vendredi 14 octobre 2011

Policière tuée à Bourges. Quelle légitime défense pour les policiers?


C’est une nouvelle journée noire, pour la Police Nationale. Une collègue en poste à la Préfecture de Bourges a été mortellement blessée par un homme armé d’un sabre.
Selon les premiers éléments recueillis, dont la presse se fait écho, cet homme, professeur de métier, se serait vu refuser un permis de port d’arme (là, on se dit qu’on comprend un peu mieux pourquoi) et serait revenu, en colère. Le fonctionnaire de Police serait intervenu pour défendre les employés de la Préfecture, ainsi que les administrés présents.
C’est à cet instant que tout aurait basculé. Résultat : un policier tué, et un second blessé ! C’est un adjoint de sécurité qui aurait arrêté le criminel, en lui tirant dessus, le blessant à la jambe.
Ce fait tragique pose, selon moi, le problème de la légitime défense. En quoi, me direz-vous ?
L’article 122-5 du Code Pénal est ainsi rédigé :
« N'est pas pénalement responsable…. C’est simple, on ne peut pas condamner une personne, lorsque les conditions qui suivent sont réunies.
 la personne qui, devant une atteinte injustifiée, envers elle-même ou autrui, on ne peut, par exemple, invoquer la légitime défense face à une interpellation policière.
accomplit, dans le même temps… premier élément important ; l’acte de défense ne doit pas avoir lieu plusieurs heures après l’agression, mais immédiatement
un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui,
sauf s'il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte…. En clair, on ne répond pas à une gifle par un coup de feu ; l’acte de défense doit être proportionné à l’attaque.
Cet alinéa parle donc de légitime défense des personnes, contrairement à l’alinéa ci-dessous, qui parle de la légitime défense des biens.
N'est pas pénalement responsable la personne qui, pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction ».
Là-dessus, il faut ajouter toute une jurisprudence, puisque le texte n’est pas explicite pour tous les cas de figure. Par exemple, on estime que pour se défendre, la personne ne doit pas avoir un moyen de fuite. L’exemple le plus flagrant : le chauffeur d’un véhicule qui tente de renverser un policier. Le policier tire sur l’automobiliste. La légitime défense n’est pas retenue s’il est démontré que le policier aurait pu s’écarter.
Vous l’aurez compris, la légitime défense est très complexe à démontrer. Y compris par les policiers. L’existence même du texte, est on ne peut plus normale, tant son absence pourrait mener à nombre d’agressassions, et autres « bavures ».
Et pourtant…
Et pourtant, mettez-vous à la place d’un policier, qui est agressé. Comprenez que cela se passe souvent par « surprise », et très rapidement. Ce que je sous-entends, c’est qu’il n’est pas toujours possible d’avoir une profonde réflexion sur le fait de savoir si tous les éléments sont réunis. Les exemples ne sont pas rares, où des policiers se sont défendus, ont invoqué la légitime défense qui  n’a pas été retenue. A la suite d’enquêtes longues, de longs moments de réflexion d’un magistrat…  Et c’est là toute l’ambiguïté. Les magistrats ont le temps de la réflexion que les policiers n’ont pas, au moment de se défendre. La défense est parfois instinctive, obéissant à un réflexe. Certes, les policiers sont des professionnels, formés à se défendre, mais tous ne sont pas entrainés comme peut l’être le RAID.
J’en reviens au fait du jour, triste pour la corporation policière. Je n’étais pas présent, et ne sais absolument pas comment les faits se sont exactement passés ; l’enquête le dira certainement.
Mais il est un fait ; les policiers en sont désormais arrivés, en cas d’attaque, à se demander s’il n’auront pas de problèmes en se défendant ; j’entend, en utilisant leur arme de service. Sachant que désormais le moindre coup de feu policier engendre une enquête de la Police des Police. Pour peu qu’il y ai un blessé, et on augmente les chances du policier de faire un passage par la case « garde à vue ». De fait, certains policiers, tout de même désireux d’accomplir leur mission, vont « au charbon » avec un « couteau suisse ». Et font ce qu’ils peuvent. Souvent avec professionnalisme et réussite, mais parfois, on en arrive à des issues dramatiques. Comme aujourd’hui.
Peut-être… et je dis bien « peut-être » que, sans toutes ces questions, cette difficulté à utiliser une arme, cette réflexion que l’on veut nous imposer… peut-être que la policière de Bourges, ou son collègue, aurait pu faire feu sur cet homme, porteur d’un sabre. On ne le saura jamais. Il a fallu attendre un blessé grave, et un second blessé léger pour que ce jeune adjoint de sécurité n’utilise son arme. Il a eu, à priori, un bon réflexe.
Ne pourrait-on pas engager un débat, au sein de l’administration, et avec la justice, autour de cette légitime défense, applicable aux forces de sécurité ?
En attendant, la Police Nationale française pleure, une fois de plus, un de siens.
RIP.

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