mercredi 21 avril 2010

Coupable, tapez 1.... innocent, tapez 2


Voilà quelques jours que j'avais bloqué la date d'hier soir, pour regarder le programme proposé par France 2, à savoir, une reconstitution du procès Seznec. Cela devait prendre la forme d'une espèce de pièce de théâtre, jouée en direct. A l'issue, un vote des spectateurs et téléspectateurs était proposé. Guillaume Seznec, coupable ou innocent, telle était la question posée.
Je trouvais cette idée assez originale, en fait. Pourtant, ce n'était pas gagné d'avance. Il fallait tout de même « résumer » un procès de plusieurs jours sur un format d'un peu plus d'une heure. Mais j'avais confiance, puisqu'un certain Robert Hossein était à la baguette.
Me voilà donc sur mon canapé, confortablement installé. Et là, très vite... je me suis lassé. Déçu. Les personnages étaient tellement « sur joués », les traits amplifiés que je n'arrivais plus à regarder, écouter le fond du dossier. Ainsi, les « méchants » étaient vraiment très méchants, et le gentil, vraiment très gentil. Les magistrats avaient déjà condamné l'accusé, les témoins amenés par l'accusation ainsi que les policiers étaient menteurs, et les témoins amenés par la défense étaient des fous. Je veux bien croire que certains aspects aient été réels, qu'il ai pu y avoir un doute sur l'enquête de police, visiblement menée uniquement à charge, ou encore qu'un témoin ai pu avoir un profil qui n'était pas des plus crédibles, mais bon, quand-même ! Bref, il m'était impossible de me faire une idée et, à vrai dire, je n'en avais plus envie. De sorte, à la fin, aucune surprise de voir que, et le public, et les téléspectateurs, avaient voté à près de 95% en faveur de l'innocence de Guillaume Seznec.  Un vote qui ressemblait étrangement à une élection soviétique !
Mais, après réflexion, il ne pouvait, en fait, en être autrement. Tous ceux qui ont regardé ce programme avaient déjà entendu parler de cette affaire, par médias interposés.
Finalement, la seule chose qui s'est trouvée réaliste aura été l'intervention, en fin de programme, de Maitre Paul Lombard. A lui de rappeler à tout un chacun, amenés un jour, à être juré d'assise, que le doute doit profiter à la défense, lorsqu'il n'y a aucune preuve directe des faits. Et c'était visiblement le cas.
C'était un pari d'autant plus difficile qu'il me parait, encore une fois, avec du recul, risqué, que de transposer une affaire s'étant déroulée au début d'un XXème siècle, presque 90 ans plus tard. Tellement de choses on changées... Bref, une grosse déception. Je m'étais dit qu'on pouvait avoir, enfin, une éspèce de télé-réalité qui soit, à minima, intelligente, qui fasse réfléchir. Mais c'est raté.



jeudi 15 avril 2010

Un peu de tôle froissée


C'est une quinzaine bien longue, qui s'achève ; et une semaine de congés ne sera pas de trop.
Elle avait pourtant bien commencé, cette quinzaine. Et elle se finit sur les chapeaux de roues. Je me vois encore, lundi matin, aux abords du péage. La voiture devait venir, et être interceptée. C'était prévu comme ca. Comment pouvait-il en être autrement ? Et me voilà, deux heures plus tard, dans un quartier du Val de Marne. Ce n'est plus le même objectif. J'attends. Dès qu'il sort, il doit être interpellé. Oh, pas un « gros méchant », non, juste celui qui a « vendu » le coup aux braqueurs.  Casier presque vierge, à priori pas violent, bref, ca va se passer tout seul. Une demi-heure après qu'on soit arrivés sur place, il sort, et entre dans sa voiture. L'interpellation est décidée. Le moteur se met en marche, et, sans même le vouloir, j'arrive face à lui avec ma voiture. Nous sommes à quelques mètres l'un de l'autre. Et là, je pense qu'il voit, dans son rétroviseur, le piéton qui s'approche de lui. Brusquement, les pneus se mettent à crisser. Toujours face à lui, je décide de me mettre en travers de la route ; il ne doit pas passer. D'autres voitures vont arriver derrière, et il ne pourra pas faire demi-tour. C'était donc sans compter son 4x4 Jeep Grand Cherokee. Il n'hésite pas à percuter mon véhicule. Il roule comme un malade, sans même regarder ceux qui tentent de traverser la route, aux alentours. Du coup, il est très vite perdu.
Trois heures plus tard, le revoilà. On le retrouve, dans Paris. S'en suit une petite filature, mais c'est tendu. Et les autres véhicules policiers ne viennent pas; en tout cas, pas assez rapidement.  Le 4x4 accélère. Il faut rapidement prendre une décision. On est « léger », mais il faut essayer quelque chose. On ne sait pas quand on aura à nouveau une opportunité. Allez, on tente. A ce moment-là, il est arrêté au feu.  Le premier véhicule passe devant, et bloque sa progression. Le second, dans lequel je me trouve, vient immédiatement derrière lui, de sorte qu'il ne puisse pas bouger. Je commence à sortir du véhicule, pour me porter à sa hauteur, et lui intimer l'ordre de couper son moteur. Encore une fois, il nous surprend. Là, il fait une grosse marche arrière, et défonce le véhicule arrière; et ma tête heurte le montant de la portière. Je tente quand-même la sortie, je cours vers lui. Et là, il fait une marche avant, et défonce le véhicule devant lui. Et poursuit sa route. Une fois de plus, il ne fait aucunement attention à l'environnement ; les autres véhicules, les passants. Il ne voit rien. Ou plutôt, sa fuite passe avant tout le reste.
Finalement, il abandonne son véhicule non loin de là, et s'engouffre dans le métro. Heureusement on va très vite savoir où il va. Il a un rendez-vous. Mais là, il est à pied. Et on l'attend. Très patiemment, on l'attend.
Au final, il est interpellé. Cette fois-ci, il n'avait pas de carrosserie pour l'aider à fuire. Tout finit bien. Il n'y pas de blessés, au moins. Et puis, depuis hier soir, il dort en prison. Quand à moi, je prends quelques jours de vacances.

Mais c'est ce que j'aime, dans ce métier. On ne sait pas de quoi va être fait la journée. 

vendredi 9 avril 2010

Une fois n'est pas coutume


..., un haut fonctionnaire de la Police Nationale s'exprime. C'est suffisamment rare pour être dit. Donc, voilà. Et ce n'est pas n'importe qui non plus, puisqu'il s'agit de Fréderic Péchenard, ni plus ni moins le premier flic de France. Enfin, le vrai ; celui qui a passé un concours en ce sens, et qui a fait sa carrière dans cette administration, et qui connait ses habitants. Je me comprends.

  

Et il le fait par le biais d'une tribune publiée dans le journal « Le Monde », du vendredi 8 Avril 2010, également mise en ligne ici.
 Donc, de manière très médiatisée, dans le but, j'imagine, de toucher le plus grand nombre de personnes. Et là, ce n'est pas un politique, qui parle, mais quelqu'un qui a quelques années (il doit en avoir tout juste un peu moins que mon âge, c'est dire s'il connait le sujet) d'expérience derrière lui. Je rappelle que Fréderic Péchenard est issu de la Police Judiciaire parisienne, qu'il a dirigée avant d'accéder à la direction nationale. Donc, on peut estimer qu'il sait ce dont il parle. Et il a la sagesse, mais tout simplement le bon sens de rappeler ce que je ne cesse de dire « le policier ne fait qu'appliquer la loi », et seulement la loi. Suffisent les petites phrases lues ou entendues par-ci par là, selon lesquelles les policiers mettraient en garde à vue pour tout et n'importe quoi. La loi dit, en résumé pour « toutes les infractions punissables d'une peine de prison ». C'est clair, net, et il ne peut y avoir d'interprétation. Ce sont donc, soit des délits, soit des crimes.
Et, à ce sujet, je me permets une petite parenthèse pour Maitre Eolas. Dans ce billet, il nous parle de nos voisins européens, et, lorsqu'il en arrive à l'Allemagne, il lance une petit pique (comme il sait si bien le faire à l'instar de ces bourreaux, tortionnaires de policiers lol) par laquelle il ne viendrait pas à l'idée (comprenez, d'un policier allemand) de placer quelqu'un en garde à vue s'il n'y avait pas une peine de prison « effective » à la clé. Et là, comme je l'ai fait dans votre billet, maitre, je vous répond que votre dernier mot est excessif. Il y a ou il n'y a pas de peine de prison à la clé. Le policier n'a aucun droit de dire, ce n'est pas son rôle, si elle sera effective ou non. Chacun son job ; nous en avons déjà pas mal, alors si en plus, il faut faire celui des autres !!!.
A coté de cela, je le reconnais, il y a des gardes à vues abusives, et elles sont mal venues. Mais imaginez ô combien les décisions sont parfois difficiles à prendre. Et combien, parfois, le fait de ne pas prendre une décision de garde à vue peut aussi avoir des conséquences.
J'en reviens à Mr Péchenard qui nous parle ensuite des fouilles à corps qui sont traumatisantes pour certaines personnes ; ce que je veux viens concevoir, à partir du moment où il est clair que les policiers ne prennent pas plus de plaisir à faire déshabiller quelqu'un, toujours du même sexe, je le rappelle. Et il est alors proposé, exactement comme je le pensais, qu'elles soient supprimées. Mais à la seule condition de déresponsabiliser les fonctionnaires de police en cas d'atteintes aux personnes survenues par le biais d'un objet qu'aurait eu, sur lui, l'individu placé en garde à vue et uniquement palpé.
Et là, Mr Péchenard n'en parle pas, mais je ferais de même pou le menottage. Rendons-le facultatif ; mais si des personnes s'échappent, tant pis ! Et le fonctionnaire n'est pas embêté.
Bref, tout cela pour dire que le fait qu'un haut fonctionnaire de la Police Nationale s'exprime est le bienvenu. Depuis plusieurs mois, je m'étonnais de ce silence assourdissant. Il me semble, qu'à un moment donné, notre chef à tous doit prendre la parole, et remettre les choses en place, vis-à-vis de nos détracteurs. Certes, la place était, en partie, comblée par les syndicats, mais rien ne remplace la parole du directeur en place.
Et je tenais à saluer cette initiative. En espérant qu'elle porte ses fruits, et qu'il soit, ad minima, écouté dans les débats, qu'ils soient à la chancellerie ou dans les hémicycles parlementaires.
Merci Monsieur Péchenard.

samedi 3 avril 2010

Medvedyev 2 - le retour


Voilà donc la fameuse CEDH qui a rendu son arrête Medvedyev 2 - le retour - tant attendu.
Comme nombre d'observateurs l'ont déjà écrit, cet arrêt souligne que le Procureur de la République tel que nous le connaissons ne peut être chargé du contrôle de la détention, puisqu'il devrait s'agir d'un juge indépendant du pouvoir. Ce que n'est pas le Procureur de la République, puisqu'il est hiérarchiquement soumis au Ministre de la Justice. Par ailleurs, cette autorité de contrôle de la détention ne peut être partie au procès pénal, ce qu'est notre Procureur, puisqu'il y  défend les intérêts de la societé.
Ce sont donc les deux enseignements de cet arrêt de la CEDH, et, cette fois, ils s‘appliquent à la France.
Je rappelle brièvement les faits : un bateau batant pavillon étranger est arraisoné en pleine mer. Sont découverts, à bord, des produits stupéfiants, en grande quantité. Il est décidé de « rapatrier » le bateau en France. La petit croisière dure, à ma connaissance, quelque 11 jours. Durant ce laps de temps, les membres de l'équipage sont gardés à vue. Je rappelle que, en droit français, la garde à vue ne peut dépasser 96 heures pour des faits de trafic de stupéfiants. Donc, on dépasse les délais. Cette GAV « spéciale », est défendue sur le principe des circonstances exceptionnelles, puisque l'on imagine bien que, en 4 jours, nos marins n'auraient pas pu rentrer en France.
L'arrêt de la CEDH, en première instance, condamne la France au motif que ces marins n'ont pas été présenté à un juge, dès leur retour, mais à un proc. Et ce proc ne peut-être, comme je l'ai dit plus haut, contrôleur de la détention, n'étant pas indépendant du pouvoir excécutif.
Et c'est là que cela devient cocasse, puisque le défendeur de l'Etat français argue du fait que, justement, les membres de l'équipage ont très rapidement vu un juge d'instruction qui, lui, est un magistrat indépendant.
Pourquoi est-ce cocasse ? Parce que, justement, c'est le Juge d'Instruction que l'on va supprimer, dans le but de renforcer les pouvoir du parquet qui ne sera toujours pas indépendant.
Nous voilà donc à l'aube d'une réforme où le pouvoir politique va faire entrer l'avocat dans la garde à vue, parce qu'il se sent opressé par la jurisprudence européenne. Par contre, en terme d'indépendance du parquet, tout va bien. On ne change rien. Nul doute, donc, que la CEDH condamnera très rapidement la France sur ce motif.
Donc, on fait une réforme de la procédure pénale de grande envergure, en sachant que l'Europa va très vite « casser » les affaires traitées. Donc, j'appelle cela du mépris.
J'ose ésperer que ces quelques semaines de concertation, annoncées par madame le Garde des Sceaux, permettront de corriger cette énormité ; je l'éspère, mais en fait, j'en doute, puisque c'est le Président de la République lui-même qui a signé l'arrêt de mort du Juge d'Instruction. Et je ne vois, à l'horizon, aucune volonté de revenir là-dessus.

jeudi 1 avril 2010

De beaux casseurs...


La  semaine passée a donnée lieu à une petite dizaine d'interpellations dans le milieu des « casseurs » de bijouteries. Ces casseurs avaient un mode opératoire bien particulier, puisque, pour entrer dans les bijouteries (et autres commerces, d'ailleurs), ils en cassaient des murs mitoyens, voir le plancher, à des endroits bien stratégiques. Du bon boulot. Même si l'adjectif n'est pas le mieux choisi, en tout état de cause, on peut utiliser ce mot puisque, de par leur travail, ils nous ont donné du grain à moudre, ou, si vous préférez, du fil à retordre ; bref du travail, et non des moindres.
Il nous aura fallu plusieurs mois, pour procéder à leurs interpellations. Bien des journées, mais aussi, et surtout, puisque plus fatiguant, des nuits. Avec tout le panel judiciaire pouvant être mis à notre disposition. Ecoutes, filatures, planques, dans un milieu bien difficile, avec des gens très méfiants, des voyous qui n'hésitent pas à apostropher des voitures et leurs occupants pour « vérifier » s'il ne s'agit pas de policiers à l'intérieur. Si si, on en est là...
Au final, ils sont « accrochés » sur quelques 4 bijouteries et deux commerces. Un butin de plusieurs centaines de milliers d'euro. Au final, trois hommes sont mis en examen, et placés en détention provisoire.
Les autres personnes placées en garde à vue étaient tous des membres de la famille (cousins, filles, femme, maitresse...) qui profitaient, à leur manière de ce petit business. Bien évidemment, pas un seul d'entre eux ne travaille. Tous sont au RSA. Et ce n'est pas prêt de changer. Même si j'ai du mal à imaginer ces gens à une quelconque activité professionnelle, tant leur niveau intellectuel me semble (pour la plupart) proche de zéro. Autant dire que l'encéphalogramme est plat.
Le pire, dans ces affaires, c'est la certitude que je peux avoir que, ces voyous,  lorsqu'ils sortiront de prison, ne feront que continuer ce qu'ils avaient commencé. Ils tireront des leçons de leurs erreurs, de par l'enquête que nous avons menée, et ils seront encore plus difficiles à « faire ».Tout comme leurs enfants ne front pas mieux, puisque éduqués dans le vol, le recel, la violence, les mensonges récurrents, et insultes, y compris envers et de la part des parents. 
On peut se rassurer, quelque part (il faut bien trouver quelque chose), en se disant que nous, policiers, ne serons jamais au chômage (par les temps qui courent...). Nous avons bon nombre de client fidèles. D'ailleurs, ne devrait-on pas penser à des cartes de fidélité ?