mardi 29 novembre 2011

Tueurs de flics


Mon titre, s'il apparait "agressif", est volontairement provocateur. En effet, alors que je suis tranquillement devant mon ordinateur, à écrire ces quelques lignes, un de mes collègues de Vitrolles se trouve toujours, selon l'expression médicale "entre la vie et la mort"; pour certains, dans un état "désespéré". Et tout ça pour? Un cambriolage au butin "misérable".
Voilà donc des mecs qui montent au casse armés de Kalachnikov.
Autrement dit, une arme de guerre, un fusil d'assaut, considéré par certains comme la meilleure arme individuelle jamais conçue (1945), caractérisée par son chargeur dit "courbe". Je l'écris à nouveau, pour être sur que tout le monde a bien lu "ARME DE GUERRE". Et ce n'est pas moi qui ai choisi cette classification
kalachnikov

Habituellement, nous, policiers, avions à faire à ce type d'arme sur des affaires de grand banditisme, comme les braquages de fourgons, ou de centre-fort. La "voyoucratie moyenne" se "contentant" d'une arme de poing, type revolver. Et encore, lorsqu'elle était armée. Surtout pour un cambriolage.
C'est à l'occasion de ce type de fait divers que l'on s'aperçoit que la délinquance, disons même la criminalité, se radicalise. Kalachnikov, fusils à pompe, ne sont plus rares, et circulent en nombre.
Et, non seulement ils circulent, mais ils sont utilisés. Il arrive même que l'on trouve des lance-roquette!
De telles armes sont accessibles pour deux mille euro! 
On le savait déjà, la police ne fait plus peur. J'en reviens là à mon billet du 31 décembre 2009;  je vous parlais de ce policer, qui avait été renversé de manière volontaire, par deux cambrioleurs en fuite, en Seine et Marne (l'un des protagonistes ayant été libéré, sous contrôle judiciaire, la semaine passée). On peut également citer cet autre fait dramatique, qui s'est déroulé à Bourges il y a seulement quelques semaines, au cours duquel, là encore, une policière était tuée. Et ce ne sont là que les faits divers qui ont un retentissement national, puisque aboutissant à une issue tragique. Combien de policiers, toutes les semaines, sont pris pour cibles, par des voyous qui n'ont aucun état d'âme? C'est bien de cela, dont il est question; donc, non seulement, la police ne fait plus peur, mais désormais, les malfaiteurs n'ont plus aucun état d'âme quant aux moyens à mettre en oeuvre pour s’échapper! 
Il y a quelques semaines, je posais alors la question de la légitime défense dont peuvent faire état les forces de l'ordre, et du fait qu'il faudrait peut-être envisager de l'élargir quelque peu; il ne s'agit pas non plus de se lancer dans une guérilla urbaine. On pourrait, tout du moins, ouvrir un débat. Je pense, notamment, aux gendarmes qui, eux, peuvent ouvrir le feu dans des circonstances un peu moins restrictives. Ces circonstances sont explicitées à l'article  L2338-3 du Code de la Défense, rédigé ainsi: 
Les officiers et sous-officiers de gendarmerie ne peuvent, en l'absence de l'autorité judiciaire ou administrative, déployer la force armée que dans les cas suivants :
1° Lorsque des violences ou des voies de fait sont exercées contre eux ou lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ;
2° Lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent, les postes ou les personnes qui leur sont confiés ou, enfin, si la résistance est telle qu'elle ne puisse être vaincue que par la force des armes ;
3° Lorsque les personnes invitées à s'arrêter par des appels répétés de " Halte gendarmerie " faits à haute voix cherchent à échapper à leur garde ou à leurs investigations et ne peuvent être contraintes de s'arrêter que par l'usage des armes ;
4° Lorsqu'ils ne peuvent immobiliser autrement les véhicules, embarcations ou autres moyens de transport dont les conducteurs n'obtempèrent pas à l'ordre d'arrêt. Ils sont également autorisés à faire usage de tous engins ou moyens appropriés tels que herses, hérissons, câbles, pour immobiliser les moyens de transport quand les conducteurs ne s'arrêtent pas à leurs sommations."
Ne devrait-on pas élargir ce texte à la Police Nationale? Comment différencier l'usage des armes à deux forces qui oeuvrent pour la même chose, qui plus est, désormais, sous le même ministère!
Je vous renvoie, pour parfaire votre avis sur la question, au blog "Paroles de juge", lequel, dans un billet de 2010, traitait du sujet.Vous pourrez constater que, même pour les gendarmes, rien n'est évident. 
Peut-être serait-ce l'occasion, pour les parlementaires et/ou le Gouvernement, d'ouvrir un débat qui amène la mise en place de règles communes aux deux forces. Un texte qui place le malfaiteur armé, ou qui'hésite pas à mettre la vie d'autrui (citoyen ou policier) en jeu, face aux responsabilités qui sont alors les siennes.

SIG SAUER SP2022
Pour compléter le thème abordé, je vais également faire état de ce que j'ai pu entendre ou lire. D'aucuns demandent à ce qu'une arme longue, de type fusil à pompe, soit en dotation dans tous les véhicules de police en patrouille. Ce qui permettrait, pour le moins, de pouvoir lutter un peu plus efficacément contre ce genre d'enc... d'enfoirés qui font feu sur des policiers qui n'ont, à ce jour, pour seule arme, qu'un SIG SAUER SP2020, avec 30 cartouches, en dotation individuelle .
Je précise que des armes dites "en dotation collective" (dont fait partie le fusil à pompe) sont effectivement présentes dans les armureries des services de police, mais  leur simple "sortie" se fait dans le cadre de circonstances d'intervention particulières (interpellations à domicile d'un homme réputé dangereux, par exemple). 
Un fusil à pompe dans tous les véhicules d'intervention, sur le principe, pourquoi pas? Mais cela amène d'autres difficultés; cela signifie que, à chaque intervention, un policier doit rester au véhicule pour "surveiller" l'armement long. En effet, je ne vois pas les policiers intervenir pour un tapage nocturne avec un fusil à pompe à la main! 
Ceci amène cela; tout ça pour dire qu'il n'est pas rare (et c'est même fréquent, voir suggéré par le Président de la République lui-même) que les véhicules de Police ne soient équipés qu'à deux fonctionnaires. Et dans la période de RGPP à laquelle nous sommes soumis, il ne m’apparaît pas raisonnable de penser que les choses vont changer. Bref, il est impossible d'engager une intervention de Police à un fonctionnaire seul, l'autre restant au véhicule.
D'une manière générale, il ne s'agit pas de légiférer à la suite d'UN fait divers, mais plutôt de s'adapter à l' évolution de la criminalité!
Je ne parle pas non plus de créer de nouvelles infractions, ou d'alourdir les peines; l'arsenal répressif étant existant, l'article 221-3 du Code Pénal (modifié par une loi du 17 Mai 2011) est ainsi édicté:

"... lorsque l'assassinat a été commis sur un magistrat, un fonctionnaire de la police nationale, un militaire de la gendarmerie, un membre du personnel de l'administration pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l'autorité publique, à l'occasion de l'exercice ou en raison de ses fonctions, la cour d'assises peut, par décision spéciale, soit porter la période de sûreté jusqu'à trente ans, soit, si elle prononce la réclusion criminelle à perpétuité, décider qu'aucune des mesures énumérées à l'article 132-23 ne pourra être accordée au condamné ".
Et vous, qu'en pensez-vous? 

7 commentaires:

  1. Chris,
    Je vous remercie de votre contribution et je perçois tout à fait votre sentiment d'insécurité et d'abandon par le manque de moyens.
    Je voudrais vous faire part d'une petite réflexion: La radicalisation de celle des voyous de bas de gamme n'est-elle pas une réaction contre la violence psychologique exercée par les hautes sphères? Un régime présidentiel où l'autorité réside en un seul homme dont celle-ci est contestée, délégitimée mais qui exerce toujours une grande emprise et ce sont toutes les représentants de l'autorité sur le terrain qui sont mis à mal. Imposer l'autorité par la violence n'est-ce pas là la manière la plus simple et directe d'entrainer une opposition massive, radicale? Aussi, augmenter les moyens balistiques des services de police sans enrayer par exemple le marché des ventes d'armes de guerre parallèle (le démantèlement du bloc soviétique, l'ex-yougoslavie...y ont largement contribué) serait vous exposer encore plus à cette violence voire à son intensification, à sa radicalisation.
    Lutter aussi contre ce climat de psychose en ne cédant pas à tous les discours réactifs suite à des affaires (qui d'ailleurs, souvent enfoncent les services de police et de justice au passage...), ou aux discours ambigus, pervers sur le contexte économico-financier ne permettrait-il pas d'endiguer la peur et le désir de défense qu'elle sous-tend?
    Qu'en pensez-vous?
    Sab

    PS:
    « La violence se donne toujours pour une contre-violence, c’est-à-dire pour une riposte à la violence de l’autre. »
    Jean-Paul Sartre

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  2. D'un point de vue pratique pour son intervention, est-ce que ça change quelque chose que le policier soit lourdement armé ?
    Est-ce qu'il aurait pu ou du faire quelque chose de plus avec un fusil d'assaut entre les mains ? Si le type tire à vue avec sa Kalachnikov sur le fonctionnaire qui vient l'interpeller, le fait pour celui ci d'avoir une arme plus létale entre les mains change-t-il quelque chose ?
    En outre, dans des conditions "ouvertes" (interventions à l'extérieur non planifiées, avec potentiellement des passants non repérés), le policier peut-il se permettre de faire réellement usage d'une arme automatique pour arroser la zone ou se trouve les criminels ?

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  3. Merci pour cet article !

    J'ai plusieurs questions :

    j'ai lu tantôt (je ne sais plus où) que les policiers recevaient très peu d'entraînement au maniement de leur 2022, et qu'ils disposaient de quelque chose comme 30 ou 40 cartouches de dotation par an pour garder leur niveau, est ce vrai ?

    En l'espèce, j'ai du mal à comprendre l'intérêt d'un fusil à pompe dont le potentiel de pénétration est pratiquement nul contre des malfaiteurs qui disposent d'armes telles que des AK47 (ie des trucs qui font des trous dans les voitures).

    Rien à voir mais j'ai visité la Santé hier, et étant arrivé tôt j'ai pu voir le transfert de Carlos : les policiers devant la maison d'arrêt étaient équipés d'un truc qui ressemblait méchamment à un PM Beretta M12, c'est possible ? Pourquoi n'ont-il pas d'équipement plus conséquent ?

    Pour l'avis, voilà le mien : on ne peut pas demander à nos policiers d'arrêter des gens qui sont prêts à les tuer pour s'échapper si en contrepartie on ne leur en donne pas les moyens.
    Poursuivre des criminels armés de fusils d'assaut alors qu'on a soit même qu'un flashball / 2022 dans les mains, sous le meilleur jour c'est courageux, de façon plus réaliste, c'est risquer sa vie pour au mieux les tuer avant qu'ils ne vous tuent. (Bah oui, ils font déjà peu de cas de leur complice dans leur ligne de mire quand il s'agit de tirer sur des policiers, alors ...)

    Maintenant, ça peut vouloir dire deux choses : on accepte que les personnes qui braquent des supérettes au fusil d'assaut ne soient arrêtés que si le GIPN / la gendarmerie est dans le coin, ou alors on donne à la police des moyens plus importants et la formation qui va avec.

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  4. Euh... le truc sous la kalach n'est-il pas plutôt le fusil automatique qui équipait les troupes allemandes à la toute fin de la guerre de 39, et dont le célébrissime M. Kalachnikov, bienfaiteur de l'humanité, s'est amplement inspiré pour concevoir son invention?

    (Pardon d'avance pour ce commentaire totalement futile, au sujet d'une affaire très préoccupante)

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  5. Le Code de la Défense n'empêche pas les gendarmes de se retrouver en GAV..

    http://tempsreel.nouvelobs.com/societe/20111118.FAP8092/isere-garde-a-vue-pour-un-gendarme-qui-a-abattu-un-mari-menacant.html

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  6. Oui, c’est dramatique de voir des armes de guerre circuler aussi facilement dans notre pays et c’est d’autant plus dramatique que, comme vous le dîtes, les délinquants n’hésitent pas à s’en servir. L’égalité étant un de nos principes fondateurs, on devrait légaliser les armes, comme ça tout le monde sera de la fête.

    Blague à part, la radicalisation de la criminalité bien que préoccupante est révélatrice d’un phénomène bien plus grave. En effet, le véritable fléau de notre société c’est la perte de valeurs essentielles. Cette situation est d’autant plus grave que nos deux derniers siècles ont montré la force et la justesse de nos valeurs : le XIXème a permis à l’Europe de gagner sa liberté, le XXème a permis à la démocratie et à la tolérance de triompher sur l’obscurantisme et la haine. La perte de nos valeurs est visible dans tous les domaines que ce soit l’économie, la politique, le sport. Cette perte de valeurs, je la vois au quotidien et depuis que je suis petit. Au collège et au lycée, où l’on voit les plus petits se permettre de tripoter les filles sans gêne, d’insulter les profs, de se taper dessus : si nos enfants sont sans valeurs, alors que seront-ils une fois adulte ?

    Mais regardons justement nos adultes, ceux qui nous dirigent. Le profit, voilà leur mot d’ordre. Le respect a disparu de toutes les sphères : on est entourés de voyous. Alors oui, je pense que les policiers devraient bénéficiés de plus de souplesse pour user de leur arme car face à des voyous qui méprisent la vie humaine, on ne peut pas discuter. Mais je pense aussi que les policiers devraient se remettre en question. Vivant à Paris, tous les jours je vois les policiers se comporter comme des cowboys. Ils grillent les feux rouges sans avertisseurs, ils regardent les gens de haut avec leur iphone dans le métro, ils roulent sur les trottoirs, se garent n’importe comment. Bref, ils se comportent comme des voyous. Heureusement, il y en a qui croient encore en leur métier : celui de faire respecter la loi et de protéger leurs concitoyens. Lorsque j’ai déposé plainte pour le vol de mon vélo, qui soit dit en passant était crevé (quel intérêt de le voler ? il avait plus de cinq ans et coûtait à l’époque 150 euros), la policière qui a pris ma déposition avait été très aimable. Autre exemple, j’avais vu un documentaire d’Arte qui montrait le mal-être des policiers. Ceux-ci ne supportaient plus de verbaliser des gens qui gagnaient une misère alors que dehors sévissaient des délinquants et des criminels, ce documentaire était dramatique car il évoquait le suicide de plusieurs policiers et les graves dépressions de certains. Ce documentaire m’a permis du nuancer ma perception quotidienne sans toutefois la changer, il m’a permis d’espère qu’un jour, la police retrouverait toutes ses lettres de noblesse. Quand je vois le comportement des racailles et des voyous, j’ai envie de me dire : « heureusement la police est là, elle fait son boulot », malheureusement quand je vois son comportement, je baisse les bras. Comment se fait-il que je ne me sente pas en sécurité ? Ce n’est pas normal. Quand je vois, la montée du FN, je me dis que ce pays n’est toujours pas sorti de l’auberge et j’espère que celui ou celle qui sera élu en 2012 renouera le lien entre la police et la nation, car ce lien qui s’est brisé est essentiel à notre cohésion sociale, j’espère aussi qu’il ramènera des valeurs au cœur de notre Nation telles que le respect et la tolérance. Le FN apporte la haine dans notre pays, il ne fait qu’apporter de fausses solutions mais de nouveaux problèmes, véritables cette fois. La France doit combattre le racisme, l’homophobie, la xénophobie, l’islamophobie et aussi le racisme envers les blancs qui est bien réel lui aussi.

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  7. Je crois qu'il n'y a pas ici de solution au niveau du problème. La solution possible se trouve bien en amont. Lorsqu'une nation, cinquième vendeuse d'arme au monde se met en envahir un pays libre (La Lybie - 10000 morts) sous un faux prétexte et grâce à une propagande inique pour simplement voler le pétrole alors imaginez comment les individus peu-scrupuleux de cette même nation doivent se sentir finalement assez libre de commettre les pires crimes. L'amélioration de la situation ne peut donc se faire que par une évolution de la conscience collective et ceci passe par la responsabilité de chaque individu de bonne volonté. Il y a un axe destructeur qui associe la méchanceté à l'intelligence et la bonté à l'ignorance et un axe créateur qui associe la bonté à l'intelligence et la méchanceté à l'ignorance. Il est donc du devoir du bon de développer son intelligence, sinon il participe à l'axe destructeur, comme le méchant. Il y a un espoir néanmoins, du moins j'ose le croire. L'homme non-perverti est fondamentalement bon, la masse humaine en marche s'élévera. Courage donc.

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