cadavre de ma journée. Je laissais mon chef d'unité et ma chef de service gérer la tempête qui arrivait, et, le coeur lourd d'avoir vu ce petit corps si beau n'avoir pu mériter de vivre, passait au suivant.

     Au petit Paul.

Flam

dimanche 12 janvier 2014

où l'on doit faire des - bons - choix

Vendredi, 13h - Paris

Je finis, péniblement, fatigué, mon deuxième cycle de stage, à plus de sept mille kilomètres de chez moi.
Je me dois d'avouer que je n'ai pas pour habitude de quitter mon femme et mes enfants.... Cela en rajoute à la difficulté de la formation, en elle-même. Une formation qualifiante, donc importante, qui nécessite du travail personnel en plus des heures de cours quotidiennes. Bref, pour moi, ces semaines ont été intensives. Le premier examen est passé; un soulagement en soit.
Mon téléphone sonne; de l'autre coté de l'Atlantique, le chef de groupe:

Salut; je veux juste t'avertir; c'est super chaud. Possible qu'on serre tout le monde aujourd'hui"
Et moi qui pensais me reposer, en rentrant ...
Même si cela parait étrange au commun des lecteurs, je suis un peu dégoûté. Ce dossier, je l'ai démarré au mois de Janvier de l'année dernière. J'y ai passé quelques centaines d'heures, avec l'aide de mes collègues qui ont repris le flambeau durant mes périodes de stage. Et voilà qu'il va "exploser" alors que je ne suis même pas présent... une espèce de frustration, en fait! C'est ainsi. La priorité, ce n'est pas l'enquêteur, mais l'enquête qu'il conduit.
On essaye de tenir; je crois que ce n'est pas opportun, de serrer. Mais il faut convaincre la hiérarchie". Et ça, c'est pas gagné! 
Bon, j'ai encore une petite chance, alors. On m'explique les détails de ce qu'il se passe... effectivement; le "serrage" est possible, mais pas forcément des plus judicieux à cet instant!  Les cibles principales du dossier ne sont pas "en main"; c'est à dire qu'il n'est pas possible de procéder aux interpellations à un moment "T" dans le mesure où elles ne sont pas toutes localisées. Et ne pas les "faire" toutes au même moment,  provoquerait leur fuite certaine vers des contrées lointaines.

Maintenant, si la décision est finalement prise de serrer, cela signifie que je vais bosser ce week-end. Et là, ça coince. Je dois rentrer le lendemain aux Antilles. Pour une semaine de vacances. Je l'ai promis à ma femme ainsi qu'aux enfants. Je me suis absenté pendant six semaines, les délaissant, je me dois de rétablir l'équilibre. Sauf que...

Mon arrivée sur l'île est prévue samedi en début d'après-midi. J'envisage de faire passer le message à ma femme, par téléphone:
- il est possible que je travaille, ce week-end ...
- Hors de question, samedi; tu restes à la maison; les files ont besoin de te voir.
 Je le comprend. Je suis partagé... finalement résigné. J'ai obtenu le dimanche, au moins. Difficile de laisser les collègues travailler, et rester, soi-même, à la maison!
Vingt quatre heures plus tard, j'arrive à l'aéroport. Rapidement, j'apprends que finalement, rien n'a bougé. Tout est bon, pour le week-end.
- Par contre, lundi matin, je vais faire un tour au service; histoire de débriefer ce qu'il s'est passé en mon absence.
- De toute façon, j'ai bien compris; ta réunion va s’éterniser toute la journée.
 La remarque est cinglante. Mais, depuis toutes ces années, ma femme a bien assimilé le fonctionnement du boulot. Difficile de lui faire "à l'envers".
La journée du lundi se passe comme ma femme l'avait compris; une réunion... et puis le reste de la journée; gestion des mails, et toutes les infos qui sont tombées depuis que je suis parti. Le dossier a pris une telle ampleur, les informations arrivant en si grosse quantité, que c'est une réelle difficulté pour moi. Il s'en est passé, des choses... quand bien même, à distance, je me suis tenu informé des événements majeurs, les détails ont leur importance!
Je décide de rester à la maison, le mardi. Vacances scolaires obligent... mais à partir de mercredi, c'est retour au bureau.

Mercredi, 19h00:
 je vais rentrer plus tard, on a un truc important, là.
 Pas ou peu de réponse, de l'autre coté de la ligne... 
Tout le service est réquisitionné, autour de cette surveillance, qui peut être capitale pour le dossier.

19h00: ça y est, ça bouge. Le rendez-vous est fixé. Et pourtant, impossible de s'approcher. Tout juste voit-on ce qui se joue à distance. Une voiture qui sort de l'enceinte privée; et qui revient moins de dix minutes plus tard. Il fait nuit. On n'aperçoit quasiment que des silhouettes!

Ce soir-là, en guise de congés, je rentre à la maison, il est vingt trois heures passées. Tout le monde dort.
Et jeudi matin, on y retourne. Tout est calé; on y va. C'est l'aboutissement - en tous les cas, le début - de plusieurs mois d'enquête. Comme on dit "on va au résultat.

"TOP SERRAGE"....

C'est parti. Tout s’enchaîne rapidement; l'important, c'est la simultanéité; si l'un des objectifs ou ses proches a le temps de passer ne serait-ce qu'un sms, la machine peut s'enrayer.
Mais finalement, tout est bon. En quelques minutes, les objectifs "principaux" sont atteints. Le reste sera du "plus".

A cet instant, tout le monde s'agite; des interpellations et gardes à vue partout, des mis en cause qui ne se connaissent pas et qui, pourtant, demandent, à 7000km de distance, le même avocat. Soit.
Difficile de faire comprendre au "client local" que l'avocat qu'il a désigné choisira celui qui, dans la pyramide, dans l'organisation, est le plus haut. Et ce n'est pas lui. Il ne veut pas comprendre. Même lorsque l'avocat, au téléphone, lui conseille de prendre un autre avocat. Il faudra vingt quatre heures pour qu'il consente à prendre, au moins un avocat commis d'office. Ici, aujourd'hui, pour trois GAV, il n'y a qu'un seul avocat commis d'office de disponible. Tout va bien. Oui, je sais, maître... article 63-3-1 du CPP, conflit d'intérêt, toussa... oui, mais non! Il n'y en a qu'un. Donc, cela profitera à la défense, dira-t-on. Soit. De toute façon, les choses sont entendues, aucun ne veut parler hors la présence de son avocat "habituel". Ok.

Vendredi matin, je me dois de satisfaire une obligation familiale. J'ai donc prévenu mes collègues que j'arriverai quelque peu en retard.
A la maison, tout est assez tendu; je sens que l’élastique se tend de plus en plus... il ne doit pas casser. Beaucoup de choses se sont accumulées, durant mon absence; des difficultés du quotidien, une gestion de toute la maison, quelques mauvaises nouvelles... finalement, je vais rester à la maison. Il le faut.
Je préviens le service. Comme je m'en doute, personne ne dit rien. Pas le temps de trop cogiter, dans ces moments-là. Il y a du taf par dessus la tête.
Et moi... je reste à la maison. Quelques jeux, une petite baignade, un peu de télé... la journée se passe avec les enfants... tout le monde est content. Pourtant, j'ai la tête ailleurs. Je n'ai de cesse de penser à ce dossier, qui occupe mes journées depuis plusieurs mois. Et cette impression de laisser tomber les collègues. Mais, encore une fois, pas le choix.
Dimanche matin, je suis au bureau de bonne heure. Les collègues et les GAV sont attendus vers 8h; j'ai donc une heure devant moi pour comprendre et assimiler ce qu'il s'est passé hier. Une façon, pour moi, de rattraper un peu le temps perdu. La journée se termine après minuit. En mon absence, l'escarcelle s'est remplie de deux GAV supplémentaires. Dont l'un, ayant pris la fuite l'avant veille en sautant du 4ème étage, a finalement été rattrapé... à l’hôpital, 24 heures plus tard, les deux jambes dans le plâtre. Lui, ne s'enfuira plus.
Pour la petite histoire, il avait envoyé une photo, en guise de message, sur laquelle il avait photographié ses jambes dans le plâtre... dans la mesure où il n'y a qu'un hôpital assurant les urgences, autant vous dire qu'il aura été simple à "cueillir". 

Le deferement est prévu pour le lundi. J'en fait partie. Le dimanche est donc, lui aussi, bien chargé; il faut tout boucler, tout relire. La procédure étant ce qu'elle est, de plus en plus complexe, on n'est jamais à l'abris d'une coquille, d'une erreur sur un PV, une date, une heure qui se chevauche... il faut tout vérifier, photocopier, "marianer", c'est à dire tamponer, signer en double...

J'arrive à la maison, il est une heure du matin, me "faxant" dans le lit tout aussi discrètement que je l'ai quitté au petit matin. Avec cette sensation que tout le monde a dormi, toute la journée!
Comme souvent, le deferement me fera passer 7h au Palais de Justice. Le même juge d'instruction, outre notre dossier, doit recevoir sept personnes avec mandat d'amener. Lesquelles passeront toutes devant le juge pour mise en examen, et devant le JLD qui statuera sur leur éventuelle détention. Et tout ça, avant notre dossier. Bref, l'attente est longue. Le deferement est aussi l'occasion de discuter. Que cela soit avec des magistrats ou des avocats de passage, voir, même, les ex "gardés à vue", à cet instant "sous main de justice".

Le temps de discuter un peu avec les GAV. Discussion forcément plus détendue qu'en garde à vue, dans les locaux de police. Comme je l'avais compris durant l'enquête, pour eux, la "case" prison, est quelque chose qu'ils ont déjà intégré. Ils savaient qu'ils allaient y passer à un moment ou un autre! Manquait plus que de savoir à quel moment cela devait arriver. Et, comme souvent, cet "après GAV" est aussi le moment où les gars disent "mais de toute façon, c'est la dernière fois... en sortant, j'arrête". Ou encore, le "mais je savais que vous étiez là, je vous avais vu..." Oui oui, bien sur...

Il est vingt heures passées. Tout le monde a son mandat de dépôt. Reste à rallier la maison d'arrêt.
Mardi devrait être plus "cool".
Finalement, tout va se bousculer. Deux nouvelles garde à vue. On enchaîne... Il reste un gros travail à fournir, sur ce dossier. Encore beaucoup de papier. Des documents saisis à exploiter, des interceptions à clôturer, d'autres personnes encore à rechercher.
Bref, c'est la rentrée scolaire. Finies, les vacances. Finalement, je n'ai passé que deux jours avec mes enfants...
La semaine s’enchaîne; gardes à vue, perquisitions... le jeudi soir, grosse montée d’adrénaline... puis rien.
La fatigue, quelques phrases mal placées, la pression qui retombe... et c'est en claquant la porte, que je quitte le service, jeudi soir, à vingt trois heures passées. Il est des moment où l'on a du mal à encaisser certaines choses. Ce soir, je n'ai pas envie de faire d'effort.
Après une bonne nuit de sommeil (que n'auront pas eu mes collègues, qui ont fini à 2h du matin), cette journée est placée sous le signe de la détente, avec un repas entre collègues, pour fêter le bon déroulement de cette affaire. J'aurai eu cette chance de participer à une affaire exceptionnelle. C'est beau.
Mais j'aurai toujours ce sentiment d'avoir failli... à deux reprises. Ce qui ne m'était jamais arrivé jusqu'ici...

 A cet instant, l'avantage, lorsque l'on est aux Antilles, c'est qu'un repas, qui se veut festif se passe quasi d'office au bord de la mer et sous le soleil...

Mais aussi, et c'est la deuxième bonne nouvelle du jour, c'est vendredi... et surtout, cela signifie que, cette fois-ci, je vais pouvoir passer trois jours avec ma famille. Au programme, piscine, plage, jeux, lecture, et farniente. Il était temps.


Et, d'avance, je le sais... une affaire en chasse une autre. Toujours.


En écrivant ces quelques lignes, il n'est nullement question de se plaindre. Ce métier, cette vie, je les ai choisis; et j'assume toutes les décisions que j'ai pu prendre à ce jour. Sans aucun regret. C'est une habitude. Ne jamais regretter; se servir du passé pour préparer l'avenir.
Mais assumer ne signifie pas que tout se fait dans le plus pur plaisir, sans douleur. L'équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée ne se trouve pas sans difficultés. Si tant est qu'il soit possible...