mardi 29 septembre 2009

un week-end de permanence



Voilà donc un nouveau week-end de permanence. Six personnes du service se relaient donc le week-end , « au cas où » ; dès fois que la BRB soit saisie de faits s'étant déroulés sur son ressort.  Dans la mesure où une dizaine de groupes composent le service, on pioche à droite ou à gauche, pour prendre ces six personnes. Cela représente environ une permanence par trimestre.
Et là, c'est mon tour. Je dois dire que, lors de ma précedente permanence, je n'ai pas eu le temps de chomer. Pour commencer un important cambriolage (important de par son préjudice). Le principe est toujours le même. La première chose à faire, ce sont les constatations ; il s'agit là de reproduire le plus fidèlement possible la scène de crime telle qu'elle est découverte à l'arrivée des policiers ; concrètement, il s'agit donc de décrire, sur procès-verbal, les lieux où ont été commis les faits.  Dans le cas d'un cambriolage, c'est donc détailler ce qui a été volé, éventuellement deviner le cheminement des auteurs. Dans le cas d'un meurtre, c'est aussi faire une description précise du corps, etc... tout en relevant, à chaque fois, les éventuelles « traces », en compagnie de l'Identité Judiciare. Bien évidement, si les faits viennent de se produire, on cherche, en même temps, à ne pas perdre la trace des auteurs, si cela est possible ; un témoin qui les a vu, ou autre chose du même gout. Bref, une fois les constatations terminées, il s'agit d'entendre tous les témoins éventuels et les victimes. C'est donc ce qui a été fait pour le cambriolage.
Et là, oh surprise, badaboum, nouvelle affaire ; et là, c'est un vol à main armée. En l'occurrence, il s'agissait de celui commis au préjudice de la joaillerie « Chopard », place Vendome. Et là, ce sont plus de six millions d'euro en bijoux (valeur de revente) qui ont été dérobés en moins de cinq minutes.
Le scénario est le même ; constatations, auditions... Bref, un week-end bien chargé.  D'autant que, encore à cette époque, nous étions en plein dans l'affaire dite « Harry Winston ». donc, autant dire que le travail ne manquait pas. Une grosse journée en perspective, donc.
Je dois dire que, depuis lors, un individu a été interpellé, dans le cadre de ce braquage.

Là, le week-end n'a pas du tout eu la même physionomie. En début d'après-midi, nous avons été mis en « pré-alerte », suite à une fusillade s'étant déroulée sur le Val de Marne. Pour autant, les collègues locaux sont restés saisis.
C'est en partant  le soir, peu après 19h, que, dans la voiture, j'ai entendu parler du double homicide de Saint-Ouen. Le premier reflexe aura été de regarder mon téléphone portable, dès fois que j'ai raté un appel. Finalement, encore une fois, ce sont les collègues locaux qui sont restés saisis. Très rapidement, la presse a fait part de c qui semblait avoir un lien avec le trafic de stupéfiants. Donc, rien de plus normal que de laisser les collègues du SDPJ 93 saisis des faits. Peut-être connaissaient-ils, déjà, l'environnement des victimes, voir des auteurs. De plus, rien à voir, à priori, avec la banditisme.
Voilà donc une journée qui m'a permis d'avancer sur les dossiers en cours et, je l'avoue, en fin de journée, de parcourir l'immensité du web.
Prochaine permanence en Janvier. A suivre.

jeudi 17 septembre 2009

un évadé écrit à la presse...


Et voilà que maintenant, les évadés utilisent la presse pour faire passer des messages. Bien évidement, Jean-Pierre Treiber n'est pas le premier, et certainement pas le dernier à le faire.
Jean-Pierre Treiber
Ainsi, utilise-t-il le journal Marianne, rédaction qu'il a choisi pour envoyer un courrier. Dans cette lettre, en plus de clamer son innocence, il précise qu'il sera présent à son procès, prévu pour le début d'année 2010.
Que penser de cette médiatisation?
Ne faut-il pas voir un peu plus loin que le fait en lui-même, et se dire que la publicité que lui fait cette diffusion se trouve être le seul recours qu'a trouvé Treiber pour se défendre? Et que, donc que la justice commet, en ce moment, une erreur.
Etant acquis que  Treiber était incarcéré depuis plusieurs mois, on déduit donc que:
-le juge d'instruction, qui l'a mis en examen, a en sa possession des indices "graves et concordants", laissant penser qu'il a commis les faits reprochés, en l'occurrence les meurtres de Géraldine Giraud et Katia Lherbier.
- un Juge des Libertés et de la Détention a accédé à cette demande
- peut-être que le Procureur a demandé ce placement en détention
- s'il se dit innocent, on peut donc présager que, au travers de son avocat, il a fait appel de cette décision; et donc que la Chambre de l'Instruction a rejeté cet appel et donc confirmé le placement en détention
Donc, au minimum, trois magistrats pensent que Treiber a, pour le moins, des éléments à charge qu'il lui faut expliquer; et qui, donc, à ce jour ne l'ont pas été (en plusieurs mois d'instruction et, j'imagine, plusieurs interrogatoires).
Évidemment, il est tout à fait permis de penser que, comme pour Outreau, des erreurs se sont produites. Ce n'est pas impossible; la justice est humaine et, de fait, pas infaillible.
Pour autant, mes convictions me conduisent à  avoir confiance en la justice; oui, je sais, à Outreau aussi, les acquittés, d'abord accusés et condamnés, avaient confiance en la Justice. Mais j'ai la naïveté de penser que de telles erreurs sont rares. Je ne me prononcerai pas sur le fond du dossier Treiber, puisque je n'en connais pas les éléments. Mais plusieurs magistrats ont lu et relu ce dossier, et se sont prononcé. Et je leur fait confiance. Je ne parle même pas des policiers et/ou gendarmes qui ont dû être saisis de commissions rogatoires.
D'un autre coté, Marianne doit-il faire de la publicité  à cet "évadé"? Le journal a-t-il raison de  placarder la lettre en une de son site internet (certainement avant la version papier), finalement, en abondant dans son sens, en faisant ce qu'il attendait? Bien entendu, la liberté de la presse nous mène rapidement à penser qu'il est tout à fait normal que le journal se fasse l'écho de cette lettre. Sans même parler du grand coup de pub que cela lui fait !
La rédaction de "Marianne" va-t-elle, maintenant, se découvrir un nouveau combat? Ses journalistes vont-ils refaire l'enquête? Nous le verrons. Peut-être "Marianne" va-t-il "surfer" sur la vague, nous faire un remake du bien contre le mal (cherchez qui joue le rôle du bien ... )!
Quoi qu'il en soit, de par mon expérience, de nombreux individus placés en garde à vue se déclarent innocents, lors de leurs auditions. Et, très souvent, le moins que l'on puisse dire est qu'ils ne sont pas très convaincants!
J'imagine que si j'étais placé en garde à vue, à torts, je serais un peu comme un lion en cage; j'hurlerais mon innocence. Pour la plupart, les gardés à vue disent "je n'ai pas fait ce que vous me reprochez", mais ne donnent jamais aucun élément susceptible des les disculper, aucun témoignage à apporter, refusant même, la plupart du temps, à donner le nom d'une personne (qu'ils pensent donc "balancer") susceptible de les aider, d'une manière ou d'une autre.
Pour en revenir aux faits, le moins que l'on puisse dire est que Treiber clame son innocence haut et fort.
Espérons que la justice vienne à bout de cette affaire, découvre la vérité!
Nul doute qu'en cas de condamnation, Treiber continuera à clamer son innocence.
Et, en cas d'acquittement, la justice sera à nouveau dans la tourmente. Et donc, comment reprocher son comportement à cet homme, désormais l'un des plus recherchés de France?
suite au prochain épisode...

lundi 14 septembre 2009

Que fait la Police? ou plutôt, qu'en fait-on?


 Au jour d'aujourd'hui, à travers les yeux du peuple, on devine que la police est devenue la vitrine du pouvoir en place. Et, de fait, tout ce qui est bon à déboulonner ce pouvoir doit être fait. L'heure est à l'anti-Sarkozy ; dans la mesure où notre Président a été Ministre de l'Intérieur, et que son programme était axé, à bien des égards, sur la sécurité, nous voilà sur le devant de la scène. Sans avoir rien demandé à personne. La politique est donc un magasin, et, avant de s'attaquer à la boutique, on se tape la vitrine.
Schématiquement, cette vitrine, on peut tout à fait imaginer que ce sont les policiers qui la composent. Lorsqu'on la protège, elle reste unie, solide. Mais dès que l'on se met à la frapper, à force de petits coups, une fissure apparait, jusqu'à ce que, à la fin, elle se brise.
Et c'est bien ce qui est en train de se passer avec notre institution. J'ai beau chercher, partout, je ne vois que des collègues qui sont, pour la plupart, écœurés, désabusés. Pris entre le marteau et l'enclume. Le marteau, c'est le pouvoir, la hiérarchie ; capable de frapper, de faire mal, toujours prompte à sanctionner, et très peu à remercier. Ce marteau qui, jour après jour, pressurise les policiers, à force de chiffres, de résultat... et l'enclume, c'est la presse, qui manipule l'opinion publique. De plus en plus désireuse de vouloir jouer ce rôle de contre-pouvoir que certains lui prêtent depuis longtemps.
Au milieu, donc, nous, les policiers ; mais comment agir ? que faire ? de nos jours, on demande à la police  de régler tous les maux de la terre, et nous, policiers faisons de notre mieux pour agir ; pour protéger la  population. Celle-là même  qui, elle aussi, est prompte à jeter sa police en pâture à la moindre ombre qui apparait au tableau.
L'institution n'est-elle devenue qu'un fusible sociétal susceptible de sauter au moindre soubresaut du marteau ou de l'enclume ?
En tout état de cause, c'est l'impression de beaucoup. Malheureusement. Il  faut se l'avouer ; les policiers se sentent abandonnés de tous. De plus en plus mal aimés, de plus en plus isolés.
C'est le blues, dans la police !

jeudi 10 septembre 2009

Une belle affaire "incidente"


Transport de fonds
On appelle "saisine incidente", une enquête qui commence à partir d'une autre affaire, en fait "incidement". 
Cette affaire, parue sur le site "Corse Matin", le 10/09/09 résume très bien cette typologie d'affaire. 
L'enquête menée par la police judiciaire de Bastia sur la préparation de l'attaque d'une entreprise de transport de fonds avance à un rythme soutenu. Une troisième interpellation a eu lieu avant-hier sur le parking d'un supermarché de Furiani par les policiers de la brigade de recherches et d'intervention (BRI) après celle d'un père et de son fils (voir notre édition d'hier), deux hommes âgés respectivement de 51 et 30 ans. De source proche de l'enquête, on a appris qu'ont été saisis « lors des perquisitions à leur domicile, un matériel important, en l'occurrence des armes de poing et d'épaule, des cagoules, des émetteurs-récepteurs, des faux papiers, de fausses plaques d'immatriculation, une importante somme d'argent en fausse monnaie, ainsi que des barils d'acide destinés à faire disparaître une partie de cet équipement ».
La cible était une société de transports de fonds de Haute-Corse. Et selon l'une des hypothèses de travail de la police judiciaire, « les deux hommes pourraient avoir envisagé de séquestrer le responsable de cette entreprise et sa famille afin de pouvoir faire main basse sur les fonds détenus par cette société ». Un contenu qualifié d'important.
Un troisième homme en garde à vue
Les préparatifs étaient, semble-t-il, bien avancés. Lors de la perquisition, les enquêteurs auraient également trouvé « des plans du point de départ des fourgons ainsi que les horaires de leurs rentrées et sorties ». Les policiers ont réussi à remonter leur trace grâce à une affaire incidente. En effet, c'est à la suite d'une enquête sur le vol d'un véhicule utilitaire dans une entreprise par deux hommes cagoulés, qu'ils ont pu les appréhender. Ce que ne savaient pas les voleurs, c'est que le véhicule en question était doté d'un système de localisation.
Le père et le fils, Patrice et Maximilien Santucci, ont été mis en examen par le juge d'instruction du tribunal de grande instance de Bastia, Vincent Raffray pour « association de malfaiteurs », « vol en bande organisée » et « détention d'armes de première catégorie ».
Ils ont été placés sous mandat de dépôt à la maison d'arrêt de Borgo.
La PJ a décidé de poursuivre activement ses investigations comme le démontre l'interpellation de cette troisième personne, avant-hier à Furiani, qui a été placée en garde à vue au commissariat central de Bastia.
Le procureur de la République du TGI de Bastia, Jean-Jacques Fagni, et le procureur général près la cour d'appel de Bastia, Paul Michel, suivent personnellement cette affaire de droit commun qui « traduit une activité délinquante d'un certain niveau ».



Je ne ferais qu'un seul commentaire: l'auteur de l'article parle des membres du parquet qui, selon lui, "suivent personnellement cette affaire de droit commun". Or, il s'agit, dans ce cas-là, de criminalité organisée. Il est questionu, au début de l'article,  de bande organisée, ou d'association de malfaiteurs; avec toute la prudence que l'on doit, ne connaissant ni les tenants, ni les aboutissants de cette affaire. 
Félicitations aux collègues. 

jeudi 3 septembre 2009

ah, la politique du chiffre....


Les chiffres, on en parle  (slate.fr), ici (Bénédicte Desforges), ou encore par là (journal Libération). Bref, c'est un sujet récurrent qui tourne autour de la police, y compris autour de certains syndicats. D'autant plus qu'il ne cesse de déstabiliser bon nombre de policiers, voire de les écoeurer de leur métier, leur passion. D'autant qu'on leur demande toujours de faire plus, avec moins de moyens !
C'est Nicolas Sarkozy qui est arrivé avec, dans ses bagages ces mots qui sont devenus "maîtres". Lui est reparti, mais ses chiffres sont restés. NS a certes été apprécié pour certaines politiques qu'il a pu mener, mais ce patrimoine mathématique, qu'il a légué, est un poids pour les policiers; voir un fardeau, qu'ils ont de plus en plus de mal à supporter.
La Police n'est plus jugée qu'au travers de ses chiffres et de ses bavures. Le reste? qu'importe. Nos grands patrons eux, sont jugés - par les politiques - pour leurs chiffres; on compare, on distribue les récompenses, les bonnets d'âne. Et les "petits" policiers (j'entend petit par leur grade, comme moi) sont jugés -par l'opinion publique - pour leur(s) "bavure(s)", ou surtout pseudo bavures, voir leur -toujours- PV au Code de la Route.
En effet, on demande maintenant aux policiers de ramener du monde, de faire, comme l'on dit de la "batonite", ou du PV. Ainsi, une BAC ne peut envisager de faire sa vacation sans une interpellation; ou, tout au moins, avoir un chiffre moyen mensuel.
Il est bien évident que le chiffre est UN moyen de juger les performances de sa police, et c'est bien normal; le seul problème, c'est que, désormais, il en est devenu le seul. Tout le monde se bat pour le chiffre; pour être bien noté, pour avoir sa prime annuelle ou encore le petit bout de papier de "félicitations" de la part du gradé immédiatement au dessus, du chef de service où, si l'affaire a bien attiré les médias, du Directeur.
Pour autant, force est de constater que certains collègues se sentent donc obligés de faire du chiffre; pour l'avancement, pour les responsabilités. Et, forcément, cela peut induire des dérapages. Je dis bien "cela peut...". Mais c'est un risque; à trop vouloir en faire ou en demander, parfois, cela peut aller trop loin.
Tout cela induit que, désormais, d'une manière générale, on ne recherche plus la qualité des affaires; on lui préfère la quantité. Travailler plusieurs jours d'affilé sur un cambrioleur ne payait pas; ce n'était qu'un cambrioleur, qu'un voleur (quelque chose me dit que, bientôt, on s'intéressera bien plus à ce cambrioleur). Autrement dit, on préfère faire plusieurs petites interpellations, quand bien même le résultat final serait nul (j'entend par là aucune suite judiciaire, quand bien même la culpabilité est démontrée). C'est le cas, bien souvent, des consommateurs de haschisch, ou encore des étrangers en situation irrégulière.
Les affaires difficiles sont longues à traiter; et le temps que l'on passe à ces affaires, le chiffre ne rentre pas.
La Police Judiciaire est -globalement- épargnée par ces chiffres (en tous les cas, j'aime à le croire). Bien que, tous les ans, les chefs de service se doivent de faire leur compte rendu annuel, chiffres à l'appui. Nombre de saisines (affaires dont le service à été saisi, notamment par le parquet), nombre de garde à vue, de déferrés, d'écroués, d'affaires résolues, avec leur évolution d'une année à l'autre; progression (ou pas) des effectifs, par groupe, section, et également des heures supplémentaires, nombre de jours de congés pris, etc...
Mais, pour autant, nous ne sommes pas à l'abri. Loin s'en faut. Je ne cesse de le répéter, la Police Judiciaire, au travers de ses chiffres, ne représente rien. Et c'est la raison pour laquelle elle n'a (selon moi) que peu de poids face aux mastodontes de la Sécurité Publique. D'où la tentation, parfois, pour certains, de vouloir se frotter aux règles du jeu.
Et pourtant; nous avons à faire à toutes les grosses affaires que traite le judiciaire: les viols, meurtres, braquages, etc... mais, pour nos hautes instances, cela ne représente que peu en terme de nombre de garde à vue. Tout juste ces affaires permettent-elles de se "faire voir" auprès de la presse.  Bien que, même dans certains services de PJ (tels que cela peut l'être au sein de la BRB), quelques groupes ont une activité qui, liée au savoir-faire des fonctionnaires (et là, j'insiste, parce qu'il s'agit d'un élément clé), à leur motivation, fait qu'ils ramènent du chiffre, ce qui ne manque pas de satisfaire cette hiérarchie. En effet, celle-ci peut donc combler des affaires plus importantes en terme de médiatisation ou de préjudice, mais qui ramènent souvent bien moins, et surtout souvent moins rapidement et moins souvent des chiffres.
Ah, j'ai failli oublier; le rapport Leger, j'y reviens, lui aussi y va de sa petite phrase; en effet, il rappelle que, même si l'OPJ est investi de fonctions propres, et quand bien même il prend des décisions de sa propre initiative, il reste tout de même sous le joug de sa hiérarchie administrative. On accroit donc, de la même manière, l'autorité du chef de service sur l'OPJ; hiérarchie dont on pourrait imaginer (lorsque cela n'est pas déjà le cas) qu'elle oblige son OPJ à placer quelque individu en garde à vue. Histoire, une fois de plus, de pouvoir faire un peu plus de chiffre?
Je pose donc la question: quand est-ce que nos instances verront autre chose que les chiffres pour mener la grande maison "police"? Quand se rendra-t-elle compte que la qualité des affaires est aussi importante que la quantité? Pourquoi ne pas mêler à ces chiffres quantitatifs des indices qualitatifs? C'est une question entière qui mériterait, selon moi, à minima, un essai; qui, j'en suis certain, serait transformé, et aurait l'avantage de mêler des données qui seraient bien plus complètes que pour le moment.
Enfin, c'est mon avis !

mardi 1 septembre 2009

la commission Leger rend son rapport


Philippe Leger
Je parlais encore, il y a peu, du vieux "nanard" qu'on nous ressortait régulièrement concernant la suppression du juge d'instruction.

Il semblerait que, cette fois-ci, nous soyons au chevet de cette "institution"apparue dans le système français en 1811.

En effet, depuis plusieurs mois maintenant, la commission "Leger" était chargée de réflechir quand à une réforme de la procédure pénale, au coeur de laquelle ce magistrat du siège se trouve.

 Dans cette commission, l'on retrouvait:

  • Mathieu ARON, chef du service police-justice à France Info
  • Martine BERNARD, Présidente de la Chambre d'instruction à la cour d'appel d'Aix en Provence
  • Colonel Michel BONNIN, adjoint au sous-directeur de la police judiciaire au ministère de la défense
  • Bernard BOULOC, professeur agrégé des facultés de droit de Paris - professeur émérite
  • Louis DI GUARDIA, premier Avocat Général près la cour de cassation
  • Jean-Pierre ESCARFAIL, président de l'APACS (Association pour la protection contre les agressions et crimes sexuels)
  • Corinne GOETZMANN, vice-président chargé de l'instruction au TGI de Paris
  • Patrick HEFNER, sous-directeur des affaires économiques et financières à la préfecture de police de Paris
  • Me Thierry HERZOG, avocat à la cour d'appel de Paris
  • Me Hervé LEHMAN, avocat à la cour d'appel de Paris
  • Philippe LEMAIRE, procureur de la République de Lille
  • Laurent LE MESLE, procureur général près la cour d'appel de Paris
  • Me Paul LOMBARD, avocat à la cour d'appel de Paris
  • Isabelle PINGEL, professeur agrégé des universités de Paris
  • Me Gilles-Jean PORTEJOIE, avocat à Clermont-Ferrand
Cela n'a pas été sans faire de remous, puisque Corine Goetzmann et Mathieu Aron ont démissionné de cette commission. En cause, les déclarations du Président de la République, lequel a annoncé, avant même un quelconque rapport, sa volonté de supprimer ce magistrat mal-aimé.
  
Voilà donc que Monsieur LEGER a remis sa copie à l'exécutif. Ce rapport n'a, pour l'heure, pas été publié, mais un pré-rapport avait été déposé au courant du mois de Mars. Et, le moins que l'on puisse dire, c'est que, si les mesures préconisées devaient être adoptées par le Parlement, nous aurions, nous, policiers, du pain sur la planche, en terme de "remise à niveau" (comme d'ailleurs, les autres acteurs du droit, tels les magistrats et avocats).

Effectivement, la mesure phare de ce projet réside dans la suppression du juge d'instruction. On repprochait à ce magistrat de se trouver entre deux chaises, cumulant des fonctions juridictionnelles, et des fonctions d'enquête; eh bien ces dernieres lui sont retirées, au profit du parquet (le Procureur de la République), qui se verrait alors avoir un rôle prépondérant dans les enquêtes, et dans les suites à leur donner. Il conserverait, par ailleurs, son statut, son lien avec l'exécutif.

Le juge d'instruction étant dès lors transformé, dans ses fonctions juridictionnelles,  en "Juge de l'Enquête et des Libertés" (bon vent, également au bon JLD, Juge des Libertés et de la Détention).

Concrètement, le parquet serait maitre des enquêtes, responsables des mesures de garde à vue prises par les enquêteurs (qui, elles aussi, seront refondues), et ses décisions seraient susceptible de recours auprès de ce nouveau magistrat qui statuera alors, sous la forme d'un appel.

Ce JEL sera donc chargé de décider de la détention provisoire (elle aussi, revue et corrigée), de recevoir les demandes d'actes refusées par le parquet (pour "asseoir" le caractère contradictoire de l'enquête), mais se verra aussi consulté pour les demandes d'écoute et autres sonorisations (jusqu'alors autorisées par le Juge d'Instruction ou le JLD), demandes qui lui seront soumises par le parquet.
J'ai donc l'impression que tout cela est voulu, muri et couché sur le papier. Reste plus qu'à faire voter.

On notera, dans ce rapport, d'autres grands changements, tels que:

- de fait, la suppression du cadre d'enquête dit "commission rogatoire"
- l'ouverture de ce qui est appelé "régime renforcé", à mi chemin entre la mise en examen et la garde à vue, qui n'est plus ni moins que ce qu'était le témoin assisté
- l'avocat, qui poussait à la porte de la garde à vue, enfonce cette porte du pied; il pourra être présent à la 1ère heure, à la 12 et pourrait même avoir accès aux auditions des premières heures, avant de pouvoir, lui-même assister à ces auditions. lors de la suite de la garde à vue
- fusions des régimes dérogatoires de la Garde à Vue; ne resteront que 3 régimes: le droit commun, la criminalité organisée (englobant les stupéfiants) et le terrorisme
- création d'une retenue judiciaire (12 heures), mesure susceptible de remplacer les garde à vue ne nécessitant que des actes d'audition
- suppression des gardes à vue pour les délits punissables d'une peine inférieure à 1 an,
- changements des délais de détention provisoire; on regroupe par catégorie d'infraction
- suppression du secret de l'instruction, tout en maintenant le secret professionnel.
  
Mon avis personnel:

Avant tout, quelques mots sur la composition de la commission. Je regrette l'absence de policiers de terrain, qui cotoient les mesures de garde à vue, les auditions, les perquisitions de manière régulière. Certes, figurait dans cette commission, Monsieur Heffner, sous-directeur de la Police Judiciaire de Paris (qui, d'ailleurs, est largement apprécié dans la profession, et je ne me permettrais pas de remettre en cause ses compétences). Mais la présence d'un chef de groupe actif de la PJ aurait été souhaitable. A ce titre, j'avais apprécié, au travers de la commission dite "Outreau", que soient entendu plusieurs acteurs de la Police, tous grades confondus. C'était, me semble-t-il, une bonne chose. Et ce n'est pas le cas ici.

Sur le fond, maintenant, il semble que l'objet de cette réforme soit une simplification de la procédure pénale. A ceux qui voient dans la suppression du Juge d'Instruction la perte de garanties d'indépendance, il semblerait (la réalité nous le confirmera ou l'infirmera) que l'arrivée de ce nouveau juge que serait le JEL compense cette crainte.

Concernant les modifications apportées à la garde à vue, je note que l'OPJ sera bientôt suivi comme som ombre par l'avocat. Il passera encore plus de temps à appeler telle ou telle personne; appeler l'avocat pour la première heure, pour la douzième; lors de cet entretien, lui donner copie des auditions, le rappeler à chaque audition, afin que celui-ci soit présent. Bien évidemment, c'est à la demande du mis en cause que le conseille serait présent; mais, ne gageons pas que, pour nous faire, à minima, perdre du temps, il fera acte de ce droit, notre mis en cause.

J'en suis donc aux auditions à l'issue de la 12ème heure de garde à vue; pour chaque nouvelle audition, l'avocat serait présent. Ce n'est pas tant le principe qui me gêne; c'est plutôt la pratique. En effet, si je veux entendre un mis en cause, je dois donc appeler son avocat; qui ne sera pas dans le bureau à coté, mais en audience, ou chez lui, à l'opposé, géographiquement, du service. Je vais donc perdre du temps, attendre 1 heure que l'avocat arrive au service.

J'ajoute à tout cela que la commission souhaiterait que l'ensemble des auditions soient désormais filmées (jusqu'à présent, seules les auditions en matière criminelle étaient filmées).

Autre complication: les demandes d'écoute. Jusqu'à présent, pour une interception judiciaire, dans le cadre d'une information judiciaire, il fallait faire une demande au juge d'instruction; celui-ci accordait ou refusait l'interception.
  
Désormais, c'est donc au Procureur de la République qu'il faudrait faire cette demande, lui-même devant la transmettre au JEL. Le principe, encore une fois, ne pose pas de problème; si ce n'est que, encore une fois, on perd du temps.

Il n'est pas rare qu'une écoute soit demandée en urgence; il faut donc que l'interception soit active le plus rapidement possible. S'il devait être fait acte à cette idée, il faudrait un délais d'au moins 24 heures pour qu'une écoute soit active; donc, beaucoup de données susceptibles d'être perdues.

Pour preuve: les sonorisations; en l'état actuel du droit, demande doit en être faite au juge d'instruction qui transmet cette demande au JLD. Et là, c'est le cas, on perd effectivement 24 heures, puisque le magistrat doit être disponible, prendre connaissance des éléments, donner sa réponse au juge d'instruction, qui nous délivre alors commission rogatoire; et là seulement, arrivent les actes techniques necessaires au bon déroulement des opérations.

Pour résumer, comme à chaque réforme, c'est la tâche des enquêteurs que l'on complique. Toujours plus de droits pour les mis en cause, plus de devoirs pour les enquêteurs, et de moins en moins de temps pour l'enquête.

De plus, je regrette que ce texte parle dans tous ses paragraphes des mis en cause; mais les victimes, elles, ne sont que peu citées. Tout juste comprend-on qu'elles auront autant de droit qu'avant.