Affichage des articles dont le libellé est Actualité judiciaire. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Actualité judiciaire. Afficher tous les articles

dimanche 27 avril 2014

Dans l'oeil du cyclone...

Que ces jours sont difficiles...

Voilà plusieurs années que je "traîne" mes guêtres sur le "oueb", maintenant en 2.0. Forums, blog, Twitter, Facebook... je n'ai toujours eu à l'esprit que de détourner un peu les regards lancés vers le flic "verbalisateur", (et néanmoins nécessaire), et son coté péjoratif, pour expliquer que le rôle de la police était avant tout de défendre. Qu'il y avait, au sein de cette institution, des hommes, des femmes, qui passaient beaucoup de temps à œuvrer pour le bien public, au travers des enquêtes qu'ils conduisent... pour les victimes, et plus largement, la justice.
Et lorsque je dis "passer du temps", c'est bien souvent un euphémisme. Tous mes collègues qui me lisent (il doit bien y en avoir un ou deux) savent de quoi je parle. De celui qui oeuvre, au fin fond de son commissariat, à traiter ses 25 mesures de garde à vue par jour, avec tout le stress, les difficultés que cela implique, jusqu'à celui qui travaille en Brigade Centrale de la Police Judiciaire, y compris dans les offices centraux... avec des missions, plusieurs fois par mois, loin de de ses bases, les heures et jours passés sur des écoutes, des filoches ...
Eux savent ce que sont ces périodes de sacrifices; où l'on donne pour son travail; et c'est forcément au détriment de la vie privée. Mais ces hommes, ces femmes, sont passionnés par leur métier. Et ni eux, ni moi, ne cherchons à être plaints... nous aimons ce que nous faisons. C'est déjà une chance.

Et voilà qu'arrive ce que je ne peux que qualifier de "sale affaire". Une jeune femme, d'origine canadienne, en vacances à Paris, accuse quatre policiers, de la fameuse BRI (Brigade de Recherche et d'Intervention) du fameux "36 quai des Orfèvres" de viol. Faits qui auraient été commis dans le service même, au sein du 36.

De VIOL.... merde, ai-je envie de dire...

Difficile pour moi de parler... si je pense aux collègues, on va dire que je suis "corporatiste", et si je pense à la victime, on va me dire que je porte atteinte à la présomption d'innocence.
Eh bien, je pense aux deux. Que les choses soient claires: s'il y a viol, ces mecs n'ont rien à faire chez nous, et n'ont leur place qu'à un seul endroit. S'il n'y a pas viol, cette accusation est grave, et laissera des traces chez toutes les personnes impliquées. Ce qui est certain, c'est que tout ça laissera des traces au sein de la Police Judiciaire en général.

Par le fait d'avoir travaillé sur des enquêtes de viol, et d'avoir beaucoup discuté, avec énormément de victimes (notamment sur les réseaux) je me permet de faire observer certaines choses, en conservant toute objectivité.

Les procédures traitant de viol, d'agression sexuelle, sont toujours très complexes, rarement "tout blanc" ou "tout noir"... il y a bien souvent beaucoup de gris, et c'est dans ces nuances que se situe la vérité, et c'est là que cela devient difficile... Il n'y a pas lieu de nier quoi que ce soit en rapport avec la victime et ses souffrances. Par définition, traitant de sexe, il n'y a souvent pas de témoin, pas de vidéo. De l'ADN? Oui, parfois. Cela prouve-t-il qu'il y a absence de consentement ? Non. S'il n'y a pas de traces de violences, il devient très compliqué d'établir la vérité. Souvent, on en arrive à la parole de l'un contre celle de l'autre.

On ne sait, à l'heure où je parle, que ce dont la presse se fait l'écho... donc, tout est à prendre avec des pincettes, et il faut faire très attention... Les dernières nouvelles diffusées font état de la mise en examen de deux des policiers, placés sous contrôle judiciaire, et du placement sous le statut de témoin assisté du troisième. Le réquisitoire introductif du parquet viserait les faits de "viol en réunion"(article 222-24 du Code Pénal) et modification de l'état des lieux d'un crime (article 434-4 du code pénal). Bien évidemment, les faits sont graves, et passibles de la Cour d'Assise. Vous l'avez lu, le risque encouru, c'est 20 ans de réclusion criminelle.
 Tous ont été suspendu par le nouveau Ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, ce qui me permet de dire que, ici, administrativement, la présomption d'innocence tombe de manière pleine et entière. Que les policiers ne puissent plus, en l'attente des investigations, ne plus exercer à la BRI ou dans quelque forme judiciaire que ce soit est une chose; Mais les emplois ne manquent pas dans la Police. A l'heure où je parle, je ne sais s'ils sont suspendu avec ou sans traitement.
Mise à jour: après rélfexion, effectivement, la sanction administrative vise plus le comportement administratif des policiers (alcool, intrusion d'une personne étrangère au service, relation sexuelle... que le coté purement pénal en lui-même. Donc, même si la décision est dure, elle parait inévitable. 

Je passerai rapidement sur les déclarations du Ministre qui promet des sanctions si les faits sont avérés, et qui espère que l'enquête va aboutir. Ouep... que dire... tout un programme !
Regrettable, également, la médiatisation en elle-même, qui a pour conséquence directe de faire tomber la présomption d'innocence... Oh, pas juridiquement, mais devant l'opinion. Et c'est certainement pire! Ces faits, très graves, attirent toute la lumière, donnant presque une obligation de résultat et, qu'on le veuille ou non, de mettre une certaine pression sur le dos des enquêteurs ou des magistrats en charge de l'affaire. 
De fait, j'aurais aimé, aussi, une clarification, de la part du parquet de Paris; il a su le faire lorsque des politiques étaient mis en cause, ou en d'autres circonstances... j'aurais aimé qu'il sache le faire. Que quelqu'un, quelque part, rappelle ce qu'est la Police Judiciaire, ce qu'elle représente...


Et j'en arrive à cet article de Stéphane Berthomet qu'il a publié sur son blog (par ici). 

J'avoue être un peu choqué, dérangé par cet article, notamment dans sa conclusion, par laquelle l'auteur raconte que, je cite:

" L’alcool et le comportements débridés y ont été monnaie courante durant des années et si rien ne doit être enlevé à la responsabilité des agresseurs de cette jeune femme, il conviendra, le moment, venu de s’interroger sur les responsabilités de l’encadrement de ces brigades centrales dont les hommes ont souvent tendance à penser qu’ils sont au dessus des lois, protégés par l’aura du fameux «36»
C'est là que l'on verse dans le sensationnel, et je ne puis l'accepter (même si l'auteur reste, bien sur libre de penser ce qu'il veut). Il est tout d'abord le seul, à l'instant où je parle, de parler d'aveux, de l'un des policiers, d'une relation non consentie, c'est à dire d'un viol... soit... il doit avoir des sources. Admettons...

J'ai passé plusieurs années dans l'une de ces "brigades centrales" (elles regroupent, notamment, la BRI, la BRB, la prestigieuse Brigade Criminelle, la Brigade de Répression du Proxénétisme). Cela me permet donc, aussi, d'avoir un avis. Qui vaut ce qu'il vaut, bien entendu, et il n'engage que moi.

Oui, durant cette période, j'ai fait quelques fêtes; pour célébrer la réussite de belles affaires, à l'occasion d'un départ, un événement familial, voir même, parfois sans avoir besoin d'excuse.. Finalement comme bon nombre de personnes, issues de quelque corps de métier que ce soit. Et donc ? Quel rapport avec les faits ? Tous ceux qui passent donc des soirées festives seraient susceptibles d'en arriver au viol ? Alors même que celui-ci n'est pas lié à l’absorption d'alcool, mais à autre problématique. La domination. Allons...

Et que dire de la "tendance à être au dessus des lois"? Oui, les flics que j'ai pu croiser ont, pour la plupart, beaucoup de caractère. Et j'ai pour habitude de dire que, dans ces postes, il est difficile de durer (en tout les cas de manière efficace), sans avoir du caractère, de la volonté, de la pugnacité... et donc ? Qui va-t-on laisser croire que l'on fait ce que l'on veut ? Si une faute est avérée, l'IGPN enquêtera de la même manière, et la magistrature fera son travail, de la même manière. Et cette affaire nous le démontre; personne ne cheche à couvrir quoi que ce soit. Que le policier soit en tenue, ou qu'il soit de la PJ, la loi est la même pour tous.
J'ai eu l'occasion de côtoyer quelques collègues qui peuvent vous parler de ce coté "au dessus des lois". A la sortie, ils avaient plutôt l'impression contraire... 


Alors, que va-t-il se passer ? Je ne parle pas de cette affaire en elle-même. L'enquête suivra son cours, un juge d'instruction est désormais désigné, et poursuivra les investigations, avec l'IGPN. 

J'essaye de prendre de la hauteur, et penser à la PJ en général; d'ores et déjà, l'image que jette cette affaire est juste désastreuse. Devant, déjà, tous les déficits dont nous souffrons au quotidien, nous n'avions pas besoin de cela. Des faits, de cette nature, dans les locaux de police...

J'imagine déjà les notes qui vont sortir, un peu partout dans les services. Principe de précaution oblige, il sera rappelé que les services de police n'ont pas vocation à accueillir les personnes étrangères au dit service. Ces notes seront ponctuées des habituels rappels quant à l'usage d'alcool dans, et hors des services, avec des "tous les manquements se verront dûment sanctionnés".
J'ai horreur du "principe de précaution" qui vise " à tirer la société vers le bas". Pour une faute (aussi lourde soit-elle) commise, on punit plusieurs milliers de personnes.

La notion de groupe, en Police Judiciaire, est, pour moi, primordiale. Plus que nécessaire, vitale. Et qui dit groupe dit nécessairement cohésion. Et ça, et bien cela ne se trouve pas sous le sabot d'un cheval, et encore moins à l'école de Police. Cette cohésion est, pour moi, partie intégrante de l'efficacité d'un groupe. Tout le monde est au même niveau, avec son utilité propre. En PJ, seul, on n'est rien.

Et, au risque de déplaire, je n'ai pas trouvé, à ce jour, meilleure solution pour garder un groupe soudé que de passer quelques moments en dehors des bureaux, autour d'un verre... voire plusieurs. C'est selon...
Et ces instants sont très souvent l'occasion de partager beaucoup de choses; des bons moments, mais aussi  de mettre à plat les "non dits" du quotidien, peut-être parler de certaines erreurs, des reproches qu'on peut se faire... bref, l'occasion de remettre les compteurs à zéro, et tout le monde au même niveau, prêt à aller de l'avant. En somme, de décompresser.

Alors, à celui qui viserait l'encadrement limite complice de cela, je me dis qu'il n'a pas compris l'essence même de ce travail, et n'en a pas saisi la difficulté. Alors que, pourtant, il me semble qu'il a été policier... 

Malheureusement, aujourd'hui, "on" veut des enquêteurs qui soient purement scolaires, liés à la parole scientifique, dénués de tout sens policier, de jugeote, qui soient lisses, sans trop de personnalité... Triste... 

Oui, et mille fois oui, la festivité ne doit jamais mener à des agissements, tels que le viol. Mais je le répète, il s'agit-là (j'insiste, mais si les faits sont avérés) d'un comportement individuel. En un peu moins de vingt ans de police, c'est la première fois que j'entends parler d'une affaire de cette nature... 

Cette sordide affaire jette l'opprobre sur toute une profession, et ne fait finalement que servir tous nos détracteurs. Les premiers responsables sont ceux qui sont mis en cause. S'ils ont merdé, ils vont payer. Et c'est normal. En attendant, prenons garde à ne pas tirer de conclusions trop hâtives, et ne pas "punir" une profession qui n'avait pas besoin de cela, dans des temps déjà bien difficiles.

Je l'ai dit plus haut, tout est dans la nuance. A l'instant où je parle, on peut mesurer que la faute des policiers se situe entre:
- à minima, avoir ramené une femme, dans un local de police, pour y avoir une relation sexuelle (alors que, tout le monde est ivre)

- au pire, ramener une femme, ivre, dans un local de police, et, devant son refus/absence de consentement, lui imposer une relation sexuelle et tenter d'en faire disparaître les preuves.

L'éventail est large. Personne ne connait le contenu exact de la procédure, si ce n'est les quelques policiers et magistrats en charge de cette affaire et, bien sur, la victime.

Donc, il est urgent d'attendre... la fin des investigations, qui doivent être menées avec le plus de sérénité possible. 


la PJ... Bien plus qu'un métier... une passion.

lundi 20 mai 2013

3 ans...

3 ans que ce drame est survenu. Et je me souviens de cette période comme si c'était hier.
Alors que je devais publier un billet tout autre, l'actualité me rattrape...

3 ans qu'Aurélie Fouquet a été tuée alors qu'elle intervenait pour un accident de la circulation.
Accident qui a mis aux prises une bande de malfaiteurs lourdement armés, et qui n'a vu dans le véhicule de police municipale qui approchait, que le risque d'être interpellé. Groupe qui n'a pas hésité à faire feu, à l'arme de guerre, faisant un mort et sept blessés.


Aurélie Fouquet était maman d'un enfant de 19 mois, à l'époque.

Même si j'étais affecté, à l'époque, à la Brigade de Répression du Banditisme de Paris, je n'ai pas participé à l'enquête. Si ce n'est aux multiples interpellations qui se sont déroulées, notamment à Creil.
Jour où, comme de par hasard, Redoine Faid était "absent" de son domicile. La même semaine où un reportage dédié à "Redoine, braqueur repenti" était diffusé sur Canal +". Le hasard ...

Je me souviendrai longtemps de la diffusion de ce reportage. J'étais abasourdi, en voyant les images défiler ... Ce mec qui, tranquillement, racontait comment il avait fait feu sur des policiers à Villepinte, lors du braquage d'un fourgon blindé, en 1997. Aucune once de regret, dans ses paroles. C'en était presque normal, de faire feu. Ce soir-là, c'est une envie de vomir, qui m'avait parcourue le corps, puis la colère. Alors même que son interpellation était programmée la même semaine, alors même que certains d'entre nous allaient se rendre à son domicile pour tenter de l’interpeller, lui enchaînait, narcissiquement,  les interviews et plateaux télé.

Je rappelle tout de même que, chronologiquement, alors même qu'il écrivait son livre, se déroulait cette fusillade qui a coûté la vie à Aurélie Fouquet; meurtre pour lequel il est mis en examen et même suspecté en être l'instigateur. Ce n'est pas moi qui le dis, mais les juges qui l'ont mis en examen. Même s'il reste "présumé" innocent. A l'instant présent, ce mot "présumé", que je suis obligé d'écrire, il fait mal...

Comment, au 21ème siècle, un homme condamné peut-il se construire une notoriété sur ses crimes, un peu comme un héros moderne ? Comment les médias ont-ils pu s’intéresser à cet homme, l'ériger en personnalité publique fréquentable ? J'ose espérer que l'histoire leur aura servi de leçon, mais je n'en suis pas sur.
Plus jamais on ne doit médiatiser ces voyous; tout repenti qu'ils se disent être.
Comment un voyou, tout repenti qu'il se dit être (je me répète, mais j'insiste), peut-il se faire de l'argent sur les crimes commis ?
Cet homme qui va voir Michael Mann, réalisateur du film "Heat" (1996) en lui disant être inspiré par son film. Celui-là même qui va jusqu'à mettre un masque de Hockey sur Glace, lors du braquage, comme dans ce même film ...

Alors quoi ... On braque, on fait feu sur des policiers, au risque de les tuer VOLONTAIREMENT, bien sur, on fait sa petite peine de prison (allez voir cette infographie le concernant, ici) et derrière, on va voir les journalistes, sort un bouquin, fait des reportages télé, et donc, on se fait de l'argent... Directement en lien avec les crimes commis. Comment est-ce possible?
A partir du moment où il est démontré qu'un homme a fait feu sur des policiers, volontairement, on peut logiquement en déduire que cet homme n'a plus aucune morale. Que rien ne l'arrêtera dans sa volonté. Sauf peut-être...

Et, comme un aveu, ayant bien conscience qu'il n'allait pas sortir avant bien longtemps de prison, Redoine Faid s'est évadé. C'est donc dans ces circonstances que l'on se souvient, que l'on rend hommage à cette jeune policière ...

Je ne peux que souhaiter que Redoine Faid soit rapidement retrouvé. Et qu'il réintègre l'endroit qu'il n'aurait jamais dû quitter.
Redoine Faid fait partie ce ces criminels qui ne devraient jamais sortir de prison, qui n'est pas réinsérable. Le croire, c'est se voiler la face, et surtout ne pas le connaitre, ne pas connaitre ce genre d'individu. En tous les cas, tels qu'ils sont. La comédie, pour eux, c'est devenu tellement facile...
Je ne citerai pas de noms, la loi me me l'interdisant, mais j'en ai vu, se construire des emplois fictifs pour sortir de prison. J'en ai même vu un se faire employer dans un cirque.... un pied de nez à tout le système.
Comment dire...
"C'est facile, après", allez-vous me dire... peut-être...
Mais notre système actuel est totalement dénué de moyens de contrôle face à tout ceux qui sortent sur "dossier". On en revient toujours à la même chose... Si tant est que la société,  nos politiques en tête, le veuillent, avec quels moyens ?

 Mes propos choquent très certainement. Mais je les assume. Certains vont me dire que ce billet est "populiste", ou n'est que l'expression de l'émotion, dépourvu de tout sens critique, de tout sens juridique... Mais c'est oublier que la justice, avant d'être des livres, avant d'être des textes... La justice, c'est la vie, que lorsque je cherche définition du mot justice, j'y lis "caractère de ce qui est juste"... Cette notion peut paraître vague, mais tout de même...

Bref, c'est une matinée coup de gueule.... mais, c'est la seule chose qui me soit venue à l'esprit ce matin.
En ce sens, je ne peux que me féliciter des annonces de Manuel Valls; même si, avant-même cela, je n'avais aucun doute quant aux moyens mis en place, et à la motivation des collègues chargés de cette affaire.

Une énorme pensée à Aurélie Fouquet, à son enfant, sa famille... Que l'avenir leur apprenne à vivre avec ce drame.

J'en ai terminé, vous pouvez désormais retourner à vos occupations.



mercredi 3 octobre 2012

Toutes les vérités sont bonnes à dire... y compris en garde à vue


Ah... que ça faisait longtemps.. ah... que ça faisait longtemps.... la bonne vieille marotte!
Voilà que Maitre Eolas nous fait un retour sur la garde à vue à l'occasion de l'affaire qui secoue actuellement le handball français. 
Théoriquement, vous avez lu le billet d'Eolas... mais; si ce n'est pas le cas, allez-y, ici



Comme vous l'imaginez, je ne pouvais m'empêcher de lui répondre... et je vais donc le faire "point par point", afin que je sois certain d'être bien clair.

D'avance, je m'excuse des citations parfois longues, mais il me parait utile détailler mon avis, sur tous les points abordés. 

Déjà, ces joueurs ont donc fait appel, comme vous l'avez dit, à des pénalistes réputés. Il m'arrive parfois de pester contre les voyous que je croise, qui ont les moyens, et on se demande bien comment, de se payer des avocats réputés, dont les honoraires le sont tout autant.
Dans le cas présent, la question se pose moins (encore que, vue l'infraction elle-même...), donc, cela ne me gêne pas. Ajoutez à cela les possibilités qui font que, du fait de la "publicité indirecte" qui leur est faite, les défenseurs peuvent choisir de ne pas se faire payer leurs émoluments.
Ils ont choisi des avocats qu'ils estiment "bons". Soit.
Ceci étant, et j'en ai eu la démonstration hier, vous ne pouvez empêcher l'inconscient de certains, de se dire, et c'est facile, je le concède "ah, ils ont donc quelque chose à se reprocher". Je le répète, c'est un raccourci, soit.
Vous nous faites ensuite remarqué que "tous ont fait le choix, manifestement coordonné...." Ah, ça veut donc dire qu’ils se sont préparé à l'éventualité de la garde à vue; ok, ok... ils ont donc eu le temps d'en discuter, entre eux, avec leurs avocats... bref, on peut donc considérer qu'ils ont eu le temps de coordonner leurs versions! ok, ok... soit!

Ah, un de mes moments préférés.... le pays "droitdelhommiste"... oh, je vais m'attirer les foudres de Jupiter, je le sens... mais je suis d'avis que ce genre d'adjectif (qui n'en est pas un, mais bon, il est employé ainsi) nous cause, chaque jour, plus de soucis que la veille; on veut tellement créer du droit qu'il en devient parfois absurde, voir incongru, et parfois bien loin de ce que l'on imagine être la justice. Ceci étant, je ne peux nier le fait qu'il faut poser des limites à tout, et que c'est bien le rôle du droit que de le faire.... mais nous sommes désormais bien plus loin que ce que l'on peut attendre de la justice. Et notre société est le reflet du droit appliqué.

Ah, mon passage préféré. Si si, je vous assure, je l'adore, celui-là; histoire de bien faire éveiller l'inconscient des lecteurs:
" Le policier est libre, le gardé à vue ne l’est pas (il peut même être menotté au cours d’une audition, alors qu’il est formellement interdit à un juge d’entendre une personne entravée"
Non, vraiment, je l'adore; je pense encadrer ce passage et le mettre dans mon bureau; j'espère avoir un jour l'honneur de vous revoir, Maitre, et peut-être consentirez-vous à me le dédicacer.
Plus sérieusement; à quoi sert ce passage? Pourquoi se sentir obligé de rabaisser la fonction policière... j'ai l'impression que, dans ces mots, il y a, non pas de la haine (je sais bien que ce n'est pas le cas), mais quelque chose d'indescriptible, mais si loin de l'image de la police; dans les faits et dans la réalité. Vraiment; je suis... non pas choqué (il m'en faut un peu plus, désormais), mais désabusé par ce genre de phrase, qui nous renvoie à une image de tortionnaire, encore une fois....Je rappelle que lorsque le policier entend quelqu'un qui est menotté, c'est qu'il estime qu'il y a un danger potentiel; que la personne est susceptible de s'évader ou d'être violente. 

Bon, bref; je sais bien que je ne vous apitoie pas.Mais, non las, vous continuez:
"Le policier fait un service de huit heures et rentre se reposer..." Là, vous lisez dans mes rêves; comment avez-vous deviné? Oh, certes, il est des policiers qui font des journées de huit heures (allez, je vous le concède, il y en a même qui en font moins); remettons les choses à leur place, si vous le voulez: ces policiers (bande de fainéants) lorsqu'ils ne font que ces heures-là, sont donc en "équipe"; c''est à dire qu'ils sont de matin ou d'après-midi. Ils commencent donc très tôt et finissent tard. D'ailleurs, ceux qui sont d'après-midi, font, 90.% du temps, des heures supplémentaires, dans la mesure où, vous ne l'ignorez pas, la garde à vue est limitée dans le temps... eh oui, il est loin, mon rêve, où je ne fait, sur une garde à vue, que huit heures, parce que je sais que j'ai tout le temps que je veux pour procéder aux actes nécessaires...
Donc, ces collègues fainéants qui ne font que huit heures ne représentent donc pas toute l'institution judiciaire. Eux font ce qu'on appelle le "ramassage"; certes, en terme de chiffre de garde à vue, un nombre certain de mesures qui tend d'ailleurs à baisser. Mais toutes les affaires judiciaires que vous pouvez voir au travers des médias, qui sont le fruit de longues enquêtes... toutes ces affaires sont traitées par des policiers qui font bien plus que les 8 heures. Et bien souvent ces heures ne sont pas "notées", et donc ni récupérées ni payées. Ces heures sont faites dans le seul but d'accomplir le travail de la meilleure manière qui soit. Et il n'est pas rare que ces heures se rapprochent bien plus de la vingtaine que des 8 petites heures décrites plus haut.
Attention, je ne cherche pas à faire pleurer dans les chaumières. Je veux juste, encore une fois, remettre les choses à leur place.

ah, les conditions de la garde à vue... un point sur lequel je suis partagé. Souhaiteriez-vous, peut-être, que l'on donne des "étoiles" aux cellules de garde à vue, A celles qui auront la télé, celles qui auront une bibliothèque bien remplie, un large choix de musique, un téléphone.. peut-être un lit double (sait-on jamais, les rencontres dues au hasard....). Non, sérieusement. Je puis concevoir qu'il y a des choses qui ne devraient pas avoir cours.. le minimum étant un matelas propre avec une couverture (et je sais bien que c'est loin d'être toujours le cas), et des toilettes propres. Pour le reste, oui, il s'agit de mesures de sécurité. Et vous n'imaginez pas l'ingéniosité dont savent faire preuve certaines personnes. Je préfère donc prendre le risque d'empêcher 200.000 personnes de lire pendant  24 heures (j'espère qu'elles ne comptaient pas sur la garde à vue pour se cultiver) que d'en voir une seule qui s'est étouffée avec du papier.

"Quand je suis commis d’office pour assister un gardé à vue, je sais que je suis confronté à une personne qui n’a qu’une hâte : que ça se termine le plus vite possible, et qui est prête à dire toutes les sottises qui lui passeront par la tête dans l’espoir que ça se termine".

Le jour où il viendra à l’esprit que la vérité, c'est bien, aussi. Que jamais il n'est demandé à un gardé à vue de mentir. Certes, les questions sont posées, reposées, reformulées, c'est vrai; mais c'est notre job. Et l'on parle bien de vérité, pas d'inventer. Bien souvent, les ennuis commencent avec les mensonges. Et, une fois de plus, les déclarations doivent être corroborées par des éléments, qui sont plus ou moins nombreux, parfois absents, c'est vrai... de là à dire que les enquêtes sont transmises, et jugées avec un "oui, c'est moi, je l'avoue", et point barre... Non.

"Pendant le temps que vous vous languissiez, la police a travaillé".... faites attention, vous pourriez être pris de regrets, que d'écrire de tels mots!

"Le résultat de ces investigations a été consigné dans des procès-verbaux. Le policier les connait. Le procureur les connait. Le juge d’instruction les connait. La presse les connait. En fait, tout le monde les connait sauf deux personnes : votre avocat et vous. Et pourtant, c’est vous qui allez être interrogé sur le contenu de ces PV".

Allez, un brin de mauvaise foi... "tout le monde sauf vous et votre avocat". Ben voyons! 
L'avocat qui assiste aux auditions, avec un un brin de logique, dispose de nombre d'éléments qui figurent dans le dossier. Certainement plus que ce qui fuite dans la presse (fuites qui demeurent une aberration). Pour ce qui est du reste du dossier, vous l'aurez... plus tard... 

"La plupart des questions posées sont des questions dont la police a déjà la réponse".
Ah, une vérité; une vraie. Ce principe sert à jauger, autant que faire se peut, de la bonne ou mauvaise foi de la personne qui nous fait face. 

« Le réflexe des gardés à vue étant de mentir, c’est un jeu de massacre »
Ah, drôle de réflexe, mais soit. C’est vrai ; j’espère que nos handballeurs n’étaient chez leur maîtresse au moment d’enregistrer leurs paris ! Mais, je vous le concède, le mensonge peut vouloir cacher autre chose. Maintenant si comme vous le dites, l’enquêteur connait déjà toutes les réponses, il va pouvoir mettre à l’aise le client, et lui faire comprendre qu’il est informé de la double vie du gardé à vue. Surtout s’il était sur écoute.
Allez, je me livre à un petit tuyau ; je ne devrai pas, mais bon… lorsque vous êtes sur écoute, toutes les conversations sont enregistrées et écoutées. Je dis bien TOUTES. Mais n’apparaitront dans le dossier, retranscrites, que celles qui intéressent l’enquête. Tirez-en les conclusions que vous voulez…

Petit cours d’histoire du droit, sur l’origine de la présomption d’innocence. J’apprends ; comme beaucoup. Soit. Passage intéressant, « la loi punissait sévèrement le faux témoignage sous serment… ». Que l’on revienne à cela, et dès demain, je donne moi-même le dossier à l’avocat, et je le lui photocopie, même. C’est bien là le problème ; jamais on ne sanctionne le mensonge. Qu’il soit devant les policiers, devant le juge d’instruction…. On a beau jeu de dire que la peine est aggravée, si l’auteur est convaincu de mensonge… mais ce n’est pas vrai. Auquel cas, les prisons seraient deux fois plus remplies qu’elles ne le sont.

"Il n’y a que les coupables qui refusent de prouver leur innocence. N’est-ce pas monsieur Aphatie" ?
De mon point de vue, c’est une réalité. Pourquoi refuser ? Ah oui, au nom des sacro-saintes libertés, c’est vrai. Celui qui n’a rien à se reprocher, qu’il souffle. Si, effectivement, cette personne roule à l’eau claire, eh bien quelques instants plus tard, elle pourra repartir.

Vient maintenant ce que je qualifierai d'équivalent au "point Godwin" de la garde à vue! Cela me fait penser que je devrais trouver un terme à ce moment que nombre d’avocats nous servent à toutes occasions… C'est donc à ce moment précis qu'on nous repasse les Richard Roman, Outreau, Dils, Loic Secher…. Oh, ces cas ne me laissent pas indifférent. Loin de là. Mais, je vous rassure, aucun d’eux n’a fait de prison pour avoir truqué des paris sportifs. Bien sûr que ces erreurs judiciaires sont terribles pour ceux qui les ont vécues. Rien ne pourra jamais remplacer cette liberté qu’on leur a prise injustement. Mais combien y a-t-il d’erreurs, sur le nombre d’affaires traitées ? Bien évidemment, qu’il y en qui n’ont pas fait l’objet de tant de publicité, mais au regard de ce qui est traité tous les jours, la statistique est vraiment très faible. Cela n’enlève rien au fait que, celui qui s’est vu injustement condamné, pour lui, c’est du 100%. Bien sûr, qu’il faut tendre à ce qu’il y a le moins d’erreurs possibles. Mais aucun système n’est parfait. Aucun ; ni le nôtre, ni le système anglophone, ni aucun autre. La Justice des hommes ne peut être parfaite, puisqu’humaine.
Mais dire à un gardé à vue de ne pas parler, c’est un peu comme dire au potentiel acheteur d’une voiture de ne pas l’acheter, parce que, tous les ans, il y a des morts sur la route. Ou encore demander au policier de ne pas courir après le voleur, il pourrait se blesser ! Bref, dans tous ce que l’on fait, au quotidien, il y a des risques. Certes, la garde à vue n’est pas du fait de celui qui la subit. Mais, croyez-moi, les garde à vue « injustes » représentent une infime partie du chiffre global. Et, bien évidemment, si on savait à l’avance que la personne était innocente, elle ne serait pas en garde à vue. Mais cela, on ne le sait qu’après. Oui, il y a la présomption d’innocence. Celui qui n’a pas été condamné est considéré comme présumé innocent. Mais là aussi, un vide subsiste. Celui que tous les éléments accablent a droit au même traitement que celui sur lequel des doutes subsistent. Prenez l’exemple du voleur pris la main dans le sac. Eh bien il est considéré comme présumé innocent. Jusqu’au procès.

«  Il suffit pour cela qu’un officier de police judiciaire estime qu’il existe contre vous des raisons plausibles de soupçonner que vous avez commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement. De simples raisons plausibles. Qu’il estime souverainement, il n’existe aucun recours, aucune voie de droit pour contester cette appréciation d’un policier qui va vous coûter jusqu’à 48 heures de liberté ». 
Ah, cet OPJ, empêcheur de vivre en rond ! C’est un peu trop facile, que de décrire la décision de garde à vue ainsi. Certes, c’est la définition du Code de Procédure Pénale. Pour autant, je ne me suis jamais levé, un matin, en me disant « tiens, je vais mettre Bidule en garde à vue ce matin. Pourquoi ? Je m’en fous, c’est moi qui décide ». Ni moi, ni aucun de mes collègues n'avons jamais agi de la sorte ! La mesure de garde à vue fait l’objet d’un avis (même si c’est par mail ou fax) à un magistrat qui, au cours de la mesure va demander à ce qu’on lui rende des comptes sur les éléments . Ajoutez à cela le contrôle administratif qu’exerce la hiérarchie du policier. Chaque mesure que je vais prendre sera, au préalablement discutée avec cette hiérarchie.
Arrêtons donc, une fois de plus, de vouloir faire croire que les OPJ sont des tortionnaires sans aucun contrôle...

« Vous allez être confronté à un policier qui, lui, est convaincu que vous avez quelque chose à vous reprocher. Sa conviction repose sur quelque chose : une raison plausible à tout le moins, un indice, un témoignage, il y a quelque chose. Mais ce quelque chose, vous le ne connaitrez pas. On vous le cachera. On préfère que vous parliez librement, dans l’espoir que vous vous contredirez, que vous direz quelque chose démenti par ce quelque chose contre vous, que vous cacherez quelque chose que la police sait déjà. Et vous vous planterez forcément à un moment ou à un autre. »
Voilà le retour du policier (il n’était pas bien loin) qui n’attend qu’une chose, pouvoir enfoncer, juste parce qu’il l’a décidé au réveil (il devait avoir passé une mauvaise nuit), n’importe qui, pour n’importe quelle raison ! Et pourquoi donc tout le monde se planterait à un moment ou un autre ? De la même manière, il y a des choses largement compréhensibles ; on ne va pas demander le même niveau de détail sur ce qu’il s’est passé dans la vie d’un homme la veille, et sur le souvenir d’une journée de trois ans auparavant !

« … votre premier réflexe sera le plus fatal de tous : vous ne prendrez pas d’avocat, parce que seuls les coupables ont besoin d’un avocat, que cela contrarie visiblement le policier et qu’il vous a laissé entendre que cela rallongera la durée de la garde à vue, ce qui est inexact la plupart du temps, puisque le déferrement dépend d’éléments extérieurs comme la disponibilité d’une escorte et l’organisation matérielle du service : à Paris, le déferrement a lieu entre 18 et 19 heures, même si la dernière audition a eu lieu à 10 heures du matin ». 
J’ai aussi connu le cas d’une garde à vue durant laquelle j’ai dû attendre l’avocat ; et puisque ce dernier est venu plus tard qu’il n’était prévu, le gardé à vue a passé le reste de la nuit en cellule . Mais bon, quoi qu’il en soit, je n’ai jamais déconseillé un gardé à vue de prendre un avocat.

« Par définition, il n’y a pas de preuves de votre culpabilité, puisque vous êtes innocent ».
Alors celle-là, je me la passe dans la tête depuis tout à l’heure… je ne dois pas être bien intelligent, puisque je ne la comprend pas ! Donc, toutes les garde à vue sont des erreurs judiciaires ???  Les prisons sont donc remplies d’innocents !!!! OK, je note…

« La défense s’exerce à armes égales, c’est à dire dossier ouvert, et les preuves étalées devant vous. Vous avez le droit d’être confronté à vos accusateurs et à toutes les preuves réunies contre vous. Ce droit vous est dénié en garde à vue. La seule conséquence à en tirer est de ne pas collaborer à cette mascarade ».

On vous l’a dit, Maitre ; la garde à vue n’est pas contradictoire. C’est ainsi. Et ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais le Conseil Constitutionnel. Tous les éléments seront connus du gardé à vue ultérieurement. Arrêtons de croire que les policiers n’ont qu’une envie, mettre tout le monde en prison. Ce que nous voulons, c’est arrêter les auteurs d’infractions. Cela tombe sous le sens.
« ... quand on se tait, on ne se contredit pas, on ne se trompe pas, on ne s’enfonce pas sans le vouloir »
En tous les cas, "on" ne s’explique pas. Donc, une raison de plus pour l’enquêteur de se dire qu’il y a quelque chose à cacher. Et, si le magistrat était indécis, peut-être la goutte qui va remplir le vase, et conduire à une incarcération. Alors que répondre aux questions aurait pu clarifier la situation très rapidement.

Enfin voilà, Maitre Eolas, vous nous refaites le procès de cette mauvaise police, contre tous ces gens innocents. Je ne reviendrais pas sur les raisons matérielles, de sécurité, d’organisation, qui font que l’accès au dossier ne doit pas vous être autorisé (même si tout le monde semble convaincu qu’il le sera un jour).  Jamais, dans votre billet, vous ne parlez de vérité. Ni de mensonge, d’ailleurs ! Que le gardé à vue mente ou dise la vérité vous indiffère  Une fois encore, votre intérêt, en tant qu’avocat, et ce n'est pas un reproche, juste un constat, n’est pas la vérité. Il est de satisfaire votre client, de faire en sorte qu’il soit le moins durement « punis ».
N’inversons pas les rôles. 


Pour ce qui est de nos champions du monde, je ne porterai pas de jugement sur le fond. Nous verrons bien l’issue de cette affaire. Une chose est certaine. Nous sommes passé, et là, je vous rejoint, de l’âge d’or du handball à l’âge de glace. Je suis de ceux qui pensent qu’il devrait tout simplement être interdit de donner tant de détails sur les affaires en cours ; surtout si elles sont de nature à faire l’objet d’une médiatisation plus qu’à la « normale ».
Cette affaire est sortie voilà quelques mois, déjà ! Tout était écrit ; à partir du moment où la presse s’est faite l’écho d’une supposée tricherie, la machine était lancée. C’est, de fait, la presse elle-même, qui a piégée les joueurs. Une fois l’affaire dans les journaux, les joueurs auraient visiblement paniqué, et passé des coups de téléphone plus qu’à l’habitude, en faisant état de l’affaire. Bref, c’est lors de ces instants qu’ils ont été les plus crédibles.  Quelle a été la teneur exacte de leurs propos ? Seuls les enquêteurs le savent. Les enquêteurs… et les parties prenantes au dossier.
Nous verrons bien, d’ici à quelques mois, l’issue de cette affaire. Mais, quoi qu’il arrive, innocents ou coupables, les joueurs auront été lynchés. 
Pour ce cas, on ne peut pas "refaire le match". 

samedi 28 avril 2012

Quelle intervention pour quel(s) risque(s)?

Nous voilà au beau milieu du premier grand week-end du mois de Mai.
Et, comme d'habitude, une information en a remplacée une autre. La police et ses demandes, ses inquiétudes, sont déjà loin, derrière le temps médiatique.
Avec l'avantage de redonner un peu de sérénité à l'instruction en cours. Sérénité nécessaire (j'insiste) à l'indépendance de toute justice.

Il n'en demeure pas moins certaines revendications qui se font jour, tout du moins au yeux du "grand public", à l'occasion de faits, souvent tragiques, tels que celui que nous venons de vivre.

Dans mon précédent billet, je m'étais volontairement arrêté au fait divers de Noisy et la manifestation qui s'en est suivie, sur les Champs-Elysées.
Le lendemain de la mise en examen de notre collègue, les candidats à la présidentielle ont reçu des collectifs ainsi que les principales organisations syndicales policières.
Est alors arrivée une demande, à l'initiative (corrigez-moi si je me trompe) du syndicat Alliance Police Nationale (second syndicat chez les gardiens de la Paix). Il est question de "présomption de légitime défense". Selon le secrétaire général du syndicat, Jean-Claude Delage, cette présomption consisterait à protéger le policier; le magistrat instructeur devant alors apporter, de son coté, que le policier a fauté dans son intervention. Cette proposition a été reprise par le candidat UMP, alors qu'il semblerait qu'elle figurât, initialement, dans le programme du Front-National. De son coté, il semblerait que le candidat socialiste sn'ai pas pris position en faveur d'une telle mesure.
Selon Maitre Eolas, dans son dernier billet, cette présomption ne passerait pas le Conseil Constitutionnel, puisque portant atteinte au principe d'Egalité des citoyens. De plus, toujours selon l'avocat, cette présomption ne changerait rien à la pratique procédurale, dans la mesure où rien n'empêcherait le magistrat de mettre en examen le policier, voir de demander son placement en détention provisoire. Je ne suis pas juriste à ce point pour savoir s'il a raison. Je fais simplement remarquer l'avis d'un juriste.
Pourtant, il y aurait tout de même, selon moi, certaines choses à changer.

Avant tout, les policiers devraient, dans de telles circonstances, être administrativement protégés, en conservant leur salaire; sans qu'il y ai une telle incertitude, comme cela a été le cas, pendant au moins trois/quatre jours, avant que le ministre n'intervienne positivement face à cette requête. Le temps de l'instruction, s'entend.
J'ajouterai, à titre personnel, que l'éventuel empêchement d'exercer la fonction de policier, que peut être amené à décider le magistrat, pourrait être "limité" aux fonctions de la police dite "active". C'est à dire tout le domaine susceptible de toucher au judiciaire. De sorte, toujours durant ce temps de l'instruction, le fonctionnaire pourrait être utilisé à un emploi administratif (ils ne manquent pas, dans la Police Nationale, voir l'administration).

J'y vois plusieurs avantages:

  • le fonctionnaire conserve un "emploi", ce qui lui évite d'être mis au ban de la société, renforçant de fait la présomption d'innocence
  • il ne reste pas chez lui à se ronger les sangs; quand bien même cela ne lui évitera pas de gamberger. Mais il aura au moins une "occupation"
  • cela contribue au fait que le salaire versé par l'administration viendra tout de même en rétribution d'un travail; il y a donc une certaine cohérence
Si cela pouvait se mettre en place, cela serait déjà un "acquis". Est-ce que cela suffira, je ne sais pas! 

Une chose est certaine. Je parcours, depuis hier, quelques sites dédiés aux policiers. Et il semblerait que certains mouvements se mettent en place, ici ou là. Ainsi, des collègues s'abstiendraient de prendre des initiatives, ne faisant que répondre aux "appels". Ainsi, plus d'interpellations de leur propre initiative, plus de contraventions... 
On pourrait en arriver à des situations selon lesquelles un policier voyant un malfaiteur prendre la fuite ne ferait rien d'autre que signaler son passage et direction de fuite; sans chercher à l’interpeller. Et ce pour éviter de prendre un quelconque risque. 
Je sais que cela peut paraître absurde à certains, pour ne pas dire autre chose! Mais si les policiers ne sentent pas qu'ils ont un minimum de protection, eu égard aux risques qu'ils prennent, eh bien ils feront ce qu'il faut pour travailler à hauteur de la protection qu'on leur donne. 

Je n'ai pas d'idée précise quant à ces mouvements; là encore, je suis partagé; entre raison et sentiment. La seule chose qui me vient à l’esprit: gare à la récupération, aux manipulations.

Encore une fois, le policiers ne demandent pas un permis de tuer. Loin de là. Mais qu'on prenne en compte le fait que, dans certaines situations délicates, tout va très vite. 
Lorsqu'un homme porte sur lui une arme, il faut bien avoir à l'esprit que celui-ci a choisi de prendre des risques. Et il le fait en toute connaissance de cause. Lorsque, à un moment donné, il braque son arme vers quelqu'un (policier ou non), il franchit un nouveau pas. Encore une fois, en connaissance de cause. En utilisant une arme, nouvelle escalade...
Le policier qui arrive sur cet entre-fait n'a, lui, pas choisi de faire prendre un risque à qui que ce soit. Il arrive, au contraire, pour faire cesser l'infraction, pour qu'il n'y ai plus de risque... pour personne. Et ce, au péril de sa vie, faut-il le rappeler! 
Et nous nous retrouvons dans un état de droit où, face à cela, dans une situation qui n'a durée que quelques secondes, parfois moins, c'est le policier que désigne, que l'on accuse d'être un criminel. Quand bien-même il a droit à la présomption d'innocence. 
Je pose une question simple: qui a voulu cette situation? Le policier ou l'homme armé? 
Ne faut-il pas faire la différence entre un coup de feu tiré sur un homme, au hasard, dans la rue, et une intervention de police sur un homme armé?

Alors oui, je l'avoue; je n'ai pas la solution idéale. Que faire? Quel texte, Je n'en sais rien. Peut-être n'y a-t-il, finalement, pas de solution. 

J'ai bien conscience que toute affaire fait quasi systématiquement l'objet d'une instruction; et que ces enquêtes, à charge et à décharge, sont susceptibles de donner lieu à un procès, où, non seulement, on va juger de la responsabilité de chacun, mais aussi jauger des circonstances qui, à coup sur, emporteront une condamnation plus ou moins lourde... voir pas de condamnation du tout! 

Enfin, doit-on juste se dire que, après tout, les policiers doivent être mieux "formé" pour faire face au risque? 

Pas sur que cela suffise! 

Bref, plein de questions... qui pour donner des réponses?

vendredi 27 avril 2012

Entre raison et sentiment

Voilà maintenant deux jours qu'un fait divers mettant en cause un policier est au devant de l'actualité. Ce n'est jamais très bon signe pour l'institution, mais c'est ainsi. Et, pour le coup, le fait qu'il surgisse en pleine campagne du second tour de l’élection présidentielle n'arrange rien.

Pour rappel, samedi dernier, la police est informée de la présence d'un individu recherché dans un quartier de Noisy le Sec. Quatre policiers arrivent sur place. Trois d'entre eux descendent à pied, et le conducteur reste à bord de son véhicule. C'est pourtant lui qui va se retrouver nez à nez avec l'individu recherché.
Une poursuite entre les deux hommes s'engage. Ce qui se passe exactement ne nous est pas connu, puisque nous n'étions pas sur place. Ni vous, lecteurs, ni moi-même, policier.
Pour autant, de ce que l'on sait, via la presse: l'individu était en possession d'une grenade et d'une arme de poing. Le grenade, on ne sait s'il l'a jetée en direction du policier, ou s'il s'en est débarrassée. Toujours est-il qu'il aurait menacé le policier avec son arme.
Par ailleurs, d'autres choses sont certaines: l'individu recherché a été condamné pour braquage (s?) et n'a pas réintégré la maison d'arrêt de Chateaudun... depuis 2010.
Une chose est claire: l'homme initialement recherché est mort par balle. Le policier en a tiré quatre. L'autopsie aurait révélée un orifice d'entrée dans le dos. Fonction des sources, il s'agit d'un orifice horizontal, ou un ricochet, selon l'avocat du policier.

Comme cela arrive, et c'est bien normal, immédiatement après les faits, l'enquête a été confiée à l'IGS, sous la conduite du Parquet de Bobigny. Et le policier qui a fait usage de son arme, a été placé en garde à vue.
Le Parquet a ensuite demandé à ce que soit déféré le policier; par le biais d'un réquisitoire introductif, il a ouvert une information et demandé la mise en examen du policier pour "violences volontaires ayant entraînées la mort sans intention de la donner". Le Juge d'Instruction désigné est allé plus loin et mis en examen le policier des chefs d'Homicide Volontaire, avant de le placer sous contrôle judiciaire.

Une fois la décision rendue publique, de nombreux policiers se sont réunis à Saint-Denis, puis ont décidé de faire mouvement vers le Ministère de l’intérieur. Ce sont donc environ cinquante véhicules de police (sérigraphiés et banalisés) qui se sont retrouvé sur les Champs Elysées, bloqués dans leur progression par les Gendarmes Mobiles.
Il semblerait, selon le journal "Libération" que cette manifestation spontanée se soit déroulée à l'appel de certains syndicats, et que, selon "Europe 1", le policier en question serait délégué du syndicat majoritaire chez les policiers, Unité SGP Police.

Et nous voilà dans une énième confrontation policiers/magistrats. Le tout, alimenté par certains politiques.
Les premiers dénonçant la qualification retenue par le magistrat instructeur, et les second la remise en question, par les premiers, d'une décision de justice.
Alors oui, c'est vrai, c'est la deuxième fois que les policiers manifestent, remettant en cause une décision de justice (2010).

Et je me retrouve, là, en étant très partagé. Vraiment.

Pour le cours de droit, je vous renvoie au billet d'Eolas, plus prompte que moi à la réaction.
Et, pour mémoire, je vous renvoie aussi à un billet que j'avais publié voilà quelques temps, ici, sur le thème de la légitime défense des policiers.

Je le disais, je suis partagé. Oui, je comprend, et je bois les paroles de @DeCleec, je cite (avec son autorisation):
Sur la critique : non seulement on a le droit d'être en désaccord avec une décision de justice, mais on a même le droit de le dire, de le chanter sur tous les tons, d'en faire des alexandrins ou des billets de blog. ;) Ce qui est inacceptable est de le faire en abusant de sa qualité de fonctionnaire pour faire pression en masse sur un juge (tout simplement parce que ça porte atteinte à l'indépendance de la justice) En quoi l'exaspération joue la pertinence d'une qualification pénale ? Comme tous les professionnels qui rencontrent des difficultés, c'est le job des syndicats de faire remonter les problèmes à leurs responsables. Sur les conditions de travail, (...)  je conviens tout à fait que c'est chaud. Mais ça n'a aucun rapport avec le choix d'une qualification.  Et on ne peut pas violer la loi en raison de ses sentiments (ce que tout en monde se tue à expliquer aux délinquants à longueur de temps). Il (...faire pression sur un juge) n'est pas acceptable et encore moins de la part de policiers qui sont chargés de faire respecter la loi (et sont des gens qui savent se maîtriser mieux que n'importe quel quidam). J'observe d'ailleurs que beaucoup de policiers sont bien conscients que la justice doit être indépendante et désapprouve ces méthodes, donc pas de généralisation de toute façon. Et, encore une fois, je ne dis pas que la décision est bonne (je n'en sais rien je le répète) mais que les pressions illicites ne sont pas de mises dans un État de droit.... Et la présomption d'innocence figure parmi ces principes protecteurs,de même que l'indépendance des juges. Et je trouve grave de porter atteinte à l'un comme à l'autre de ces principes.

Voilà qui est dit; et ces propos sont extraits de l'échange que nous avons eu tous deux ces dernières heures.
Voilà donc ce qui résume assez bien le sentiment des juristes que je croise, notamment sur Twitter.

Avant tout, il faut bien distinguer deux problématiques différentes:

  • les faits en eux-même, qui ont conduit au décès d'un homme, entraînant la mise en examen d'un policier.
  • la résultante, les manifestations de policiers. 

Tout d'abord, une précision: j'ai pu lire une réaction au fait-divers en lui-même, qui m'a choquée: le fait qu'un policier soit à l'origine du décès de cet homme serait la résultante de la politique de Nicolas Sarkozy; sous-entendu que les policiers se sentiraient impunis parce que se trouvant sous l'autorité de Nicolas Sarkozy, Président de la République, ou Ministre de l’Intérieur. Et c'est donc cette impunité qui conduirait les policiers à faire feu plus facilement. Que penser de ce genre de réaction? Que c'est de la politique poubelle. Justement ce que la majorité des électeurs ne veulent plus. Je précise que, en courant derrière un malfaiteur recherché, le policier ne se demande pas s'il sera plus ou moins puni, fonction de la personne au pouvoir! Stupide. On ne peut pas non plus relier cet incident à la politique du chiffre, ni même la RGPP et donc au manque d'effectifs. Il pourrait y avoir dix mille policiers de plus; le jour où l'on se retrouve face à un homme armé, fonction de la situation, il y a une décision à prendre. Bref, il faut que cela soit clair, le fais divers n'a rien à voir avec de la politique. Laissons-le, aussi gravissime soit-il, à l'état de fait divers. Et n'en tirons pas des conclusions politiques. Après, que chacun des candidats à la présidentielle s'exprime sur le sujet parait inévitable et ne pose aucun problème.


Acte I: 
Le fait divers: la mort d'un homme, recherché, sous les coups de feu d'un policier

Il serait bon que certains "observateurs" prennent un peu de recul. Nul ne sait comment il réagirait, placé dans la même situation. Il y a très peu de personnes qui savent vraiment ce qui s'est passé. Le policier, et, peut-être des témoins. Donc, prudence dans les jugements hâtifs des observateurs.
A cela, j'ajoute que la Seine Saint-Denis est un département particulier; le travail y est encore plus difficile qu'ailleurs. Où pas une intervention n'est banale. Pas une qui n'est pas susceptible de finir en pugilat. Et parfois même sans qu'il n'y ait besoin d'une intervention!
Il faut ensuite comprendre une autre chose: il n'existe aucun autre métier, en dehors des policiers/gendarmes/douaniers, où, pour faire son métier, et défendre la société, un homme risque d'aller en prison. Oui, des policiers, mauvais, il y en a. Mais on ne peut pas mettre dans le même sac celui qui a volé, ou frappé indûment et le policier qui agit ou réagit "en intervention", devant prendre une décision, qui tient plus du réflexe qu'une pure réflexion juridique. Alors oui, bien sur, ce réflexe est conditionné par la formation et l’expérience. Mais surtout l'instinct de survie. Et lorsque l'on se retrouve en pareille situation, c'est bien un effet tunnel, qui absorbe le mental.
Donc, attention aux conclusions hâtives. Je rappelle juste que la personne en face n'était pas non plus un voleur de bonbons, mais bien un délinquant "professionnel"; et c'est un paramètre à prendre en compte également. D'ailleurs, à ce titre,  Le parisien nous en dit un peu plus sur l'homme en question et son passé. Et je vous invite à lire les commentaires à l'article, qui, je l'avoue, m'ont sidéré.
Mais, attention: rien n'autorise de tuer quelqu'un froidement sous le seul prétexte qu'il s'agit d'un délinquant. C'est quelque chose qui est très clair. Il ne s'agit donc pas de trouver une excuse.
Il faut juste avoir tous les paramètres en sa possession pour se rapprocher au plus juste de la situation.

Acte II:
Les manifestations de policiers

Avant toute chose, il ne faut pas voir dans l'attitude des policiers qui ont manifesté une envie d'impunité, ce n'est absolument pas le cas. Ils ne demandent qu'à être "compris", et c'est bien ce sentiment qui les a fait manifester. Ces policiers ont, avant tout, voulu faire preuve de soutien vis à vis d'un collègue. Parce qu'ils savent que demain, dans deux jours, un mois, ils peuvent être exactement dans la même situation que lui, que ça peut leur arriver également. Et que, sur une intervention, ils peuvent perdre, sans même parler de leur travail, ou de prison, tout moyen de subsistance pour leur famille. Et cela n'est pas acceptable.
Ces policiers ont donc fait part de leur incompréhension; non pas du fait que le policier soit mis en examen, cela paraissait inévitable. Mais plus au regard de l'infraction retenue, l'homicide volontaire, qui parait effroyablement dure. En effet, par cette qualification, on imagine que le policier a volontairement tué l'homme qui lui faisait face, et que ce n'était pas juste pour se défendre. Qu'il a donc VOULU, délibérément, le tuer.
Les policiers auraient plus admis qu'on se demande si le policier avait pu tirer des coups de feu ayant conduit au décès de la personne, sans qu'il l'ai souhaité. Ce qui correspondait aux réquisitions initiales du Parquet. Renseignements pris auprès d'un parquetier (merci @Proc_Gascogne), il semblerait que la Cour de Cassation demande au Juge d'Instruction de "donner aux faits la plus haute qualification possible". Il semblerait qu'il soit plus aisé juridiquement, à un Juge d'Instruction d'abaisser, au cours de ses recherches, la mise en examen que l'inverse.
La deuxième chose qui a conduit les policiers à manifester, relève du ras le bol. L'impression de n'être écouté et surtout entendu, par personne, voir, parfois d'être des cibles plus qu'autre chose. Et ça, oui, cela relève plus de la politique. Ajoutez à cela des problèmes récurrents sur ce département de Seine Saint-Denis, où semble règner, pour le moins, une forme d'incompréhension. Certains, comme Bruno Beschizza, ancien syndicaliste policier, désormais élu UMP, parlant de "la culture de l’excuse envers les voyous".
Les policiers ont tout particulièrement l'impression d'y être jugés plus sévèrement que les délinquants; au-delà même de l'aggravation pénale liée à leur fonction. Est-ce une réalité?
Le problème n'est-il pas bien plus profond s'agissant d'un département bien plus criminogène qu'un autre? Pour résumer, prenez un vol à main armée jugé à Bobigny, et, exactement le même au fin fond du Larzac. Dans le second cas, la peine prononcée sera bien plus importante que dans le premier. Et cela découle du fait que, nombre d'infractions deviennent presque banales, et perdent ainsi de leur importance, noyées dans la masse.

Mais je m'égare...

Tout ça pour dire que, au delà même de la manifestation, toute aussi illégale qu'elle soit (je rappelle qu'il n'y a eu aucun incident, et aucun préjudice, pour personne), il y a quelque chose à comprendre... Il peut y avoir des principes importants de droit, de tout ce que l'on veut... Il y a, derrière, la réalité et des hommes qui, finalement, ont peur. Peur pour leur famille, parfois leur vie, alors qu'ils travaillent au service des autres, avec des bouts de ficelle...

Enfin, selon moi, cette manifestation aura eu au moins un mérite, et non le moindre: notre collègue se voit maintenir son salaire, durant l'instruction. Ce qui n'était pas forcément évident avant.
Mais, @titetinotino (j'en profite pour glisser l'adresse de son blog, ici) a raison: il ne faudrait pas que ces manifestations deviennent habitude.
Manifester son exaspération "à chaud" de manière exceptionnelle est une chose que je peux concevoir (même avec des réserves). En faire quelque chose d'habituel lui fait perdre tout son sens et la crédibilité liée au message que l'on veut faire passer.
Mais parfois, raison et sentiments se mélangent...

Pour conclure, je retranscris ici une nuance qui m’apparaît importante, et qui m'a été soufflée par un twittos:

"La réaction de manifester des policiers était illégale. Etait-elle, pour autant, illégitime?"







jeudi 22 mars 2012

Toulouse: le dénouement

Nous venons de vivre le dénouement, à Toulouse. Mohamed Merah est donc mort. Il aura résisté, occasionnant des blessés du coté des hommes du RAID.
Mes pensées, à cet instant, vont vers mes collègues. Souhaitant que cela ne soit pas trop grave.

Ma seconde pensée va vers Mr Urvoas qui, dans un tweet, a, en quelque sorte, fustigé le RAID, je cite "... pas capable en 30h d'aller chercher un individu seul dans un appartement?".
J’espère que c'était ironique, comme cela m'a été dit! Pour un homme annoncé comme potentiel futur Ministre de l’Intérieur.... c'est honteux... c'est toujours facile, dans son petit siège! Honteux...

Courage aux collègues du RAID.

mercredi 21 mars 2012

Toulouse: quelques éléments de MA réflexion. A chaud.

Voilà une semaine complète qu'une bonne partie du pays est en émoi; pour le moins médiatiquement.
Il y a quarante huit heures, nous apprenions que le parquet antiterroriste, ainsi que la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) étaient saisis de l'enquête. Pour faire suite à l'assassinat (n'ayons pas peur des mots, c'était bien prémédité) aux abords, et à l'intérieur d'une école juive de Toulouse.
Nous nous retrouvons là, face à ce que je qualifie de nouveau phénomène de l'ultra-médiatisation d'un fait divers.
Les chaines d'information classiques, celles qui relayent de l'information en continu, les réseaux sociaux, nos propres vies en société. Bref, où que l'on soit, on entend parler de cette affaire. Je l'accorde, c'est bien plus qu'un fait divers, dont il s'agit.
Et, depuis quarante huit heures, plusieurs choses m'ont marquées.

Les profils "psychologiques"

Tous les médias qui ont besoin de combler le "vide" relatif à l'absence d'information se sont senti obligé de recourir à l'aide de psychologues; chacun se voyant demandé de faire une espèce de profilage de l'auteur de ces tueries. Ce sont des voix presque unanimes qui dirigeaient leur conclusions vers les réseaux "néo-nazis".
Badaboum. Quelques heures plus tard, l'enquête révèle qu'il s'agit en fait d'un homme qui se réclame des mouvances salafistes et/ou djihadistes. Voilà juste ce que l'on risque à vouloir tirer des conclusions trop hâtives et combler le temps d'antenne. J'y ajouterai ma petite note personnelle en disant que, à partir du moment où l'on saisit la DCRI, il y a une quasi incidence sur le fait qu'il devait s'agir de terrorisme.
Et, une fois de plus, cela met en lumière la fragilité de ce qui a trait à la psychologie.

Le traitement journalistique

Les journalistes sont avares d'informations. Et c'est leur job, me direz-vous. C'est évident.
Et pourtant, un jour, il va falloir que tout le monde comprenne que certaines informations n'ont vocation à être diffusées en l'état, et qu'il y a, pour certaines d'entre elles, un "moment" à choisir.
Quelle n'a pas été ma colère de voir relayée, dans toute sorte de presse, plusieurs types d'information relatives à l'enquête en cours. Tout a commencé par l'interview d'un témoin du meurtre de l'un des militaires; c'est ensuite l'information selon laquelle le scooter était bien volé, et que c'est bien le même qui a servi à chaque fois. On ensuite commencé à bruisser les informations selon lesquelles d'anciens militaires seraient suspectés.
Est-ce que les médias qui diffusent cela se demandent quel peut être l'impact de ce qu'ils racontent sur l'enquête en cours? Est-ce qu'ils se demandent si, à un moment donné, ils ne risquent pas de compromettre cette enquête et les éventuelles avancées des enquêteurs?
Part-on systématiquement du principe que l'auteur des faits est totalement isolé, qu'il ne regarde pas les informations?
Et ce sont des questions, et encore des questions, qui sont posées aux autorités; qu'elles soient politiques ou judiciaires. C'est une telle pression.
Il n'y a qu'à voir le loupé de ce midi, 21 Mars, ou la confusion a régné pendant quelques minutes. Certains médias annonçant la réédition de l'homme retranché. Information confirmée, puis infirmée.
Pour finir, avec un peu de recul, je me suis dit que certaines informations ont été données en "pâture" aux médias. Notamment certaines détails sur des pistes abandonnées. Ce qui m'a fait écrire, sur Twitter que, pendant que les médias farfouillent par là, eh bien ils ne sont pas ailleurs.
J'ai encore hurlé, en tombant, un peu par hasard, sur la fin du journal télévisé du soir; le journaliste se faisait le témoin d'une scène dont il avait été témoin. A savoir le repositionnement des hommes du RAID autour du domicile; et le journaliste, de préciser "certains sont passés par devant, d'autres par derrière". Ben voyons.
Alors oui, je le sais; l’électricité a été coupée, le gaz... donc certainement l'homme n'a-t-il plus les moyens d'avoir cette information. Mais, en sont-il certains?

Ces journalistes, avares du scoop absolu ne peuvent-ils pas comprendre que se joue, là, quelque chose de plus important que cette information? Quelque chose qui se rapporte tout simplement à la vie, d'une manière générale.

La présomption d'innocence

Ma dernière réflexion est un peu plus juridique. Je ne suis pas un spécialiste de la Constitution; certains n'auront remarqué. Soit, je l'admet. Et alors, je n'ai pas le droit de me poser des questions?
Toujours est-il que, j'entend, à longueur de journée parler, toujours au sujet de cette affaire de "présumé innocent". Et là, je me dis "mais quelle hypocrisie"! n'y a-t-il pas un moment, où ce statut doit cesser? Où, exactement, se trouve la présomption?
J'ai trouvé la définition du mot présomption: "Jugement fondé non sur des preuves, mais sur des indices, des apparences, sur ce qui est probable sans être certain"
Je vois d'ici, les bien pensants, qui vont me parler de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, et son article 11, du préambule de notre Constitution, qui fait référence à la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Bref, j'ai conscience que de nombreux textes posent ce principe.
J'en reviens à l'affaire qui nous occupe; donc, on estime, là, qu'on n'est pas sur? Arrêtons, enfin....
Je me répète, mais il ne s'agit-là que de pure hypocrisie.
Alors, me direz-vous, qu'est-ce que cela change?
Le simple fait d'entendre, toutes les deux minutes "présumé innocent" ne m'est pas audible, concernant, en particulier, cet homme. Certes, je ne suis pas l'enquêteur, et encore moins le magistrat chargé de l'enquête. De fait, je n'ai pas connaissance de tous les éléments. Soit.
Mais, à un moment donné, tout ce qui est accumulé devrait pouvoir faire en sorte que le statut juridique de la personne considérée change. Pourquoi pas sur une décision simple d'un magistrat!!!!
Enfin, c'est mon avis.

Le travail de la D.C.R.I

Au cours de la journée, l'information selon laquelle l'homme qui est à cet instant retranché, avait fait l'objet de surveillances de la DCRI, a circulé.
D'aucuns en déduisant, à mots couverts, que ce service avait "fauté", puisque l'homme était en liberté, et qu'il avait pu acquérir des armes en toute liberté.
A ceux-là, j'aurai quelques remarques: avant tout, ce sont souvent ces mêmes personnes, qui hurlent au scandale qui, d'habitude poussent des cris d'orfraie lorsque l'on atteint aux libertés. A un moment, il faut savoir ce que l'on veut! Mais, bien sur, c'est toujours pareil; on commence à s’inquiéter dès que le risque se rapproche.
Seconde remarque: l'individu était donc sous surveillance de la DCRI. Soit. Avant tout, le mot "surveillance" est très général, en la matière! Imaginez que, pour surveiller un seul homme, en continu, toute l'année, il faut nombre de policiers. Ensuite, depuis quand cet homme est-il connu? Quand se sont passés ces "stages"? Et si c'était il y a plusieurs années? Aurait-il fallu le suivre, tout le temps, semaine après semaine, mois après mois...
 Multipliez cela par le nombre d'hommes susceptibles d'être surveillées... bref, cela devient vite impossible. D'autant que le niveau de surveillance peut changer, dans le temps. Fonction du degré de dangerosité avéré.
Maintenant, si on décide qu'il faut interpeller toute personne qui a fait un séjour en Afghanistan ou au Pakistan... soit. Ce sera fait. Mais il faut juste savoir ce que l'on veut.
Nous sommes dans un système judiciaire qui demande toujours plus aux policiers; plus de preuves, plus de contrôle, plus de résultats... avec toujours moins de moyens, et plus de risques d'erreurs.... Bref, c'est un peu schizophrène. Mais, ai-je envie de dire... on commence à avoir l'habitude. Malheureusement.

A l'heure où j'écris ces quelques lignes, cette affaire n'a pas connue son dénouement. Une chose est certaine (ou presque): cet homme ne fera plus de victimes. Innocentes, ai-je envie de dire; même si, comme on me l'a souligné le terme de "victime coupable" n'existe pas. Je pense surtout aux collègues intervenants; en espérant qu'ils en finissent, et surtout sans "dégats".

mardi 29 novembre 2011

Tueurs de flics


Mon titre, s'il apparait "agressif", est volontairement provocateur. En effet, alors que je suis tranquillement devant mon ordinateur, à écrire ces quelques lignes, un de mes collègues de Vitrolles se trouve toujours, selon l'expression médicale "entre la vie et la mort"; pour certains, dans un état "désespéré". Et tout ça pour? Un cambriolage au butin "misérable".
Voilà donc des mecs qui montent au casse armés de Kalachnikov.
Autrement dit, une arme de guerre, un fusil d'assaut, considéré par certains comme la meilleure arme individuelle jamais conçue (1945), caractérisée par son chargeur dit "courbe". Je l'écris à nouveau, pour être sur que tout le monde a bien lu "ARME DE GUERRE". Et ce n'est pas moi qui ai choisi cette classification
kalachnikov

Habituellement, nous, policiers, avions à faire à ce type d'arme sur des affaires de grand banditisme, comme les braquages de fourgons, ou de centre-fort. La "voyoucratie moyenne" se "contentant" d'une arme de poing, type revolver. Et encore, lorsqu'elle était armée. Surtout pour un cambriolage.
C'est à l'occasion de ce type de fait divers que l'on s'aperçoit que la délinquance, disons même la criminalité, se radicalise. Kalachnikov, fusils à pompe, ne sont plus rares, et circulent en nombre.
Et, non seulement ils circulent, mais ils sont utilisés. Il arrive même que l'on trouve des lance-roquette!
De telles armes sont accessibles pour deux mille euro! 
On le savait déjà, la police ne fait plus peur. J'en reviens là à mon billet du 31 décembre 2009;  je vous parlais de ce policer, qui avait été renversé de manière volontaire, par deux cambrioleurs en fuite, en Seine et Marne (l'un des protagonistes ayant été libéré, sous contrôle judiciaire, la semaine passée). On peut également citer cet autre fait dramatique, qui s'est déroulé à Bourges il y a seulement quelques semaines, au cours duquel, là encore, une policière était tuée. Et ce ne sont là que les faits divers qui ont un retentissement national, puisque aboutissant à une issue tragique. Combien de policiers, toutes les semaines, sont pris pour cibles, par des voyous qui n'ont aucun état d'âme? C'est bien de cela, dont il est question; donc, non seulement, la police ne fait plus peur, mais désormais, les malfaiteurs n'ont plus aucun état d'âme quant aux moyens à mettre en oeuvre pour s’échapper! 
Il y a quelques semaines, je posais alors la question de la légitime défense dont peuvent faire état les forces de l'ordre, et du fait qu'il faudrait peut-être envisager de l'élargir quelque peu; il ne s'agit pas non plus de se lancer dans une guérilla urbaine. On pourrait, tout du moins, ouvrir un débat. Je pense, notamment, aux gendarmes qui, eux, peuvent ouvrir le feu dans des circonstances un peu moins restrictives. Ces circonstances sont explicitées à l'article  L2338-3 du Code de la Défense, rédigé ainsi: 
Les officiers et sous-officiers de gendarmerie ne peuvent, en l'absence de l'autorité judiciaire ou administrative, déployer la force armée que dans les cas suivants :
1° Lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ;
2° Lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ;
3° Lorsque les personnes invitées à s'arrêter par des appels répétés de " Halte gendarmerie " faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s'arrêter que par l'usage des armes ;
4° Lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt. Ils sont également autorisés à faire usage de tous engins ou moyens appropriés tels que herses, hérissons, câbles, pour immobiliser les moyens de transport quand les conducteurs ne s'arrêtent pas à leurs sommations."
Ne devrait-on pas élargir ce texte à la Police Nationale? Comment différencier l'usage des armes à deux forces qui oeuvrent pour la même chose, qui plus est, désormais, sous le même ministère!
Je vous renvoie, pour parfaire votre avis sur la question, au blog "Paroles de juge", lequel, dans un billet de 2010, traitait du sujet.Vous pourrez constater que, même pour les gendarmes, rien n'est évident. 
Peut-être serait-ce l'occasion, pour les parlementaires et/ou le Gouvernement, d'ouvrir un débat qui amène la mise en place de règles communes aux deux forces. Un texte qui place le malfaiteur armé, ou qui'hésite pas à mettre la vie d'autrui (citoyen ou policier) en jeu, face aux responsabilités qui sont alors les siennes.

SIG SAUER SP2022
Pour compléter le thème abordé, je vais également faire état de ce que j'ai pu entendre ou lire. D'aucuns demandent à ce qu'une arme longue, de type fusil à pompe, soit en dotation dans tous les véhicules de police en patrouille. Ce qui permettrait, pour le moins, de pouvoir lutter un peu plus efficacément contre ce genre d'enc... d'enfoirés qui font feu sur des policiers qui n'ont, à ce jour, pour seule arme, qu'un SIG SAUER SP2020, avec 30 cartouches, en dotation individuelle .
Je précise que des armes dites "en dotation collective" (dont fait partie le fusil à pompe) sont effectivement présentes dans les armureries des services de police, mais  leur simple "sortie" se fait dans le cadre de circonstances d'intervention particulières (interpellations à domicile d'un homme réputé dangereux, par exemple). 
Un fusil à pompe dans tous les véhicules d'intervention, sur le principe, pourquoi pas? Mais cela amène d'autres difficultés; cela signifie que, à chaque intervention, un policier doit rester au véhicule pour "surveiller" l'armement long. En effet, je ne vois pas les policiers intervenir pour un tapage nocturne avec un fusil à pompe à la main! 
Ceci amène cela; tout ça pour dire qu'il n'est pas rare (et c'est même fréquent, voir suggéré par le Président de la République lui-même) que les véhicules de Police ne soient équipés qu'à deux fonctionnaires. Et dans la période de RGPP à laquelle nous sommes soumis, il ne m’apparaît pas raisonnable de penser que les choses vont changer. Bref, il est impossible d'engager une intervention de Police à un fonctionnaire seul, l'autre restant au véhicule.
D'une manière générale, il ne s'agit pas de légiférer à la suite d'UN fait divers, mais plutôt de s'adapter à l' évolution de la criminalité!
Je ne parle pas non plus de créer de nouvelles infractions, ou d'alourdir les peines; l'arsenal répressif étant existant, l'article 221-3 du Code Pénal (modifié par une loi du 17 Mai 2011) est ainsi édicté:

"... lorsque l'assassinat a été commis sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, à l'occasion de l'exercice ou en raison de ses fonctions, la cour d'assises peut, par décision spéciale, soit porter la période de sûreté jusqu'à trente ans, soit, si elle prononce la réclusion criminelle à perpétuité, décider qu'aucune des mesures énumérées à l'article 132-23 ne pourra être accordée au condamné ".
Et vous, qu'en pensez-vous?