dimanche 22 novembre 2009

la chèvre...


Les temps sont à nouveau mouvementés. De plus en plus, et quelque chose me dit que ce n'est pas fini.
Mercredi matin, 05h30 ; je quitte mon domicile, direction la Seine Saint-Denis ; au «programme », plusieurs interpellations dans le cadre d'une affaire de violences et séquestration.
L'opération se déroule sans problèmes ; interpellation en « douceur », et perquisitions dans la foulée. Trois personnes sont interpellées. Une quatrième, une jeune femme, est extraite de prison. Elle est  complice.
Ces quatre personnes sont donc placées en garde à vue dans nos locaux. N'ayant pas pris part directement à l'enquête, je n'en connais pas tous aspects. Et je découvre là cette jeune femme. C'est elle qui m'aura marqué, au cours de ces deux jours de garde à vue.  Pour faire « court », elle a été interpellée il y a quelques semaines pour trafic de stupéfiants, en provenance de l'étranger avec une grosse quantité de stupéfiants ; une chèvre, quoi.  Environ 25 ans, enceinte d'un peu plus de quatre mois. Cette fille a été difficilement identifiable, tellement elle n'apparait nulle part ; pas d'adresse fixe, abandonnée par ses deux parents. Bref, elle pourrait être un héroïne dans un roman de Zola ! Et le père de l'enfant qu'elle porte n'est autre que le mis en cause principal dans notre affaire de séquestration ; sauf qu'il est déjà en couple, avec un enfant en bas âge. Sa femme, justement, nous le décrit comme pas trop concerné par sa vie de famille, plus préoccupé par ses « sorties nocturnes » ; sortie qui l'amènent, d'ailleurs, en garde à vue.
Quelques heures avant la fin de garde à vue, qui aura découlée sur une mise en examen, la jeune fille a demandé à pouvoir s'entretenir avec son amoureux/complice. Après avis de ma hiérarchie, j'ai autorisé cet entretien, à la condition d'être présent. Tout le monde était d'accord. Dans une pièce de 2m2, je n'ai pu faire autrement que d'entendre ce que se disaient les deux personnes. Et j'ai alors compris que l'homme n'était manifestement informé que depuis peu, pas un e tierce personne, de sa future paternité. Et j'étais alors étonné de voir dans les yeux de la jeune femme une espèce d'espoir en une vie « normale », avec cet homme. Vie que, vraisemblablement, elle n'aura pas ; en tout cas pas maintenant, et en tous les cas pas avec lui (enfin, c'est l'impression que j'ai).
Voilà donc cette jeune femme qui  est orpheline, qui va mettre au monde un enfant qui n'aura pas ou peu de père, avec, pour le moment, pour seul domiciliation une prison ! Peut-être pourra-t-elle le mettre au monde en liberté, mais pour habiter où ? Je ne suis pas sur qu'elle s'en préoccupe, mais cela la rattrapera très rapidement.
Voilà donc une jeune femme qui n'a, pour le moment pas d'avenir, qui mettra au monde un enfant qui aura une arrivée sur terre très délicate.
J'éprouve de la peine pour cette jeune femme ; avant tout parce qu'elle n'a pas encore conscience de ce qui l'attend, avec cet enfant.
Mais, en même temps, cette femme n'a pas fait grand-chose pour s'en sortir ; travailler lui parait trop dur. De ses propres aveux « un coup je travaille, un coup j'arrête, parce que j'en ai marre ». Que lui répondre ! Je n'ai pas trouvé les mots, et ce n'était pas non plus mon rôle. Mais le travail que je fais n'empêche pas d'avoir, parfois, un pincement au cœur, vis-à-vis de la situation vécue par certaines personnes. Nul doute, pour le moment, que cette jeune femme aura à nouveau à faire, tôt ou tard, avec les geôles de garde à vue ! C'est bien regrettable.
Pour autant, on oublie vite ces « Zola des temps modernes » ; pour cela, il suffit de penser à la victime de notre affaire, qui aura été séquestrée chez elle pour être dépouillée de ses biens. Et on pense alors à cette même jeune femme qui a « servi » à ouvrir la porte (puisque l'on a plus confiance en une femme qui sonne à la porte qu'en un homme).  Bref, faire la chèvre, elle connait !

jeudi 12 novembre 2009

les saisons se suivent...


Ah, l'automne... saison ou les arbrent perdent leurs feuilles. Wikipédia définit l'automne comme "... l'une des quatre saisonszones tempérées. Elle se place entre l'été et l'hiver. Du point de vue astronomique, l'équinoxe d'automne (le 22 septembre dans l'hémisphère nord et le 21 mars dans l'hémisphère sud) devrait marquer le ...". On s'en fout, me direz-vous; ok.des
Bref, l'automne, pour moi, c'est surtout la saison où les saisines** "tombent"; on le sait, c'est chaque année comme ca. Les plaintes se multiplient, plus précisément les atteintes aux biens. Je n'ai pas d'outil statistique à vous servir, mais c'est un fait. A l'approche de Noël, on voit arriver les cambriolages et autres braquages. Les uns après les autres. 7ème arrondissement parisien, 16ème, et autres quartiers hupés de Paris. 
Un peu comme aujourd'hui, Michel Mouyabed, propriétaire de "Laforêt Immobilier" en a été victime. Un million d'euro en bijou, préjudice annoncé. Bing, c'est la BRB qui est saisie. A vue de nez, à moins que j'en ai loupé un, c'est donc le 4ème casse qu'on "prend" en peu de temps. 
Et pourtant, nous ne sommes qu'à la mi-novembre; il reste six semaines pendant lesquelles il y a beaucoup de chances que d'autres affaires se présentent. Pourquoi précisément à cette période? Peut-être, au moins en partie, l'approche des fêtes de Noël et le besoin d'argent, pour tout le monde, y compris les délinquants.
Et, dans mon quotidien, je ressens cette multiplication des faits. J'en avais fait part dans un précedent article; à la suite d'une grosse affaire, prenante, une fois la pression retombée, les interpellations passées, il est difficile de "reprendre". On en profite pour faire un peu "relâche", et là, comme dirait Moscato, il faut revenir au mastic. Je l'ai déjà confessé, j'ai eu du mal; et après, je n'ai pas eu le choix (et c'est tant mieux), j'ai été rattrapé par les dossiers. J'ai commencé, petit à petit, un dossier, puis un deuxième; on remet le nez dedans, l'une ou l'autre recherche, à droite, à gauche. Et, bing, une ficelle à tirer; bref, une piste. Allez, on gratte, on continue, et, petit à petit, les journées passent si rapidement qu'on n'arrive plus à tout faire en une journée. On balance des demandes, à droite, à gauche, on attend les réponses; et là, on recommence, nouvelle ficelle à tirer... bref, des hauts, des bas... l'enquête est ainsi faite. Les jours se suivent, mais, comme toujours, ils ne se ressemblent pas. En Police Judiciaire, et je dirais même, dans la Police, tout simplement, on se lève le matin sans savoir de quoi sera fait la journée. 
La mienne, ca fait du bien, c'est un jour de repos. 

** la saisine est une affaire dont un service est saisi, soit par une plainte, soit par le Parquet (le plus fréquement)

mardi 10 novembre 2009

pas "Robin des Bois", mais pas braqueur non plus! Juste délinquant.



Je ne voulais pas, mais je me sens obligé de le faire. Quoi ? Eh bien, je fais comme tout le monde ; j'y vais de mes quelques phrases pour raconter Toni Muselin. Qui ca ? Non, je le sais bien ; plus personne n'ignore qui est cet homme souvent décrit, avant tout, « d'origine serbo-croate ». Pour autant, à l'attention des deux ou trois lecteurs qui l'ignorent encore, faites donc un tour sur n'importe quel moteur de recherche ; et vous y trouverez des centaines de pages, articles de presse, ou encore des groupes « facebook » comptant des centaines « d'admirateurs ... Donc, voilà que la toile nous présente le nouveau Robin des Bois.
Toni Muselin a réussi la prouesse (pour l'instant, c'en est une) de voler la bagatelle de 12 millions d'euro (je passe les six centaines de milliers d'euro en plus, un détail !) alors qu'il était embauché auprès de la société de transport de fond « Loomis ». Comment ? Pas un coup de feu, pas une menace, rien. Il a tout simplement « déposé » ses collègues (en réalité, il a profité d'une sortie) pour « aller un peu plus loin », et soulager le contenu de son camion. Et le bougre avait vraisemblablement bien préparé son coup, puisqu'il avait coupé les contacts avec sa famille, vidé son appartement, changé d'équipe , .... Bref, tout cela ne s'est pas fait du jour au lendemain.
Je parlais donc de nouveau « Robin des Bois », sauf que, jusqu'à preuve du contraire, il ne compte pas donner aux pauvres, mais bien garder pour lui. Sauf qu'il ne lui reste là plus grand-chose ; il en prend un coup, le Toni Muselin. En effet, la PJ de Lyon a déjà mis la main sur 9 Millions d'Euro détournés, alors qu'ils étaient, selon la presse,  cachés dans un box loué par le voleur. C'est donc une sorte de héros des temps modernes que l'on nous propose là. Et, à lire Philippe Bilger, avocat général à Paris (voir ici), il a « honte pour la France ».
Bien évidement, en tant que policier, je ne peux approuver un tel acte, dans la mesure où il s'agit bien d'un délit punissable par la loi française. Mais, pour autant, je ne classe pas Muselin dans la même « cour » que nos braqueurs « habituels ». Je ne suis pas fasciné, loin de là ; je le répète, il s'agit d'un délinquant. Pour autant, pour commettre son forfait, il n'a eu besoin ni de violence, ni de menace. Rien de tout cela. Il a juste fait preuve de malice pour préparer son coup. La victime ? La banque de France, la sté Loomis ou encore leur assureur. Une victime qui brasse, chaque année, des centaines de milliers d'euro ; préjudice qui ne sera qu'une ligne comptable, qui n'a rien de concret pour les 99% de la population.
Je ne suis pas d'accord avec vous, Monsieur Bilger, lorsque vous vous dites  scandalisé par « L'insupportable acclamation, sur le Net de ce délit ».  Vraiment, j'insiste, je ne suis pas fasciné, loin de là ; je ne glorifie pas non plus, ni rien de tout cela. Et si je devais enquêter sur cette affaire, j'y mettrai tous les moyens mis à disposition pour retrouver l'homme et le butin. Mais il n'empêche que, même face au délit ou au crime, il n'est pas interdit de réfléchir ; et de se dire que si la société distribuait un peu plus ses richesses, nous n'en serions pas là. Cette impression quotidienne que ce sont toujours les mêmes qui profitent du système, et toujours les mêmes qui triment. Et ce sont ceux qui triment qui voient dans cet acte, plus qu'un délit, un symbole. Ceux-là aujourd'hui se passionnent pour cette histoire. Et en même temps, même si je n'ai pas envie de faire de raccourci simpliste (excusez-moi d'avance), je ne suis pas sur que les hauts fonctionnaires aient, de par leur statut, la capacité de comprendre ce qui a pu lui passer par la tete , tout comme les politiques ou encore les belles âmes qui critiquent cette soudaine « notoriété » ; tous ces gens qui, tous les mois, gagnent bien plus qu'un smic. Moi-même, d'ailleurs, je pense être, en tant que fonctionnaire, un peu moins « fragile » que d'autres le sont (même si... m'enfin bon, bref...) ; il n'est donc pas anormal que vous ayez cette vision des choses très terre à terre, voir très idéaliste d'un monde qui ne se définirait que par le bien et le mal, le blanc et le noir. Ce qu'a fait Toni Muselin n'est pas bien. Son acte est condamnable, et je ne doute pas qu'il le sera tôt ou tard. Mais l'homme, l'être humain, ne peut-il pas comprendre (je ne dis pas banaliser, ou encore pardonner) un tel geste ? Ne peut-on donc pas comprendre ceux qui voient dans l'acte de Muselin une espèce de rêve accompli, un acte qu'ils n'auraient pas le courage de faire, s'imaginant, pour autant, assez facilement à la place de ce convoyeur de fond. Bref, avec beaucoup d'argent, en peu de temps ! Bien évidemment, en tant que policier, j'ai fait le choix de faire autre chose ; travailler. C'est, selon moi, une valeur importante. Mais force est de constater que le travail ne rapporte pas toujours à hauteur de l'investissement. D'autres, donc, n'ont pas pu s'empêcher de traverser la ligne blanche. C'est un choix. J'ai fait un choix, vous avez fait un choix, Toni Muselin a fait le sien. Tout simplement. Et s'il se fait prendre, il passera quelques années en prison. Il assumera ; et j'imagine qu'il a déjà réfléchi à tout ca. Il a donc tranché et choisi de prendre le risque. Peut-être s'est-il demandé ce qu'il avait à perdre !

dimanche 1 novembre 2009

le vampire de Nanterre


C'est par cette appellation que ce jeune franco-américain a été présenté par la presse française, au cours de l'année 2004, à la suite d'un drame survenu dans le quartier des provinces françaises, à Nanterre.Ce jour-là, le jeune Rémy Masson se trouve aux abords de la gare RER de Nanterre Université, non loin de chez lui. Il est alors « alpagué » par un homme qu'il ne connait que très peu, qui, lui aussi habite le quartier. Pour des motifs qui demeurent et resteront inconnus, une altercation s'en suit, au cours de laquelle Remy tombe, sous les coups de couteau de son agresseur.
Ce jour-là, j'étais d'astreinte criminelle, avec ma collègue de bureau d'alors. L'auteur des faits, Jean-Pierre Richard, avait été interpellé dans un temps très proche de l'agression, dans le hall de son immeuble. Les policiers de la BAC, parmi les premiers intervenants, n'avaient eu qu'à suivre les traces de sang qui menaient à l'immeuble.  Il s'était retranché dans les hauteurs du hall.
Bien évidement, une fois la scène de crime figée (ou plutôt LES scènes, puisque l'agression s'est déroulée en deux fois), Jean-Pierre Richard a été hospitalisé, puisque lui-même blessé.
L'un des témoins, rapidement entendu, nous avait alors décrit l'agression telle qu'il l'avait vécue ; il avait alors ajouté, dans son audition qu'il avait vu l'agresseur se baisser sur le corps de sa victime, comme s'il lui avait « sucé le sang ». C'est donc de là qu'est partie cette histoire de « vampire de Nanterre ». A vrai dire, encore aujourd'hui, je ne suis pas certain que, lorsqu'il s'est baissé, Jean-Pierre Richard l'ai fait pour sucer son sang ; il était lui-même blessé, et je pense qu'il s'est surtout tordu de douleur, plus qu'autre chose. Mais bon, c'est ainsi que la presse a cru tenir un bon titre, et, certainement, bien se vendre auprès de ses lecteurs.
Bien évidement, les faits sont tragiques.
Quand bien même il était hospitalisé, Jean-Pierre Richard a été placé en garde à vue, dans le cadre d'une chambre hospitalo-carcérale ; il était donc surveillé, de jour comme de nuit, pouvant, au même titre bénéficier des soins adéquats.
J'ai eu l'occasion d'entendre Jean-Pierre Richard, alors qu'il se trouvait à l'hôpital. A vrai dire, l'échange s'est trouvé très difficile, à plusieurs titres. Tout d'abord, il n'était en France que depuis quelques mois, en provenance des Etats-Unis, mais j'y reviendrais. Ensuite, comme je l'ai déjà dit, il était blessé. Mais, effectivement, c'est surtout son état psychologique qui était délicat. Donc, vous comprendrez que, le tout mêlé, il n'y avait rien de facile dans cette audition.
Audition  qui, d'ailleurs, n'a rien amené, si ce n'est que JPR s'est senti plus  victime qu'auteur.
Une chose pourtant m'avait frappé, lors de cette enquête. Hormis les faits en eux-mêmes, au fur et à mesure que nous retracions le parcours de JPR, il était pour moi évident qu'il avait été « lâché » par sa famille.
Ses parents habitaient tous deux les Etats-Unis. Ils avaient inscrit leur fils à l'Université de Paris X, j'avoue ne plus savoir en quelle spécialité. Et, parallèlement, ils lui avaient donc trouvé un appartement à habiter, non loin de la FAC. Et donc, tous les mois, JPR recevait un virement, sur un compte ouvert à son nom, pour payer son loyer et ses faux frais. Il avait, si mes souvenirs sont bons, une tante, qui habitait non loin de Paris ; mais n'avait aucun contact avec elle. Tout comme avec ses parents, d'ailleurs. Bref, JPR était « seul au monde », dans un pays qu'il ne connaissait pas, et dans lequel il ne connaissait personne, et n'avait aucun contact avec qui que ce soit, parlant à peine la langue française.
Contactés très rapidement aux Etats-Unis, après les faits, les parents n'ont même pas daigné se déplacer. Rien. Il me semble que le père avait invoqué l'état dépressif de sa femme pour ne pas venir.
Se pose alors, pour moi, la question de la responsabilité des parents, en de telles circonstances.
Selon moi, elle n'était pas sans connaitre « l'état » dans lequel il se trouvait ; certes, il est question d'abolition, au moment des faits, du discernement,  et non d'absence totale dans sa personnalité. Là, pour l'avoir vu, même si je n'ai aucune notion en psychologie/psychiatrie, j'émets des réserves.
J'en déduis, et c'est une appréciation personnelle, que les parents de JPR l'ont tout simplement lâché, éloigné, comme pour s'en soustraire, en l'éloignant d'eux ; de sorte, ils n'en avaient plus la responsabilité, pouvant alors se prévaloir de  « ne pas savoir ».
Ces parents-là ne seraient-ils pas, non plus, passibles de poursuites ? Ils ont lâché dans la nature leur fils qu'ils savaient, à mon avis, au minimum, quelque peu « dérangé », et au pire fou !
D'un point de vue juridique,  la justice française a estimé, très justement à mon avis, que le discernement de JPR avait été aboli au moment des faits ; il a donc été jugé irresponsable, et n'a pu être jugé par une Cour d'Assise pour les faits qu'on aurait pu lui reprocher, à savoir le meurtre du jeune Rémy. C'est là qu'est passée une loi relative à la rétention de sureté (07 Février 2008).
Ainsi, les proches de Remy ont pu assister à une audience au cours de laquelle, même s'il est jugé irresponsable, JPR a été reconnu comme étant l'auteur du meurtre de Remy ; et de fait, il sera enfermé en hôpital psychiatrique.